Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Et reffouvenez-vous que du foin de mes jours,
J'ofe me reposer fur votre heureux fecours.

[merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

A:Infi, malgré l'horreur dont mon ame eft frappée ;

Il faut donc que ma main dans le fang foit trempée
Et qu'au crime ajoûtant un crime encor plus noir,
Du plus grand des forfaits je me faffe un devoir.
Qu'a-t-il fait cet Epoux, pour attaquer fa vie?
S'il ne meurt, à mon Pere elle fera ravie.
Pour, prevenir le fort, tout devient-il permis,
Et punit-on le crime avant qu'il foit commis?
Dans le fond de mon cœur, quel horrible murmure
En confondant mes vœux, allarme la nature ?
Quelle indigne pitié cherchant à m'ébranler,
En faveur de Lyncée ofe ainfi me parler?
Comment peut-il tenir ma fureur fufpenduë,
Luy dont jamais les traits ne frapperent ma veuë,
Et dont même le nom m'eft à peine connu ?
Par un autre pouvoir mon cœur eft retenu;
Ouy, ce coeur penetré de l'ardeur qui l'entraîne
Trop plein de fon amour, fe refuse à la haine.
D'une injufte rigueur, d'un malheureux transport,
L'Etranger malgré moy, triomphe fans effort
Et toujours m'infpirant l'amour & la tendreffe,
Sur tous mes fentimens en répand la foiblesse.
Ah! ne le laiffons pas plus long-temps triompher;
Renonçons à des feux que je dois étouffer,

Et chaffant de mon coeur toute ardeur étrangere,

N'y laiffons plus regner que l'image d'un Pere;
Contentons à la fois la nature, & les Dieux;
Donnons... Mais l'Etranger s'avance vers ces lieux
Dans l'état où je fuis, il faut que je l'évite.
Dieux, laiffez-moy cacher le trouble qui m'agite.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Madame, pardonnez à ma temerité

Et fouffrez que j'implore icy votre bonté.
Par les ordres du Roy mon départ fe differe;
Ses fecrets à vos yeux s'expliquent fans myftere,"
Il ne vous cache rien. Ne pourray-je feavoir,
Quels foins fa prévoyance attend de mon devoir
Et n'eft-ce pas trop loin porter la confiance,
D'ofer de fes deffeins chercher la connoissance ?
HYPERMNESTRE.
Seigneur, quelques bontez dont m'honore le Roy
Rarement fes fecrets viennent jufques à moy.
J'ignore en ce moment quels deffeins il prepare:
Mais lorfqu'un prompt départ pour jamais vous f
pare,

Je fçais qu'il vous doit trop, pour ne pas fouhaiter,
Quicy quelque raison puiffe vous arrêter.

LYNCE' E.

Non, de ces lieux, Madame, il eft temps que je parte

Ah! fi vous connoiffiez quel pouvoir m'en écarte
Si mon fort à vos yeux pouvoit le découvrir,
Si devant vous enfin, mon cœur ofoit s'ouvrir
Je n'en fçaurois douter, de mes malheurs inftruite,
Vous-même, par pitié, vous prefferiez ma fuite,
Et ne chercheriez pas à me faire fentir

Des maux dont nul effort ne peut me garantir.
HYPERMNESTRE.

Eh! quels font-ils ces maux que vous avez à craindre, Seigneur? A les cacher quel foin peut vous contrain dre?

Pour vous en délivrer n'eft-il point de fecours?
Et le Roy ne peut-il en détourner le cours ?
LYNCE'E.

Que fervent ces bontez dont vous flattez mon ame?
Quand on perd tout efpoir, tout eft perdu, Madame,
D'un deftin rigoureux l'imperieufe loy,

Pour me mieux accabler, unit tout contre moy,
Et femble intereffer dans mon malheur extrême
Le Roy, le fort, les Dieux, & peut-être vous-même.
HYPERMNESTRE.

Moy, Seigneur? Eh! comment avez-vous pû penfer
Que mon coeur contre vous puiffe s'intereffer?
LYNCE'E.

