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Pom

mes.

qui font plus propres à flatter le goût ou à don ner du plaifir, qu'à fournir une nourriture faine ou bien fûre. Tels eftoient les fruits du printemps ou d'efté, qui fujets comme ils font à fe fermenter ou à fe corrompre, faifoient alors comme encore aujourd'huy mille fortes de maux. C'est pourquoy dans l'endroit où Hippocrate dit qu'on fe doit garder des fruits", un de fes plus célebres & de fes plus fages interpretes avertit que cela ne doit s'entendre que de ces fruits hatifs & précoces qui ne font point de garde, & qui ne fe montrant, pour ainfi dire, qu'en paffant, ne fe prétent que pour réjouir la nature; du moins font-ils peu furs pour la fanté. Mais ceux de Carême n'ont rien de semblable, l'automne & l'hyver leur ont donné le temps de fe mûrir parfaitement, & de fe déphlegmer ; & par cette épreuve ils ont perdu ce qu'ils pouvoient avoir de dangereux.

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Emula picenis, odoris mala recentis

Nec metuenda tibi: ficcatum frigore poftquam Autumnum, & crudi pofuere pericula fuccid Ces fruits font les pommes & les poires, qu'on a en abondance & de toutes les fortes, d'une bonté d'ailleurs avouée de tout le monde, jufques-là que quelques-uns fe perfuadent que la fanté en feroit plus affermie fi on- en faifoit un plus grand usage.

Pour commencer par les pommes, tous conviennent qu'elles font excellentes pour la fanté & cela fans doute, parce que leur fuc n'eft point fujet à s'aigrir, comme l'expérience le fait voir contre le fentiment de Galien, qui cru le contraire. On fait en effet que les bons cidres fe gardent des années entieres, & qu'ils confer

a L. 2. de morbis, p. 743. b Profper Martianus. Mizald. hort. p. 190. d Juvenal. fatyr. Ik. e Mund. 8. 127. Rajus Į P. 1446. Nonn. p. 107. f Nonn. p. 196.

vent leur bonté eftant même tranfportez au delà des mers. Tout le mal qu'on en a écrit eft donc venu des médecins arabes' , gens peu connoiffeurs en bons fruits. Ils ont accufé les pommes de faire des vents, des cruditez & des obftructions,tous défauts qui n'appartiennent qu'à de mauvaises pommes, mal choifies ou encore vertes, avec lesquelles ils confondoient les bonnes. Galien en avoit meilleure opinion, puisqu'il les confeilloit pour guérir un épileptique pour lequel on le confultoit; & encore aujourd'huy toute l'Allemagne releve le mérite des pommes contre la mélancolie, & toute la Médecine fait affez voir le cas qu'elle en fait par toutes les différentes préparations où elle les fait entrer. On connoift d'ailleurs des provinces entieres dont les habitans ufent journellement de pommes, & qui n'en ont ni moins de fanté, ni moins d'efprit. On n'y remarque même aucune maladie qu'on puiffe raifonnablement attribuer à l'ufage qu'on y fait ordinairement de pommes. Elles font fur tout fort amies de l'eftomac, particulierement quand il eft échauffé par quel que mauvaise halenée de bile, & c'eft la reinette fur tout qui a cette bonne qualité. Si l'eftomac a befoin de quelque chofe de plus adouciffant, la calville & le court-pendu trouveront alors place, car elles font plus fucrées & moins rafraîchiffantes. Que fi enfin on en craint encore quelque chofe, on les fait cuire, & par ce moyen elles deviennent tres-faines & tres-aifées à digerer, de l'aveu de tout le monde f, quoiqu'il foit conftant d'ailleurs que la pomme eft treslegere par elle-même; car outre qu'elle eft friable & fondante quand elle eft bien choisie, bien mûre, & qu'elle a efté fuffisamment repoa Bruyerin. p. 610. b Nonn. p. 106. c Schroder. in meff. med fpagys, ibid. Rajus, p. 1446. £ Plin. Galen. Bruyer. &C

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fée dans les fruiteries; elle eft fi peu pefante de fa nature, qu'elle furnage toûjours fur l'eau marque fans doute de la tenuité de fa fubftance, qui fougueufe & legere eft d'une part propre à fe charger des mauvais fels qui fe font dans nos corps, & de l'autre elle doit ceder volontiers à toutes les triturations qui doivent la cuire & la digérer. Mais on a encore d'autres moyens de corriger la pomme ou de la rendre aifée à di gerer, c'eft en la faifant cuire tantoft avec de Peau pour la rendre plus fouple, plus molle & plus humectante; tantoft fans eau, pour la rendre plus moelleufe, plus onctueufe & plus adouciffante : dans cette même intention on la fait auffi cuire avec un peu d'excellent beure, & alors on l'ordonne dans les maladies, fur tout de poitrine. Il y a encore d'autres artifices innocens pour s'affurer du bon effet qu'on doit attendre de l'ufage des pommes; on les mange ou à jeun, ou à l'entrée du repas, cuites ou crues fuivant la difpofition des différens eftomacs pour tenir le ventre libre; par là on les fait agir plus immédiatement fur la bile qu'elles temperent & précipitent, & facilitent ainfi la digestion, appaifent ce qu'on appelle vulgairement vapeurs, & donnent de l'appétit. Au refte il ne faut pas croire que les pommes ne foient la nourriture que des pauvres ou des petites gens, de grands princes en ont fait leurs délices, & en particulier Alexandre le grand, & Philippe fon pere roy de Macédoine en eftoient friands. On trouve d'ailleurs qu'elles ont quelque chofe de cordial & de plus qu'un aliment ordinaire, ce qui doit rehauffer leur mérite & les rendre dignes des meilleures tables.

