Imágenes de páginas
PDF
EPUB

les leur a tous enlevez. De l'autre, ces habiles imposteurs dont j'aurai découvert l'artifice; ces gens qui verront que ce phantôme d'amitié autrefois fi utile pour eux, ne leur attirera plus que du mépris ou de l'horreur, ne me le pardonneront jamais. Loin de m'allarmer de ce danger, je ferois trop content de moi, fi je pouvois me promettre de mériter leur reffentiment, & de détrómper les uns en décriant les autres.

Mais je ne me flatte point. Les crédules, à qui, pour avoir de faux amis, il n'en coûte que d'être riches & heureux, ne voudront point, pour en acquerir de véritables, fe donner la peine de les chercher ou de les faire. Que fçait-on même s'ils voudroient les avoir faits, ou les avoir trouvez quand ils en con

[ocr errors]

noîtront bien le caractere ? Et ceux qui fous le mafque d'amis, en profanent le nom, mépriferont toutes mes reflexions, & laifferont le foin de leur apologie à l'amour propre, qui ne fçaura que trop les défendre.

[ocr errors]

En effet, entre ceux qui pourront lire ce Traité, le moyen de trouver un homme, qui après avoir ferieusement examiné tous ceux qu'il croit aimer dont il se croit aimé lui-même, ait affez de courage pour s'a. vouer, qu'ils ne tiennent qu'à fa place & à fa fortune; qu'il ne tient de fon côté qu'à son in, terêt, ou à son plaifir, & que le mérite & la vertu n'ont point feuls formé les nœuds qui les uniffent.

Il eft pourtant vrai, que l'amitié n'eft autre chofe qu'une parfaite union des cœurs, for

niée par le mérite & par la vertu, & confirmée par la reffemblance des mœurs. Toute autre liaison n'eft qu'une focieté mercenaire, & indigne d'un nom fi faint.

C'est donc une erreur fort groffiere, quoique fort commune, que de confondre l'amitié avec cette efpece de com merce ordinaire, que les allian. ces, les emplois, les affaires & les bien-feances établiffent entre les hommes. Cet échange qui s'y fait de vifites, de compliments, de foins, d'offices, ne reffemble non plus à une fincere amitié, que le déreglement à l'ordre, que le vice & la vertu.

Ce n'eft pas que je prétende condamner cette forte de correfpondance, que le bien de la focieté a introduite, & que

l'honnêteté a polie. Je n'en blâme que l'excès. Je voudrois que l'abus n'en eût pas été porté fi loin ; & qu'au langage & aux autres démoftrations exterieures on pût encore diftinguer, la fimple politeffe d'avec la tendre amitié. Pourquoi, à la moindre occafion, courir avec tant d'ardeur chez des gens que fouvent l'on n'eftime guéres, que peut-être on méprife, que certainement on n'aime point? Pourquoi, s'il eft mort un de leurs parens que nous ne connoiffions pas, dont la vie leur étoit à charge, ou qui en mourant leve un obftacle aux fouhaits que nous formions pour d'autres perfonnes protefter que l'on eft très-fenfible à une douleur que rarement ils ont & que nous ne reffentons ja mais nous-mêmes ? Pourquoi,

,

7

s'il leur arrive une fortune, un honneur que quelquefois nous leur envions, leur jurer que nous en avons l'ame pónetrée de joye? Enfin, pourquoi accabler d'embraffades & de careffes, des gens qu'on vient de déchirer par fes difcours, ou contre qui le moment d'après l'on va se déchaî

ner?

Si nous prétendons que ces démonstrations & ces paroles fignifient tout ce qu'elles femblent dire, nôtre conduite n'est que fauffeté: & fi nous ne youlons ni les donner ni les rece voir pour ce qu'elles font entendre, elle n'eft que pueri

lité.

Se chercher avec empreffe ment, pour se dire à l'envie des paroles vuides de fens, ou pour faire l'un devant l'autre, des

« AnteriorContinuar »