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dre, puifqu'il n'ordonna à Noé d'en conferver dans l'arche, qu'autant qu'il en falloit pour fe nourrir & tous les animaux, & qu'aucontraire il fit conferver de toutes les efpeces des animaux: & ainfi il eft à préfumer que toutes les plantes ou leurs racines fe font confervées fous les eaux, comme on voit qu'elles fe confervent des mois entiers dans les plus forts hyvers fous la neige. Il ne faut pour fe perfuader de tout cecy qu'à faire réflexion que rien n'eft tant amy des plantes que l'eau; les prairies, les étangs, & les lieux marécageux en produifent plus que le refte de la terre; fur tout s'il eft vray que les fonds des mers rouge, méditerranée, & de tout l'ocean oriental foient couverts de forefts, du moins eft-il fûr que les Ifraélites n'appelloient mer herbue la mer rouge, que parce que leurs peres l'avoient trouvé toute pleine d'herbes en la traverfant. On fait d'ailleurs que des plantes bien enracinées, & que des graines couvertes de terre & de limon, pourroient fubfifter sous l'eau pendant un an

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Mais ceux qui croyent que le déluge a dû détruire toutes les plantes & leurs graines, penfent-ils qu'ils font parler l'Ecriture fainte d'une maniere peu raifonnable? car à quoy bon prendre le foin de conferver tant d'animaux dans l'arche, pour les expofer à mourir de faim quand ils en fortiroient Suppofé que toutes les plantes fuffent pourries, comme ils le prétendent, feront-ils faire une nouvelle création à Dieu pour fauver leur contradiction? Cette circonftance n'eft pas marquée dans l'Ecriture, & elle en auroit pourtant valu la peine. Dira-t-on que Noé aura retiré dans l'arche de toutes les fortes de graines a Differt. de l'arche de Noé. M. le Pelletier p. 315. b Plin. I. 13. c. 25. Differt. de l'arche, p. 314. Sapient. c. 19. V. 7% Differt, de l'arche, P. 315. Differt, de l'arche, p. 3162

par un ordre fecret de la providence? mais alors nous aurons des femences de plantes dans toute la force avec laquelle elles avoient esté créées & les plantes qui en feront venues auront dû produire autant & d'auffi bons fucs qu'avant le déluge. Enfin qu'on faffe voir que les animaux d'aujourd'huy vivent moins & font moins forts qu'au trefois; car enfin ils fe trouvent dans le même cas des hommes, s'il eft vray que le déluge ait tout affoibly dans la nature: cependant on ne voit pas qu'ils ayent de nos jours moins de force ou de vie. Ce principe eft donc ruineux & infoutenable.

2. Quand bien même on fuppoferoit' que les principes de végétation auroient efté abforbez par l'eau, que la terre auroit perdu par des lo tions continuelles la meilleure partie de fes fels & que l'air chargé d'épaiffes exhalaifons n'auroit pû que foiblement aider à la végétation, auroit-il efté impoffible qu'il fe fift alors en grand ce que l'adreffe des chymiftes fait tous les jours en petit ? Si ceux-cy favent revivifier les métaux, & en retirer la meilleure partie des diffolvans qui ont fervy à les diffoudre, s'ils poffedent le fecret de retirer des leffives tout ce qu'elles contenoient de fels, en faifant évaporer l'eau; s'ils favent enfin par la cryftallifation conferver les fels effentiels des plantes, l'écoulement des eaux du déluge, la force du foleil & le temps n'auroient-ils donc pû faire les mêmes chofes, & par là rendre à la terre ce que les eaux luy avoient enlevé ?

3°. Tout circule dans la nature, l'efprit univerfel que Dieu y a répandu fur tous les corps ne quitte un mixte que pour rentrer dans un autre, c'eft une espece de métempficofe continuelle ; la terre & l'eau n'ont d'efprit que ce que l'air leur communique, & ce qu'elles perdent fe re

trouve dans l'air: celuy-cy ranime les terres épuisées d'efprits ; c'eft pourquoy il ne faut que laiffer repofer une terre pour qu'elle redevienne fertile, & les playes ne font fi fécondes que parce qu'elles font plus particuliérement impre gnées du nitre de l'air. Par de femblables imitations les chymiftes raniment les teftes mortes, & font des falpêtres & des mineraux artificiels. Quand bien même donc les eaux du déluge auroient tout abforbé dans la nature, que la terre auroit efté auffi dépouillée qu'une tefte morte, que l'air n'auroit efté qu'un amas confus d'exhalaifons & d'épaiffes vapeurs, il fuffit de concevoir que l'efprit de vie étably par le créateur pour vivifier la nature, fe foit confervé quel que part, pour comprendre qu'il aura dû bientoft fe répandre par tout. Car la chaleur du foleil venant à faire évaporer ce qui feroit resté d'eau fur la terre, & l'air venant à fe déphlegmer, il fera fait par tout l'univers une révivification de toute la nature & une exaltation univerfelle de tout ce qu'elle avoit jamais eu de fel & d'efprit, la terre aura repris fa force, les arbres leurs féves, & les plantes leurs fucs, & il s'en fera produit des fruits & des légumes auffi bons qu'avant le déluge.

