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SATIRA III

Umbritium quemdam, amicum fuum, inducit Roma Cumas difcedens tem, caufas cur difcedat exponentem : quarum prima eft, quòd artibus honeftis loci nihil jam Romæ fit. Altera, quòd in ea tantum improbi dominentur, & magnorum fcelerum auétores, vel conscii. Tertia, quòd plena fit hominibus exteris, præfertim Græcis, quorum adulationem, vafrum & verfatile ingenium, delationes, calumnias, aliáfque malas artes exagitat. Quarta, quòd folarum opum ratio habeatur, non virtutis aut nobilitatis. Quinta, quòd Roma nihil furnmo pretio non conftet, ne fomnus quidem. Sexta, petitur à ruina domorum

crebris incendiis. Septima, ducitur ab urbis ftrepitu. Octava, à periculo, cùm tegulæ aut vasa è sublimibus feneftris in prætereuntes decidunt. Nona, eft juvenum ebriorum ac petulantium protervia, qui obvios quofque pulsant ac male multant, præfertim pauperes, quorum miferam conditionem non uno in loco hujus fatira defcribit. Decima, eft graffatorum & latronum incredibilis copia. In claufula Satira, Umbritius valere Juvenalem jubet, itérque inftitutum pergit.

Q

UAMVIS digreffu veteris confufus amici,

Laudo tamen vacuis quòd fedem figere Cumis

Destinet, atque unum civem donare Sibyllæ.

Janua Baïarum eft, & gratum littus amœni

5 Seceffus. Ego vel Prochytam præpono Suburræ.

Nam quid tam miferum, & tam folum vidimus, ut nỡn

Deterius credas, horrere incendia, lapfus

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Te&torum affiduos, ac mille pericula fævæ

SATIRE III

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SATIRE III.

Fuvénal fuppofe, dans cette Satire, qu'un certain Umbritius fon ami; ayant formé le deffein de quitter la Ville de Rome pour aller s'établir à Cumes, lui expose les raisons, qui l'engagent à prendre ce parti. Ces raifons font au nombre de dix. La premiere, eft le peu de cas qu'on y faifoit alors des beaux Arts. La feconde, l'indignation qu'il reffent de ne voir que des fcélérats en poffeffion du pouvoir de Pautorité fuprême. La troifiéme, la prodigieufe quantité d'Etrangers qu'on y rencontre, & fur tout des Grecs, dont il ne peut souffrir le génie fourbe flateur, porté à toutes fortes de médifances & de caTomnies. La quatrième, le peu d'état qu'on y fait de la Nobleffe & de la folide veriu, pendant que tout s'y accorde aux richesses & à l'opulence. La cinquième, la dure neceffité d'acheter tout dans Rome, jufqu'au repos de la nuit. La fixième, la ruine prochaine de la plupart des maifons, les fréquens incendies. La feptième, le bruit continuel qu'on y entend. La huitième, le danger que courent les paffans dy être écrasés par la chute des thuiles, ou par celle des vafes done la plupart des grandes fenêtres fent ornées. La neuvième, l'infolence des jeunes gens étourdis & fouvent dans le vin, dont l'unique plaifir eft d'infulter de maltraiter les paffans, fur tout les pauvres, done il décrit en plus d'un endroit de cette Satire le fort malheureux. La dixième enfin, eft la quantité incroyable de bandis de voleurs dont cette grande ville eft pleine. La Satire finit par les adieuxc qu'Umbritius fait à Juvénal, & en lui protestant qu'il eft résolu de faire le voyage qu'il a projetté.

Q

Uorque je fois fenfiblement touché du départ de mon ancien ami, je ne puis cependant défapprouver le deffein qu'il a d'aller s'établir à Cûmes, & de donner un nouveau citoyen à cette petite ville. Cûmes eft un paffage pour aller à Baïe; un rivage fort agréable; une folitude charmante. A vous dire le vrai, la ruë la plus frequentée de Rome me plaît bien moins que l'Ifle du monde la plus déferté. Quoi! fe voir ici à tout moment fur le point d'être enveloppé dans un incendie; écrafé fous les ruines d'une maifon qui vient à tomber; courir fans cefferifque de fa vie;

I

Urbis, & Augufto recitantes mense poëtas? 10 Sed dum tota domus rhedâ componitur unâ, Subftitit ad veteres arcus, madidámque Capenam, Hic, ubi nocturnæ Numa conftituebat amicæ. Nunc facri fontis nemus, & delubra locantur Judæis, quorum cophinus, fœenùmque fupellex. 25 Omnis enim populo mercedem pendere jussa est Arbor, & ejectis mendicat fylva Camoenis. In vallem Ægeriæ defcendimus, & fpeluncas Diffimiles veris. Quantò præftantius effet Numen aquæ, viridi fi margine clauderet undas 10 Herba, nec ingenuum violarent marmora tophum! Híc tunc Umbritius; quando artibus, inquit, honeftis Nullus in urbe locus, nulla emolumenta laborum, Res hodie minor eft, here quàm fuit, atque eadem cras Deteret exiguis aliquid; proponimus illuc

25 Ire fatigatas ubi Dedalus exuit alas :

30

Dum nova canities, dum prima, & re&ta fene&tus,
Dum fupereft Lachefi quod torqueat, & pedibus me
Porto meis, nullo dextram fubeunte bacillo.

