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milieu de fes flots que le firmament prit naiffance. La fuperftition payenne prévenue de ces hautes idées, fit des divinitez des eaux & des fontaines; & depuis les Egyptiens, les Perfes, les Romains &c. le culte des divinitez marines & des dieux des eaux, fut à la mode.

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Toutes ces réveries font comprendre le cas que l'on a toujours fait de l'eau ; mais l'ufage qu'en firent pour leur boiffon ordinaire les premiers peuples du monde, prouve fon mérite & fon utilité pour le foutien de la vie.

Ac fedare fitim fluvii, fontefque vocabant: Ut nunc, montibus è magnis decurfus aquaï, clarè citat ad fe fitientia fecla ferarum d.

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On la comprend encore cette utilité, par les foins empreffez avec lefquels on s'eft toujours eftudié à fe procurer des eaux en abondance, par tout où on a commencé de nouveaux établissemens foit de villes, foit de maifons de campagne . Témoins ces arcades furprenantes & ces aque ducs f magnifiques qui firent autrefois la gloire des Romains, & qui font encore l'admiration de nos jours; tous ouvrages uniquement entrepris, pour répandre par tout des eaux pour l'utilité des peuples; utilité telle, que de grands capitaines trouverent une reffource certaine, pour éloigner ou faire périr des armées entieres, en leur dérobant les eaux & les détournant ailleurs.

Uno calle latent, fitiens, inclusaque vallo
Ereptas quafivit aquas, quas hoftibus ante
Contiguas alio ftilico deflexerat arcu,
Mirantemque novas, ignota per avia, valles
Fufferat averfo fluvium migrare meatu ".

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a Fiat firmamentum in medio aquarum. ibid. v. 6. b Voff. da origin. idololatr. 1. 2. c. 67. &c. Bruyerin. p. 858. Caldera, Tribunal med. mag. p. 435. d Lucret. e Genponic. 1. 2. c. 4. &c. Rofin. antiq. Rom. 1. 1. c. 13. g Bruyerin. p.859. ↳ Claud. 1. da 4. conful. honor. v. 478.

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Si l'on ajoûte à tout cecy la quantité de peus ples, de fectes, de philofophes, de particu liers & de communautez qui n'ont bû que de l'eau on aura de quoy fe convaincre que fon ufage eft le plus naturel à l'homme.

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Mais il y a même de quoy fe perfuader que l'eau eft en matiere de boiffon le feul néceffaire; car enfin elle feule fut créée pour les befoins de la vie, elle fit l'unique boiffon de ces hommes, lefquels avant le déluge vivoient plufieurs fiecles entiers; & la créance raifonnable où on eft, que l'auteur de la nature n'a rien oublié pour le néceffaire des hommes, perfuade qu'il y a fuffifamment fatisfait en ce point. Cette boiffon fimple faifoit même partie de la félicité de ces fiecles:

Felix nimirùm prior ætas
Contenta fidelibus arvis
Nec inerti perdita luxu
Facili que fera folebat
fejunia folvere glande,

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Nec bacchica munera norat
Liquido confundere melle.

Et dans ces temps qui fe faifoient honneur de la fimplicité, l'eau paroiffoit délicieufe

:

Flumina tum lactis, tum flumina nectaris ibant, Nectar erat palmis baufta duabus' aqua ". au lieu qu'aujourd'huy elle paroît méprisable au dernier des hommes, comme un payen le reprochoit à ceux de fon fiecle, jam fibi aquas non nafci pauperrimus quifque perfuafum habet, parce qu'on eft parvenu à fe prévenir contre tout ce qui eft fimple & conforme à la nature; Placere nibil arbitrantur fic, quomodo rerum naturæ placet, Fut-il droit de naturalité mieux établi & plus

a Brugerin. p. 886. Athen. p. 44. b Montan. de falub. vid. p. 60. Hieronym. contra Jovin. Boemus de moribus gentium, P. 7. Boet, 1. 2. de confol. 4 Qvid. 1. Metamorph, & Pling Lid

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authentique que celuy de l'eau par rapport à la fanté, en vûe de laquelle elle a efté faite par le créateur & employée par toutes les nations? Quoy de plus naturel enfin que ce que la nature a répandu par tout! car l'eau environne & pénetre la terre, tous les mixtes en fourniffent abondamment, & tous fe réduifent en eau, fi on en croit les plus habiles chymiftes". Tant d'attention de la part de la nature à multiplier l'eau, n'eft pas une marque équivoque de l'utilité qui doit en revenir au monde mais cette abondance luy a attiré le mépris ; In contemptum naturæ feciffe luxuria exiftimatur, ceu non faluberrimum ad potum aquæ liquorem natura dederit, quo cætera animantia utuntur . Comme s'il pouvoit eftre douteux qu'une liqueur fût utile à la vie, quand il eft manifefte que la nature l'a faite, pour eftre la boiffon de tous les animaux.