Ce n'eft pas non plus au déluge qu'il faut s'en prendre de l'accourciffement de la vie des hommes, puifqu'on voit ; 1o. par les vies des patriarches & de beaucoup d'autres, que les hommes vivoient encore tres long-temps, même après le déluge. 2°. Que c'eft avant ce temps que Dieu réfolut que les jours de l'homme ne feroient plus dans la fuite que de 120. ans. 3°. Mais ce qui anéantit cette difficulté, c'eft que Dieu ne parle point dans cet endroit de la vie de l'homme en particulier, mais de la durée de tous les hommes fur la terre, voulant mettre fin à leur mas

lice, en ne laiffant plus durer le monde que 120. ans, à quoy devoit fe terminer le refte de la durée du monde qui finit en effet 120. ans après par le déluge.

Il n'eft pas plus certain que les hommes ayent efté plus robuftes & plus grands avant le déluge qu'apréfent. Les reftes que nous avons des corps des plus anciens peuples, foit par les tombeaux qui nous ont confervé leurs offemens, foit par les momies fi anciennes dans le monde, qu'elles eftoient en ufage parmy les Egyptiens, même avant Moyfe; ces reftes, dis-je, ne nous reprefentent pas de plus grands corps que ceux d'aujourd'huy. Hercule même fi formidable dans toute l'antiquité, n'excedoit point sept pieds; & le tombeau qu'on voit encore aujourd'huy dans la grande pyramide d'Egypte, n'excede point cette mefure Il faut pourtant avouer qu'il paroift par le témoignage de l'Ecriture fainte des peres de l'Eglife, & des auteurs profanes f, qu'il y a eu des géans en affez grand nombre dans l'antiquité. Il y avoit même des régions entieres qu'on nommoit pays des géans, telles eftoient les terres des Ammonites, des Moabites, & de Bafan '. C'est encore aujourd'huy une tradition conftante en Sicile, & rapportée par les auteurs , que ce royaume eftoit autrefois habité par des géans. Enfin l'on voit des offemens fi énormément grands, fuivant les témoignages des meilleurs auteurs " , qu'on ne peut prefque douter qu'ils ne foient de corps monftrueux pour la grandeur. Mais on doit remarquer d'abord a Il vivoit environ 1200. ans avant J.C. b Solin. inpolyhiftor. c. 5. Lucas voyage. & Genef. c. 6. Num. c. 13. Reg. 1. c. 17 D. Auguft. de civit. Dei. c. 9. 23. f Plin. 1. 7. C. 2. 16. Plutarc. in Sertorio. g Deuter. c. 5. v. 20. h Ibil. i Deuter. c. 2. v. 1o. 1 Ibid. c. -3. m Vid. Thom. Fazell. hift. Sicil. decad. 1. l. 1. c. 4. n Vid. Solin. Plin. D. Auguft. cy-dellus, Gardan. 1. 8. de rerum variet. C. 431

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que tous les géans dont il eft parlé, fur tout dans Ecriture fainte, eftoient la plupart ou de méchans hommes, ou appartenoient à des nations maudites de Dieu ou ennemies de fon peuple. Peut-eftre donc eftoit-il des géans alors comme des Hercules dans le paganifme, qui donnoit ce nom à des hommes ou célebres pour leur courage comme Hercule le Thebain, ou pour leurs fortileges comme l'Hercule de Crete, ou pour leurs qualitez extraordinaires comme l'Hercule de Lucien, qu'il nomme le Celtique ; & ce fe→ roit par ces raifons qu'il y auroit eu tant de géans du temps du peuple Hébreu, qui auroit ainfi appellé tous ceux qui luy auroient efté formidables, & tant d'Hercules parmy les payens : cette pensée autoriferoit celle des bons auteurs, qui foupçonnent que les géans de la Genefe eftoient peut-eftre des gens célebres en malice ou libertins de profeffion.

Pour ce qui eft des autres géans dont l'Ecriture & les auteurs nous parlent, c'eftoient des particuliers qui eftoient en effet d'une hauteur prodigieufe, & defquels on ne doit rien conclu re pour définir la grandeur du refte des hommes. Auffi les efpions de Moyfe ne dirent point que la terre de Chanaam fût une terre de géans, mais qu'ils y avoient vû quelques uns des defcendans d'Enacin ou Enacim 4. Si enfin on veut abfolument qu'il y ait eu des nations entieres de géans, c'eftoient apparemment des pays où les hommes eftoient plus forts & plus grands que les hommes ordinaires, ainfi l'on fait encore aujourd'huy qu'en certain pays les hommes font plus grands qu'en d'autres. Les Afiatiques, par exemple, & les peuples du Nord font plus hauts & plus puiffans de corps que les Européens.

La preuve qu'on tire de tant d'offemens qu'on a Nombr. c. 13.

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