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geufes, que celles des perfonnes qui penferont, & qui parleront mieux qu'eux.

Ainfi, lorfque je donne l'exclufion aux perfonnes fans efprit, je ne prétends pas leur donner une exclufion abfoluë : je veux feulement dire, que l'amitié n'étant point une inclination aveugle, mais un fentiment éclairé, une perfonne raifonnable ne doit point faire tomber son choix fur un ftupide, quoique d'ailleurs, ce foit un fort honnête homme.

Il s'en faut bien que je pense de même des vicieux ou des fcelerats. Jentens par vicieux, un homme infecté de quelqu'un de ces vices qui attaquent les principes de l'honou de la juftice; & non un homme fujet à des foiblef fes » qui toutes condamnables.

neur,

qu'elles font, ne laiffent pas d'etre tolerées par les plus honnêtes gens. L'interêt qu'ils ont eu, qu'ils ont, ou qu'ils crai gnent d'avoir, qu'on ne croye pas que de telles foibleffes détruifent les principes de la ver tu, les a fait convenir de regarder de pareils defordres, plûtôt comme des infirmitez de l'humanité, que comme des vices de la perfonne ; & cette er reur devenue prefque générale femble avoit fait une efpece de droit. Je parle ici en Philofo phe à tous les peuples, de quelques pays, qu'ils foient : & non en Chrétien, qui fçait que l'o pinion des hommes ne prefcrit point contre les Loix immuables de Dieu..

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Je foûtiens donc qu'un vi cieux ou un fcelerat (car je n'y mets point ici de difference)

ne peut être un fujet propre pour l'amitié. Je paffe plus loin, je ne conçois pas que l'amitié puiffe fubfifter entre les fcele

rats.

on

Si pour le prouver je me contentois de dire, qu'il n'y a point d'amitié fans vertu ne manqueroit jamais de me répondre, que je fuppofe ce qui eft en queftion. Il faut donc montrer par la nature même & par le confente

de l'amitié

ment unanime de toutes les na

tions, que la vertu y doit en

trer.

Les peuples les plus polis, comme les Grecs & les Ro mains, ont crû que l'amitié eft un fentiment né de l'eftime que l'on a conçue pour quelqu'un, & confirmé par la ref femblance des mœurs. Si par l'amitié on vouloit entendre

un instinct, ou un penchant aveugle, qui nous entraîne vers quelqu'un fans que nous fçachions pourquoi, ou une liaifon que l'interêt feul a formée; il faudroit bien convenir, que l'amitié pourroit fe trouver parmi les fcelerats, puifque cet instinct exerce certainement fon pouvoir fur eux, & qu'ils ne connoiffent d'autre loi que leur interêt. Ainfi l'on ne doit point difputer avec ceux qui pofent de pareils principes. Nous conviendrons que les fcelerats. peuvent être unis d'amitié dans le fens que ces perfonnes lui donnent. Mais nous avertirons que quand nous parlons d'amitié, nous n'entendons parler, ni de ce penchant aveugle qu'imprime la nature, fans confulter la raifon; ni de cette liaison que le feul

les

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interêt forme fans écouter l'honneur. Ce n'est plus en ce cas qu'une difpute de mots, qui n'eft pas affez ferieufe pour le fujet que je traite

L'amitié dont je parle, eft celle que les honnêtes gens ont toujours vantée, comme le plus précieux trefor que les hommes puffent poffeder. Il est clair qu'ils n'ont pas prétendu donner de fi magnifiques éloges à une liaison formée, ou par l'inf tinct feul, ou par un fordide interêt.

On ne s'est jamais avisé même parmi les peuples les plus groffiers, d'exciter les hommes à fuivre leur penchant, & à courir où l'interêt les appelle; au contraire, la plupart des meilleures loix ne tendent, qu'à reprimer les mouvemens de l'un & de l'autre, & à re

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