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Platon difoit que c'eftoit quelque chofe de mon ftrueux de voir des hommes faire plus d'un repas par jour. Athenée cependant fait mention de quatre repas. Le luxe des Grecs paffant aux Romains leur apprit cette multiplicité de repas. Le déjeuner paffoit deflors pour intempé & la collation pour gourmandife; & fi l'un ou l'autre fe toléroit, ce n'eftoit que pour les enfans f & les ouvriers. Ainfi les repas des Romains fe réduifoient ordinairement à deux, & le diner & le fouper ; encore le dîner né paffoit-il que pour un demy repas," puifque du temps de Ciceron c'efloit intempérance de manger fon faoul deux fois le jour. Če pourroit eftre le repas des infirmes qui avoient befoin de ce fecours pour mieux attendre le fouper, ou fi quelques autres fe le permettoient, il prenoit alors le nom de déjeuner, de dîner, ou de collation; "apparemment fuivant les différentes heures, où on trouvoit bon de placer ce repas, foit pour foulager fon infirmité ou pour fatisfaire fon impatience. Ainfi ce qu'on appelloit diner fembleroit n'avoir efté que comme un avantfouper, puifqu'on l'a même confondu avec le fouper; aufli nefe faifoit-il que debout, en particulier & comme à la dérobée : fort différent du fouper dont le mot grec fignifie quelque chofe de commun parce que c'eftoit le repas de tout le monde qui fe faifoit en public & à repofée. En effet c'eftoit au foir ou à fouper que fe faifoient toutes les grandes fêtes ou cérémonies, d'où vinrent a Deiphofoph. p. 12. b Nonn. de re cibar. p. 13. c Nigid. apud Nonn. p. 13. d Merenda. e Nonn. p. 15. f Martial. 1. 13. ep. ult. g Nonn. p. 15. h Horace 1. 1. Satyr. vi. Seneque epift. 84. 5. Tufcul. 1 Laurentii polymat. p. 253. m Feftus polym. 253. n Laurentii polymath. p. 253. o Athen. ex Homero apud Nonn. p. 16. P Laurent. polym. p. 253. 1 Ibid. r Cœna dicta dia Tiu novariar. 1 Ibid. Cana pontificia, augurales, gereales ■ ́ Triumphales, &c.

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tant de fortes de foupers célebres dans l'antiquité. Il y a aufli apparence que plufieurs des grands repas dont l'ancien Teftament fait mention eftoient des foupers, du moins le nouveau ne parle-t-il guere que de cene, & ce fut en effet un foir que J. C. inftitua le plus augufte de nos facremens.

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Quoy qu'il en foit de l'heure où fe faifoit le feul vray repas des anciens, il paroîtra par ce qu'on vient de dire, que ce n'eft pas une chofe fi fort à charge à la nature, de ne faire qu'un repas par jour; & par là on fe trouvera bien moins fondé à demander des difpenfes du Carême, dont la plus grande peine eft de ne permettre qu'un feul vray repas dans 24 heures, comme cela eftoit ordinaire dans l'antiquité. Il ne feroit ni moins poffible, ni moins utile dans ce fiecle de faire la même chofe, par l'exemple de tant de communautez de l'un & de l'autre fexe, & par celuy d'un million de particuliers, qui ne s'en portent que mieux de ce qu'ils ne font qu'un feul vray repas. Le Carême aura même quelque chofe de moins incommode, en ce qu'on mange aujourd'huy à midy, au lieu qu'il fembleroit que les anciens ne faifoient leur véritable repas qu'au foir, & même assez tard, c'eft à dire à neuf ou dix heures: ainfi le Carême de nos jours auroit quelque chofe de moins difficile que la vie commune de nos peres.

Il faut pourtant convenir que tous les Médecins aprés Hippocrate confeillent plûtôt de faire plufieurs repas qu'un feul, parce qu'ils trouvent plus de fûreté pour la vie, de ménager l'eftomac en partageant la nourriture. Mais Hippocrate parle du regime ordinaire, c'est-à-dire qu'ordinairement il vaut mieux partager fes repas. En effet, comme la fanté ne fubfifte qu'autant que l'aliment eftant parfaitement digéré se a La Céne ou l'Eucaristie, b Laurent. polym. p. 2530

diftribue à l'aife par tout le corps, afin d'en remplir les vuides, d'en réparer les bréches, & d'entretenir la foupleffe des parties, il paroît qu'il eft ordinairement plus fûr de manger moins à la fois; par ce moyen l'eftomac ayant moins de matiere a brifer & à diffoudre, fon action qui tient de la trituration en eft plus parfaite, par la même raifon que les meules brifent mieux le grain quand on ne leur en donne pas trop à moudre a-la-fois. Il arrive de là que les coctions, les fé crétions & les dépurations s'en font mieux, & qu'enfin la tranfpiration qui eft comme le terme où toutes les fonctions tendent & fe terminent, en eft plus abondante & plus parfaite.

