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du dépofitaire comme chez lui; elle У eft comme chez celui à qui elle appartient. Lorsque le dépofitaire en fait ufage, il ne Ja vole pas moins, que fi, ne lui ayant point été dépofée, il alloit la prendre la nuit dans la maifon de celui qui en eft le ve ritable proprietaire.

,

Appliquons ces regles au fecret. Si celui à qui il a été con fié, ne le fçait pas plus que s'il ne lui avoit pas été communiqué; quel ufage en peut-il fai re, que celui qu'il en feroit s'il ne le fçavoit pas ? S'il l'igno roit, il n'en aideroit point fon ami, & il regarderoit comme un grand malheur de l'avoir igno ré. C'est l'état où il fe trouve lorfqu'il ne le fçait que fous condition de ne le pas reveler. Dans le premier cas, il doit fe plaindre de n'avoir pû le fça О

voir; dans le fecond, de ne l'a voir pû dire. C'est tout ce qu'il peut fe permettre. D'ailleurs, il ne doit non plus fe faire de reproche de n'avoir pas violé le fecret, qu'il s'en feroit de n'a voir pas volé pour racheter la vie de fon ami. Si l'amitié ne peut autorifer un vol, elle ne peut jamais autoriser un manque de foi.

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Il ne faut pas compter que l'amitié ait plus de droit fur les devoirs qui nous lient à la Patrie, que fur ceux qui nous lient à Dieu. Si nos premieres obligations nous engagent à l'Etre Souverain, nous en avons de fecondes , qui nous enga gent inviolablement à la Repu blique. Quelque liaison que nous formions, n'oublions jamais qu'elles doivent être fubordonnées à l'amour de la Pa

trie. Il n'y a rien que les Anciens ayent plus recommandé par leurs écrits, rien que les grands hommes des fiecles heroïques ayent mieux établi par leurs exemples. On ne peut lire les ouvrages des Philofophes, des Orateurs & des Poëtes de ces tems-là, fans croire qu'ils ont à l'envi épuisé tous leurs talents , pour nous donner de cet amour une idée au-deffus de toutes celles que nous pourrions nous en former. Mais on n'ouvre point leurs Hiftoires, fans reconnoître que les Heros ont fur cette matiere encheri fur les Poëtes, fur les Orateurs & fur les Philofophes ; & que ceux-là ont pouffé leurs actions plus loin, que ceux-ci n'avoient porté leurs idées.

Codrus, Roi d'Athenes, prêt à donner bataille aux Doriens

apprend de l'Oracle, que s'il étoit tué, fon armée feroit victorieuse. Dans une pareille fituation, fes fujets par amour, & fes ennemis par crainte, s'intereffoient également à la confervation de fa vie ; il trompe la vigilance des uns & des autres. Content de mourir, pour vû que fon pays triomphe, il fe traveftit, paffe dans le Camp ennemi, y prend querelle avec un foldat, fe fait tuer & par une mort fi genereufe il jette les fondemens les plus folides de la gloire & de la grandeur d'Athenes.

Curtius ne montra pas moins d'amour pour Rome. Un trem. blement de terre avoit fait aut milieu de cette Ville un gouffre effroyable. Une vapeur maligne qui en fortoit, répandoit par tout la confternation & la

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mort. On confulte l'Oracle, ref fource ordinaire dans les calamitez publiques. chez ces peuples fuperftitieux. Il declare qu'on ne doit point s'attendre, que le gouffre fe referme, s'il ne fe trouve un Romain qui ait le courage de s'y précipiter. Curtius ne le fçait pas plûtôt. qu'il monte à cheval, fe jette à toute bride dans l'abîme; & par la perte de fa vie, conferve celle de tous fes Concitoyens, & en acquiert une immortelle.

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On juge bien, que des gens qui fe facrifioient eux-mêmes fi volontairement à l'idée du bonheur de leur Patrie, n'aimoient rien preferablement à elle. Tout autre amour fe tai

foit, dès que l'amour de la Patrie fe faifoit entendre ; & loin -que l'amitié le pût balancer Famour paternel, le plus fort

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