naiffance, que vous avez formée à la pieté par vos inftructions & par vos exemples, qui vous eft unie depuis ce tems autant par les liens de la charité Chrétienne, que par ceux d'une amitié naturelle; compagne de vos dévotions, confidente de vos bonnes œuvres, affiduë auprès de vous attentive à vous plaire, & d'autant plus aimée de vous, qu'elle mérite de l'être. J'entre dans vos fentimens, & je ne vous blâme pas de fentir que vous êtes mere. Mais après tout, Madame, je ne puis que louer Mademoiselle vôtre fille. Elle entend la voix du Seigneur,elle la fuit. Voudriez-vous la retenir lorfque Dieu l'appelle ? Dans le tems qu'elle fonge à fe feparer de vous, vous, fongez à vous feparer de vous-même. Voyez où elle va, & non pas d'où elle fort: refléchiffez fur ce qu'elle gagne, non pas fur ce que vous perdez, & ne vous faites point une peine de ce qui doit faire fon bonheur. Il eft vrai qu'elle pouvoit choisir une profeffion plus douce, & vous l'auriez défiré ainfi ; mais JesusChrift nous enfeigne que ce n'eft pas nous qui le choififfons, mais que c'est lui qui nous choifit. Il n'y a pour nous de voïes de falut que celles qu'il nous a marquées. Mademoiselle vôtre fille eft deftinée à plus de perfection que vous n'aviez crû. Elle ne veut que la Croix pour partage,le Cal vaire pour retraite, Jefus-Chrift fouffrant pour modele. Les aufteritez de la vie ne la rebutent pas, ellle n'a point pitié d'ellemême.Plaignez-la fi vous voulez par tendresse, mais reconnoiffez qu'elle eft plus heureuse & qu'elle a plus de courage que vous, ce qui vous doit être d'une grande confolation. J'avoue que fçauroit été un adouciffement confiderable que de l'avoir toûjours auprès de vous, & peut-être Dieu vous referve-t-il cette fatisfaction fenfible. Mais elle fe donne à la Providence pour peu qu'elle ait befoin de fa prefence ailleurs. Vous l'aimerez tendrement en Dieu, vous la verrez par la foi, vous apprendrez les graces qu'elle reçoit de fon Epoux, vous fentirez l'efficace de fes prieres, & fi elle ne fait pas le plaifir, elle fera la benediction de vôtre famille. C'eft à vous en partie, Madame, que vous devez attribuer l'embarras où elle vous jette; la bonne éducation que vous lui avez donnée lui a fait un fonds de Religion qu'elle a bien cultivé dans la fuite, & les femences de pieté que vous aviez fait croître dans fon cœur ont fructifié plus que vous n'efperiez, & prefque plus que vous ne vouliez. Je prie le Seigneur qu'il vous fortifie, & je vous affure que. perfonne ne prend plus de part à la fatisfaction fpirituelle de la mere & de la fille, Madame, que vôtre très-humble, &c. A Nifmes ce S. Mai 1706. LETTRE CCXLVI. De civilité & de pieté à une Demoiselle. Ο Uand je vous ai écrit, ma chere Fille, fur les inquiétudes de quelques Religieufes, cette plainte ne retomboit point fur celles qui vous font connuës, moins encore fur celle que vous appellez vôtre amie.Elle avoit raifon de vous faire connoître que les forties des Couvents fans une extrême neceffité, n'étoient pas. de mon goût, comme étant contraires à la régularité de leur état, & à celle de nôtre conduite. J'ai permis à Mefdames Baucaud d'aller à Balaruc plus fouvent qu'à d'autres, tant par l'eftime que j'ai toûjours euë de leur vertu, que par la connoiffance que j'avois de leurs maux & de leurs befoins. J'ai permis à vôtre amie de paffer quatre ou cinq mois hors de fon Monaftere. Cela fe fait une fois. J'ai bien voulu que Madame de Baucaud vint paffer deux ou trois mois au Couvent de Nifmes. Cela eft encore bon une fois, Elle voulut par reconnoiffance attirer la Superieure de Nifmes à Sommieres. Je louai fon honnêteté, mais je loüai encore plus la fageffe de l'autre, qui facrifia fon I fon inclination à fa Religion, & connut bien qu'il y avoit dans fes vifites reciproques, une civilité qui tenoit un peu des bienféances feculieres. Quoiqu'il en foit, ma chere Fille, les facilitez ne font pas toûjours felon la Regle, & portent fouvent préjudice à l'Ordre. Je fouhaite fort d'être à portée de vous voir pour vous aider, fi je puis, de mes petits confeils, pour vous témoigner la part que je prends à la réputation de prudence & de pieté que vous vous êtes acquife, pour être témoin des progrès que vous avez faits dans les pratiques de la vertu, & pour vous afsûrer qu'on ne peut être plus par-, faitement que je le fuis, ma chere Fille vôtre, &c. A Nifmes ce 10. May 1706. LETTRE CCXLVII. De civilité à M. Gonthieri Archevêque d'Avignon, fur fon arrivée dans cette Ville. AG Gréez, Monseigneur, que je joigne mes acclamations à celles d'Avignon & de tout vôtre Diocese. Nous avons apris ici la joie que ces peuples ont eiie de vôtre arrivée, & nous l'avons reffentie, tant par la part que nous prenons ay bonheur de nos yoifins, que par l'ef Tome 11. D perance que nous avons de profiter des lumieres & des exemples d'un Prélat auffi fage & auffi éclairé que vous. Je n'ai rien à offrir à vôtre Excellence qui foit digne d'elle, qu'un cœur toûjours porté à l'honorer. La proximité de nos refidences me donnera peut-être lieu de mériter l'honneur de fa bien-veillance, & de lui témoigner le refpect fincere & le parfait attachement avec lequel je fuis, Monfeigneur, de vôtre Excellence, le, &c. A Nilmes ce 16. May 1706. LETTRE CCXLVIII. Compliment à M. le Maréchal Duc de Villars, fur fes heureux fuccez. JA 'Avois bien toûjours cra, Monfieur, que vous alliez ouvrir à vôtre ordinaire, une brillante Campagne, & que les ennemis ne tiendroient pas devant vous.Nous apprenons en effet que les Allemans fuient à vôtre approche, qu'ils ne fe croyent pas en fûreté dans leurs Places, qu'ils abandonnent leurs Lignes, qu'ils coupent leurs ponts de peur d'être pourfuivis, & que Je Rhein ne leur paroît pas une affez bonne barriere pour les mettre à couvert de. l'Armée du Roi que vous commandez. On nous fait efperer qué vous n'en demeurerez pas là, & l'on ne fçait où vô |