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SCENE PREMIERE HYPERMN ESTRE, PASYTHE'E.

HYPERMNESTRE.

ANDIS que pour former des projets plus certains,

Mon Pere avec Arças concerte fes deffeins,

Attendons: c'eft icy qu'il doit me faire entendre

Ce fecret important que je ne puis comprendre.

PASYTHEE.

D'où vient que votre coeur s'abandonne à l'effroy.
Madame? Oubliez-vous les fentimens du Roy?-
Sa tendreffe, pour vous luy, faifant rout facile...
HYPERMNESTRÉ.

Eh! comment voudrois-tu que je fufle tranquille ?
Quels horribles fermens viennent de me lier,
Dieux Puiflans ! & jamais les pourrois-je oublier?
Trop avant dans mon coeur l'horreur en eft tracée;
Un froid faififfement malgré moy m'a glacée;
Et dans le même inftant que ma bouche a parlé,
Sous ma tremblante main l'Autel s'eft ébranlé.

BJ

Que penfer, & comment expliquer ce préfage!
Le Ciel condamne-t-il le ferment qui m'engage,
Ou, pour le confirmer, auroit-il pris le foin
De me faire fentir qu'il s'en rend le témoin?
Ah! fans doute il approuve un zele legitime":
Il n'a fait qu'applaudir au tranfport qui m'anime.
J'obeiray, Grands Dieux, & fans plus confulter
Une feconde fois j'ofe vous attefter.

PASITHE' E.

Ouy, les Dieux ont parlé, n'en doutez point, Ma◄ dame

Par des fignes certains ils raffurent votre ame;
Leur fouverain decret vient de fe declarer:
Suivez... Mais le Roy vient, je dois me retirer.

SCENE I I.

DANAUS, HYPERMNESTRE,

DANAUS.

MA fille, enfin vos fœurs, par leur obeïfance,

D'un facile fuccés flattent mon efperance,

Et je puis, comme à vous, fur la foy des fermens
Leur ouvrir de mon cœur les fecrets fentimens.
Non, ce n'eft point pour vous, que mon ame agitée
A voulu que des Dieux la foy fût attestée :
Au zele de vos fœurs n'ofant me confier,
Par les nœuds les plus forts j'ay voulu les fier,
Vous leur deviez l'exemple. Achevez donc, ma fille,
Animez les tranfports de toute ma famille';

C

Fremiffant, comme moy, des malheurs que je crains,
Portez par-tout l'ardeur d'accomplir mes deffeins.
S'il faut dans votre cœur appuyer la nature,
Peignez-vous les horreurs, compagnes du parjure
Songez que tous les Dieux garans de votre foy
Du loin de m'obeïr vous ont fait une loy.

HYPERMNESTRE.

Seigneur, de mes fermens je ne perds point l'idée.
De mouvemens divers mon ame poffedée
Prête à faire éclater l'amour que je vous doi,
Afpire également à dégager ma foy.

Ne differez donc plus à terminer ma peine;
Quand tout agit pour vous, le défiance eft vaine.
Que faut-il accomplir ? par quels heureux efforts
Mon amour pourra-t-il fignaler fes tranfports?
Déja l'efpoir m'en flatte, & le defir m'en preffe;
Bien plus que mes fermens croyez-en ma tendresse.
DANAUS.

Sur de pareils garans je pourrois tout ofer,
Et de mon fort, fur eux, je veux me repofer.
Donnez à votre amour une force nouvelle,
Et fçachez ce qu'un Pere attend de votre zele.
Les enfans d'Egyptus, aujourd'huy, malgré moy,
A vos fœurs comme à vous,viennent donner leur foy,
Et le chois d'Egyptus vous deftine à Lyncée.
Qu'icy votre vertu ne foit point balancée :
Pour prix des fentimens que j'eus toujours pour vous,
Ma fille, de ma main acceptez cet Epous:

Mais rompant auffi-tôt des noeuds que je détefte,
Faites que cet hymen luy devienne funefte.
HYPERMNESTRE.

Comment ?

.

DANAUS.

Pour prevenir un complot inhumain

Il luy faut enfoncer un poignard dans le fein.

HYPERMNESTRE.

Dieux qu'entends-je ?

DANAUS.

Vos fœurs d'un pareil fer armées,
De pareilles fureurs doivent être animées;
Les Dieux à votre hymen ont attaché ma mort,
L'Oracle l'a prédit, tel eft l'Arrêt du fort.
Hâtez-vous; cette nuit, auffi-tôt que Lyncée,
Enyvré de l'ardeur dont fon ame eft preflée,
Sera par fon amour entre vos bras livré,
Que de vos propres mains il y foit maffacré.
HYPERMNESTRE.

Je l'avouray, Seigneur, interdite & troublée,
Je fremis, & je fens ma conftance ébranlée;
De moment en moment, mon trouble s'augmentant
D'une nouvelle horreur m'accable à chaque inftant.
Cette main qu'aujourd'huy vous voulez voir armée
A répandre le fang eft-elle accoûtumée ?

Quel coup d'effay, Grands Dieux ! Quoy? pour fauver vos jours,

Mon amour ne peut-il offrir d'autre fecours?
N'avez-vous que mon bras ? Ah! fi la destinée
Enchaîne votre mort à mon trifte hymenée
Pourquoy former des noeuds dont la fatalité
Fait d'une double horreur une neceffité?
Ne vaudroit-il pas mieux qu'un refus legitime
Mit à couvert vos jours, & m'épargnât un crime:
DANAUS.

Penfez-vous que du fort bravant les dures loix,
De ces funeftes noeuds je difpofe à mon choix ?
Que peut contre la force une vaine prudence ?
Du barbare Egyptus l'injufte violence,
A m'immoler fes fils, malgré moy, me reduit
Leur deftin ou le mien dépend de cette nuit,
S'il he periffent tous, il faut que je periffe,

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Le Ciel qui l'a predit, s'en eft rendu complice,
Et daignant à mes yeux découvrir l'avenir,
Ne m'a fait voir mon fort que pour le prevenir.
Ah! fi dans mes malheurs, il étoit quelque voye,
Qui fans votre fecours pût me livrer ma proye,
Mes foins, loin de vos yeux, m'affurant leur trépas
De vos fœurs ny de vous ne l'exigeroient pas.

HYPERMNESTRE.

Juftes Dieux!

DANAUS.

Vous pleurez! Ah! pour d'autres allarmes,

Ma fille, refervez ces inutiles larmes.

Lorfque mon fang verfé par un barbare effort,
A votre lâcheté reprochera ma mort,

Pleurez alors, pleurez: dans ce defordre extrême,
Du coup qui me perdra n'accufez que vous-même,
Et fongez qu'à mes voeux votre bras refufé,
A pû fauver mes jours, & ne l'a pas ofé.

HYPERMNESTRE.
D'un premier mouvement excufez la foibleffe;
Nulle vaine frayeur ne fufpend ma tendreffe,
Mais un fi grand deffein fe forme-t-il d'abord?
Plus il coute à refoudre, & plus il en eft fort.
Ouy, le fer dans mes mains trouvera fon usage;
Des fermens que j'ay faits, il faut qu'il me dégage,
Il faur, en immolant un Epoux odieux
M'acquitter envers vous, & fatisfaire aux Dieux.
A s'unir avec moy, que mes fœurs preparées,
De pareils fentimens foient toutes penetrées.

DANAUS.

Ah! de votre amitié c'est tout ce que j'attends :
Achevez. Ménageons de precieux inftants;
Quand j'auray de vos fœurs exigé la promeffe,
Venez par vos tranfports animer leur tendreffe,

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