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Poires. On trouve dans les poires de quoy raffurer les

a Rajus, p. 1446. b Schroder. in meff. med. fpagyr. p. 461, Bruyerin. p. 610. Gontier, p. 195. d Nonn. p. 106,

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timides en matiere de fruits; eux qui craignent toujours que leurs eftomacs ne fe morfondent, que leurs diffolvans ne s'énervent ou ne s'affoibliffent, eux enfin qui font fi fort prévenus en faveur du vin & de tout ce qui luy reffemble, ils auront dans la poire un fuc vineux, au point même de pouvoir nuire aux malades à quion doit auffi peu accorder, dit-on, l'ufage des poires que celuy du vin. On ajoûte qu'elles font plus aifées à digérer que les pommes, & qu'elles n'incommodent point l'eftomac quand bien même on les mangeroit crues. De fi belles qualitez donneroient peut-eftre à craindre qu'elles n'euffent quelque chofe de trop chaud ou de trop vif, par où elles pourroient troubler la digeftion, d'autant plus que le plus habile naturalifte de l'antiquité les trouve capables de faire peine à l'eftomac, & qu'elles font pour la plupart douces & fucrées, fufpectes par conféquent ou d'allumer la bile ou de la multiplier. Mais tout y eft fi fagement ménagé, ce qu'elles ont de foufre fi bien concentré, que l'ufage a fait reconnoiftre qu'elles rafraîchiffent & qu'elles humectent, puifqu'elles éteignent la foif. Cet n'eft pas même jufqu'aux médecins arabes, fi peu favorables aux fruits, à en juger par le mépris qu'ils ont pour les pommes, qui font grand cas> des poires. Mais la juftice qu'ils leur rendent feroit parfaite, s'ils ne s'eftoient point imaginé qu'il faut boire de l'hydromel ou du vin après les poires. De là fans doute eft paffé dans le mon de cette mauvaise maxime, que la poire fans vin eft venin fs maxime qu'on a mife en vers pour la mieux tranfmettre à la poftérité :

Poft pyra prefbyterum quære, vel adde merum .

a Plin. 1. 15. c. 28. b Pyra ægris vini modo negantur. id. 1. 23. c. 7. Nonn. p. 109. d Rajus, p. 1451. e Plin. 1. 23.079 Sine vino pyra virus. Sch. Sal. g Nonn. p. 109.

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Mais pourquoy chercher un correctif à la poire, elle qui eft le correctif même des poifons; car enfin ne peut-on pas donner ce nom à une chofe auffi pernicieuse qu'eft le champignon, quand il vient à fe gâter dans l'eftomac ? Or un des hommes des plus éclairez en matiere d'aliment, fait obferver que la poire remedie merveilleufement aux inconveniens que pourroit caufer l'ufage du champignon. Rien enfin n'eft fi peu à craindre pour la fanté que ce qu'on pourroit même s'accorder jufqu'à l'excès, s'il pouvoit jamais convenir à un honnefte homme. Or la poire eft de cette nature, car on prétend qu'un excès de poires, même crues, ne fait point de mal. Il ne refte plus qu'à ajouter que l'on croit qu'il eft mieux de manger la poire à la fin du repas, parce que par la vertu qu'elle à de refferrer elle affermit les fibres de ce vifcere, en augmente par conféquent la force & le reffort, & procure une bonne digeftion. I eft d'ailleurs néceffaire pour certaines conftitutions de faire cuire les poires, foit dans l'eau, ce qui eftoit déja en ufage du temps d'Athenée ", foit à la cloche ou fous la cendre. Mais toutes ces manieres vont moins à rendre cet aliment bon, qu'à le rendre plus commode.

Mais avant que de quitter cette matiere, il est à propos de répondre à deux terribles objections qu'on forme contre les poires & les pommes, car on les foupçonne les unes & les autres; 1. de remplir les veines de férofitez toûjours nuifibles, ne fuffent-elles uniquement que furabondantes: *°. qu'elles nourriffent trop peu, & qu'à peine peuvent-elles fuffire à foutenir les forces & la vie.

On a déja répondu en partie à ces deux diffi* Nonn. p. 109. ↳ Rajus, p. 1451, é Rajus ibid. & Brugering р

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