Ce n'est pourtant point à dire qu'il foit fi dangereux de s'accorder icy quelque changement. Hippocrate en permet luy-même & en confeille quand il est bien entendu, tel qu'est celuy qu'on pratique en Carême. C'eft un changement qui ne dure que quarante jours, il n'eft point extréme il ne confifte qu'à fe retrancher un repas au foir à la place duquel on accorde quelques onces de nourriture pour foulager l'eftomac, entretenir fon action, & renouveller le fang.

Le danger qu'il y auroit icy feroit de mettre deux repas en un, mangeant autant à dîner, qu'on auroit fait à dîner & à fouper, mais c'est ce que l'Eglife toûjours fage défend. Il n'y auroit que la nature des viandes qu'on pourroit accufer; mais on fera voir ailleurs que cette accufation eft injufte & mal fondée, à moins qu'on ne se trouve dans les cas d'exception qu'on marquera cy-aprés. En attendant, on peut icy conclure que l'unité d'un repas pour fi peu de temps n'a rien de trop étrange, & que la fanté ne courra la-deffus aucun rifque.

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CHAPITRE III.

Que le Carême n'a rien de trop auftere.

C'de foulever la plupart du monde à la feule] mention du Carême, perfuadé qu'on eft qu'i oblige à quelque chofe de fort mortifiant, & de là on fe porte à demander des difpenfes. Mais fi Fon confidere que le Carême tel qu'on l'obferve aujourd'huy, eft luy-même une difpenfe continuelle de l'ancienne févérité de la primitive Eglife, on rougira de la liberté avec laquelle on demande là-deffus des permiffions, & de la facilité avec laquelle on les accorde. Cet abus ne vient fans doute que du refroidiffement de la foy en effet le Carême ne fut jamais plus fevere que dans les temps où il eftoit volontaire, je veux dire dans les temps apoftoliques, où le fang de JefusChrift & des Apôtres fumoit encore. Alors quoique l'Eglife n'eût rien encore ordonné " touchant la forme du Carême, la plupart des fideles l'obfervoient, & dès le temps de Marc - Aurele fon ufage eftoit commun. Il confiftoit en ces temps dans la Xerophagie 'parmy les Grecs; & au moins dans une abftinence exacte de la viande & du vin parmy les Occidentaux & les Latins. Sa durée cependant n'eftoit point encore fixée par l'Eglife; mais elle pouvoit s'en repofer dans ce temps de ferveur fur le zele des fideles, qui s'appuyant plus fur la force de leur foy que fur celle du corps, ne craignoient pas tant de fe faire mal, que de manquer aux pratiques de l'Eglife: c'eft pourquoy elle ne fe preffa pas de faire d'ordonnance a Baillet, des fêtes mobiles. p. 71. &c. b Dans le premier fiecle Baillet p. 73. Baillet ibid. p. 116. &c.

'EST encore une adreffe de l'amour propre

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là-deffus, & ce ne fut que vers le milieu du troifiéme fiecle que commença l'uniformité, qui ne fut bien établie que deux cens ans aprés. Au refte la durée du Carême ne fut pas moins de deux femaines, puifque du temps de faint Chryfoftome, c'eftoit lacheté de n'en point faire davantage : on l'augmenta jufqu'à 42. jours vers le huitiéme fiecle dans les églifes d'Occident, d'Afrique & d'Egypte; mais comme il n'y avoit dans ces 42. jours que 36. jours de jeufne, on commença vers le neuviéme fiecle à ajoûter quatre jours de jeufne pour faire la quarantaine, ce qui fe trouva parfaitement étably fur la fin de l'onziéme fiecle ".

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Cette durée est encore aujourd'huy la même, & il ne paroît point que ces premiers fiecles l'ayent emporté en ce point fur le nôtre, à moins qu'on ne voulût icy leur tenir comte de leur pluralité de Carêmes dans quelques eglifes; mais leur jeufne eftoit beaucoup plus exact, & leur. abftinence plus rigoureufe. Les fideles qui n'avoient piefque fuivy d'abord que leur zele, reçûrent des loix là-deffus dans le concile de Conftantinople, de forte que dans le huitiéme fie-. cle les regles de l'abftinence fe trouvoient uniformes ; elles confirmerent la Xerophagie pour les Grecs, fans la défendre aux Latins qui s'y condamnoient volontairement, fur tout dans la femaine fainte, & l'abstinence de la viande, des ragoûts, du vin & de tout ce qui luy reffemble. Pour les Latins, fuivant le témoignage de faint Auguftin, ils eftoient encore tres-religieux à s'abftenir de laitage, d'huile, d'oeufs & de poiffon, & ce n'eftoit qu'aux pais Septentrionaux qu'on permettoit d'uler de laitage; à tout cecy, fi l'on joint la rigueur des jeufnes de ces temps, on conviendra fans doute que notre Carême n'eft Baillet p. 74. b Baillet p. 86, en 694, Contra Fauft, 30, 6. 4:

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