Ne

Tout me l'apprend, Madame, & mon ame bleffée,
peut de mes malheurs foutenir la penfée:
Avec les vœux du Roy, vos fentimens d'accord,
M'interdifent l'efpoir de voir changer mon fort.
Ne me contraignez point à rompre le filence;
Des troubles de mon cœur telle eft la violence,
Qu'au moment que je cherche à les diffimuler,
Je les fens, malgré moy, prêts à fe reveler.
Eh! comment, a vos yeux empêcher de paroître
Les malheureux effets d'un feu qu'ils ont fait naître?
Comment vous deguifer mon trouble & mes tranf
ports?

Votre

Votre prefence icy redouble leurs efforts;
L'amour en ce moment de tous fes traits me frappe;
Mon ardeur fe découvre, & mon fecret m'échappe;
D'un feu trop violent dés long-temps confumé,
Mon cœur ne fçauroit plus le tenir renfermé;
La raison, le refpect, tout devient inutile
La fuite, contre vous, m'offre feule un azile.
HYPERMNESTRE.

[ocr errors]

Ah, Seigneur ! quel fecret m'ofez-vous declarer
LYNCE'E.

+

J'ay prévû vos rigueurs, j'ay dû m'y preparer.
Avant que
le deftin m'eût offert à vos charmes,
Je n'avois de l'amour jamais fenti les armes,
Et fur la foy d'un cœur nourri dans les hazards,
Je crus porter fur vous d'indifferens regards.
Qu'une vaine efperance aifément eft deceuë!
Vous fûtes adorée auffi-tôt qu'apperceuë;
L'éclair n'eft pas plus prompt que le fut mon amour,
D'une fi belle ardeur occupé nuit & jour,
Je l'ay toujours fentie à chaque inftant s'accroître,
Et fi je vous offenfe en la faifant paroître,
Puniffez-moy, Madame, ordonnez de mon fort,
Un mot affurera mon bonheur, ou ma mort.
Parlez, ou fi l'exil calme votre colere,

Souffiez qu'en m'éloignant, je commence à vous plaire,

Qu'à jamais renonçant au bonheur de vous voir,
J'aille, loin de vos yeux, mourir de defefpoir.

HYPERMNESTRE.

..

Seigneur, de vos difcours & furprife, & confuse.
Mais à mes fentimens ma bouche se refuse,
N'en attendez icy nul éclairciffement;
Approuvez mon filence, & fongez feulement,
Qu'un Roy dont votre bras a deffendu la vię,
Yeut que vous demeuriez, enfin, qu'il vous en pric

C

LYNCE'E.

Ah! de trop de bontez il m'honore aujourd'huy;
Mais vous, Madame, vous, penfez-vous comme luy?
Inftruite de mes feux, puis-je au moins me promettre,
Qu'à mon cœur par pitié vous voudrez les permeture
C'eft-là tout mon efpoir, & tout me sera dous,
Si fans vous offenfer, je puis mourir pour vous.
HYPERMNESTRE.

Vivez, & demeurez, que mon Pere l'obtienne;
Je joindray, s'il le faut, ma priere à la fienne
Quelques maux dont icy vous foyez combattų,
Que ne furmonte point une haute vertu ?

Ah! Madame ...

LYNCE' E.

HYPERMNESTRE.

Il fuffit, Seigneur, & je vous laiffe. Mes yeux, n'avez-vous point découvert ma foibleffe

[blocks in formation]

A Infi, fans s'expliquer, Hypermnestre me fuit.

Conçois-tu bien, Idas, le malheur qui me fuit
A retenir mes pas, je vois qu'elle s'empreffe,
Et forfque tout mon cœur fe livre à la tendreffe,
Lorfqu'accablé des maux qu'elle me fait fouffrir,
Je n'attends plus qu'un mot pour vivre, ou pour mou
rir,

Elle fuit, & fe tait.

IDAS.

Si j'en crois fon filence,

« AnteriorContinuar »