Cedamus patriâ ; vivant Arturius iftic,

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Et Catulus : maneant qui nigra in candida vertunt
Queis facile eft ædem conducere, flumina, portus,
Siccandam eluviem, portandum ad busta cadaver,
Et præbere caput dominâ venale fub hafta.
Quondam hi cornicines, & municipalis arena

etre invefti de mille Poëtes qui vous affaffinent du récit de leurs vers dans les plus grandes chaleurs; tout cela n'eft-il pas plus affreux que les plus triftes folitudes ?

Pendant qu'on chargeoit tout le petit bagage d'Umbricius fur une charette; il s'arrêta avec moi fous les vieux arcs de la porte de Capêne : C'est en ce lieu que Numa confultoit Egérie : on louë aujourd'hui aux Juifs le Bois, les eaux, & le Temple que ce bon Roi confacra jadis aux Muses; hélas, on les en a chaffés, & ces miferables Juifs, qui n'ont pour tous meubles que quelques corbeilles & un peu de foin, payent jufqu'à l'ombre de la forêt où ils fe retirent. Ce fut dans cette forêt d'Aricie que nous nous arrêtâmes ensemble, près de ces grottes qui ne font rien moins que naturelles. Ah! la divinité qui y préfide, feroit bien plus refpectable & plus honorée, fi au lieu de ces magnifiques baffins de marbre, leur fontaine n'étoit bordéc que de fimple tuf & de gazon.

Puifque les beaux arts, me dit Umbricius, font à préfent bannis de Rome; puifqu'on ne tire aucun fruit de fes veilles; que mon bien dépérit tous les jours; que j'en ai moins aujourd'hui que je n'en avois hier, & que demain j'en aurai encore moins: mon parti eft pris, je me retire à Cumes pour y chercher le repos, comme fit Dédale après avoir long-tems volé dans les airs. Tandis que j'ai encore de la vigueur; que je ne me fens point courbé fous le faix des années; que la vieilleffe ne m'empêche pas de marcher fans bâton, & qu'il refte encore à la Parque de quoi filer. Sortons d'ici, qu'Arturius & Catule y vivent tant qu'ils voudront; que ceux-là y demeurent, qui font paffer le vice pour vertu ; j'en fuis content : que ces Meffieurs qui entrent dans tous les partis, qui gagnent des biens immenfes fur les ouvrages publics, fur les ports, fur les paffages, fur les bouës des rues, fur les pompes funèbres, & fur la vente des efclaves ; que ces Meffieurs, dis-je, vivent ici à leur aife. Ces gens dont je viens de parler, alloient autrefois fonner de la trompette à tous les combats des Gladia

35 Perpetui comites, notæque per oppida bucca,
Munera nunc edunt, & verfo pollice vulgi
Quemlibet occidunt populariter: inde reverfi
Conducunt foricas. Et cur non omnia? Cùm fint
Quales ex humili magna ad faftigia rerum
40 Extollit, quoties voluit Fortuna jocari.

Quid Romæ faciam ? mentiri nescia, librum, →Si malus eft, nequeo laudare, & pofcere: motus Aftrorum ignoro : funus promittere patris

"Nec volo, nec poffum: ranarum viscera nunquam

» 45 Infpexi: ferre ad nuptam quæ mittit adulter,

"

Quæ mandat, norint alii; me nemo ministro
Fur erit: atque ideo nulli comes exeo, tanquam
Mancus, & extin&æ corpus non utile dextræ.
Quis nunc diligitur, nifi confcius, & cui fervens
30 Æstuat occultis animus, fempérque tacendis ;
Nil tibi fe debere putat, nil conferet unquam,
Participem qui te fecreti fecit honefti.

Carus erit Verri, qui Verrem tempore, quo vult,
'Accufare poteft. Tanti tibi non fit opaci

55 Omnis arena Tagi, quódque in mare volvitur aurum
Ut fomno careas, ponendáque præmia fumas
Triftis, & à magno femper timearis amico.

Quæ nunc divitibus gens acceptiffima noftris ;

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