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Elle ne vous voit point avec indifference,
Son trouble en a trop dit.

LYNCE'E.

Epargne un malheureux, Et par un vain efpoir n'irrite point mes feux. Je cede aux mouvemens dont l'effort me furmonte, La crainte, le dépit, le defespoir, la honte, Tout m'accable, & mon cœur ne peut plus refifter Aux divers fentimens qui viennent l'agiter. Mais enfin, de mon fort dévoilons le mystere; Mon amour a parlé, je ne puis plus me taire. Vainement de ces lieux je voudrois m'arracher, Par un lien trop fort je m'y fens attacher; Depuis que mon ardeur ne craint plus de paroître, De mon départ, Idas, je ne fuis plus le maître; Je crains de m'éloigner, & je ne cherche plus Qu'à faire fur mon fort expliquer Danaüs. La haine qu'en fon cœur il garde pour mon Pere; Ses injuftes projets, rien ne m'en peut distraire. Eh! que puis-je fçavoir? Par un heureux retour, Je le verray peut-être approuver mon amour; Peut-être, en ma faveur démentant fon caprice, Il voudra de fes loix corriger l'injuftice. Dieux! d'un efpoir fi doux puis-je encor me flatter? N'importe, Idas, il faut tout ofer, tout tenter; Et fi fur Danais mon effort inutile

Ne peut à mes defirs le rendre plus facile,

Si mes malheurs enfin ne peuvent l'émouvoir, Ne prenons plus de loy que de mon defefpoir. Allons: mais avant tout revoyons la Princeffe; Heureux, fi de fon cœur furprenant la tendreffe, Par mes feux redoublez, par mes vives douleurs, Je puis l'intereffer à finir mes malheurs.

Fin du fecond Alte.

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MPATIENS effets d'une trop vive flâme,

Ceffez pour quelque temps de regner

dans mon ame.

Efpoir, crainte, defirs, trop tendres
fentimens,

Laiffez-moy me livrer à d'autres mouvemens.
Quel que foit le pouvoir du penchant qui m'entraîne,
Mon cœur, mon trifte cœur s'abandonne à la haine,
Et rebelle à l'amour qui veut le partager,

Redouble fes efforts pour bannir l'Etranger.

Ne vien plus me troubler, trop importune image, Souffre, pour un moment, que mon cœur fe dégage,

Laiffe de mon amour triompher ma fureur,
Je ne confulte plus que la haine & l'horreur.

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SCENE II.

HYPERMNESTRE,

PASYTHE'E.

PASYTHE'E.

Madame, fçavez-vous quel fort on vous pres

pare?

On dit que votre hymen aujourd'huy fe declare.
Des Princes étrangers arrivent prés du Roy
Et vos fœurs avec vous, vont leur donner leur foy.
Déja cette nouvelle en tous lieux répanduë,
Tient autour du Palais la foule fufpenduë,
Et chacun, à l'envi s'intereffant pour vous,
Demande hautement quel fera votre Epous.
On ignore fon nom.

HYPERMNESTRE.
C'eft affez, Pafythée.

PASY THE' E.

Madame, je le vois, vous êtes agitée.

Sans doute, votre cœur trop plein de l'Etranger;
Se refufe au lien qui le doit engager;
Mais il vient en ces lieux.

A

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U'ay-je entendu, Madame,

Et quel injufte prix gardiez-vous à ma flâme ?
On dit que votre hymen par le Roy declaré,
A nos yeux aujourd'huy doit être celebré ;
Puis-je à ce point, des Dieux attirer la colere ?
Se peut-il ?..

HYPERMNESTRE.

Ouy, Seigneur, j'obeïs à mon Pere
Une raifon fecrete a changé fon deffein,
Et fes ordres fans moy difpofent de ma main.
LYNCE'E.

Il n'eft donc que trop vray, je ne dois plus attendre
Qu'un fort dont vainement j'ay voulu me deffendre.
Jene me plaindray point d'une in jufte rigueur ;
Chacun peut à fon gré difpofer de fon cœur,
Et fi le mien conçut un espoir temeraire,
Quand vous me condamnez, c'est à moy de me taire.
Mais fi tout mon amour n'a pû rien obtenir,
Dans ces funeftes lieux pourquoy me retenir ?
Plus que votre rigueur, votre pitié cruelle
A porté dans mon ame une atteinte mortelle.
J'allois dans mon exil precipiter ma mort,
Yous m'ayez envié la douceur de mon fort:

Th! bien, c'en eft donc fait, votre gloire eft parfaites
Jouiffez d'une mort que votre cœur fouhaite.
Mon cruel defefpoir, fans chercher de secours,
Ne fuffira que trop à terminer mes jours.
HYPERMNESTRE.

Laiffez votre douleur s'expliquer fans contrainte,
Quand on a fait les maux, on doit fouffrir la plainte
Quels que foient vos tranfports, prête à les avouer,
Je ne chercheray point à me juftifier.

Je le diray pourtant, de quoy que l'on m'accuse,
Un malheureux deftin me ferviroit d'excufe,
Si le fecret funefte en étoit éclairey,

Et votre fort peut-être en feroit adoucy;
Ne vous efforcez pas de percer ce mystere;
Un devoir trop puiffant m'ordonne de me taire.
Et je fens ma douleur d'autant plus s'augmenter,
Qu'il ne m'eft pas permis de la faire éclater.

LYNCE'E.

Quel fecours offrez-vous au tourment qui m'accable
Penfez-vous que mon fort en foit moins déplorable;
Et qu'enfin mes malheurs fe puiffent foulager,
Par la trifte douceur de les voir partager ?

Quel que foit mon deftin, je ferois moins à plaindre,
Si pour vous, en mourant, je n'avois rien à craindre;
Du moins en expirant, mon cœur feroit touché
D'un bonheur où le mien eft encore attaché;
Mais du Ciel irrité tel eft l'ordre fuprême,
Que fa haine avec moy confond tout ce que j'aime
Et pour me faire encore un deftin plus fatal,
De toutes fes faveurs il accable un Rival,
Et me rend le témoin de l'injufte victoire,
Qui le comble en un jour de bonheur, & de gloire,
HYPERMNESTRE.
Ah! ne fouhaitez pas le fort de cet Epous
Seigneur, il est encor plus à plaindre que vous.

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