:

Mais ce qui doit achever de perfuader que l'eau eft la plus naturelle de toutes les boiffons, c'est qu'elle feule poffede ou préte aux autres liqueurs les qualitez propres & effentielles à la boiffon. La principale eft de fervir à digérer les fucs & leur fervir de véhicule; la feconde eft que la boiffon doit eftre une liqueur neutre, indifférente, fans goût, fans faveur, fans couleur. On va voir combien l'eau contribue à la digeftion; mais ceux mêmes qui font moins favorables à l'eau, reconnoiffent & avouent qu'aucune liqueur n'eft fi parfaitement dépouillée de tout ce qui frappe le goût & la vûe, ni fi indifférente. Cette liqueur, difent-ils, eft neutre par excellence, parce qu'elle eft mitoyenne entre les liqueurs vives & agiffantes, & entre celles qui feroient incapables d'action. Elle agit, a Helmont. Vander. Bect. de princip. paffim. b Barchufen. Pyrofaph. p. 32. Bruyerin. p. 853. d Plin. 1. 14. c. 22. © Barg chufen. Pyrof. p. 33,

puifqu'elle pénetre, qu'elle amollit, qu'elle diffout; elle eft fans action quand elle reçoit, qu'elle charie ou fert de véhicule. Mais elle est encore tres-fimple, puifqu'elle s'accommode & s'approprie à tous les mixtes; enfin ils la reconnoiffent pour eftre vuide de tout & capable de tout, puifque le vuide de fes pores la rend propre à fe charger de toutes fortes de fels, & a fe remplir de parties fpiritueufes, d'huileufes & de terreftres. Toutes ces raifons font voir de quelle utilité doit eftre l'eau pour la digestion; car c'eft par cet endroit qu'elle a paru recommandable aux anciens qui l'ont louée comme eftant amie de l'eftomac, dont elle aidoit & facilitoit l'action. Hippocrate la trouvoit propre à procurer de l'appétit, aqua vorax: aufli voiton que les pêcheurs, les matelots & femblables gens qui travaillent fur l'eau, font plus affamez que d'autres. L'on a auffi obfervé il y a long-temps, que les beuveurs d'eau ont fouvent plus de fagacité & d'industrie que les beuveurs de vin; du moins eft-il certain que l'eau, tel abus qu'on en faffe, n'abbat jamais l'efprit comme le fait l'excès du vin. C'est pourquoy l'antiquité f comte tant de beuveurs d'eau parmy fes favans, qui déci dent dans Athénée que l'eau aide à la digeftion, qu'elle prévient ou guérit les cruditez, puifqu'el le eft un remede contre les vents, qu'elle rafraîchit & humecte l'eftomac fans le morfondre, qu'elle fortifie la vûe, qu'elle débaraffe le cerveau, qu'elle éclaire l'efprit, qu'elle fortifie le corps, qu'elle rend enfin l'un & l'autre plus leger & plus difpos &. C'eft pourquoy on trouve l'eau dans l'antiquité fi communément employée a Vuedel. pharmac. p. 29. b Aqua eft efurina. Sydenfam. • Ibid. p. 33. 34. d Athen. deipn. 40. e Ibid. p. 43. f Ibid. p. 44 Diocles memoria prodidit aquam esse utilem coctioni, minime flatuofam, modice refrigerare, vifum acuere, nihil caput onerare, animi cor porifque motum facilem ac promptum reddere. Athen. p. 46,

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&en tant de manieres; car on l'y beuvoit froi de, chaude ou tiéde, pour différens befoins, ou pour se faire plaifir. On eftoit même fi éloigné de croire l'eau dangereufe à l'eftomac, qu'on en fervoit à boire à la fin des repas "; du moins la mefloit-on alors avec le vin, tant on eftoit éloigné de la coutume d'aujourd'huy, où l'on boit le vin pur en fortant de table. Mais l'empereur Antonin beuvoit l'eau pure pour guérir fes cruditez d'eftomac '.

La phyfique autorife l'opinion des anciens, car à juger de l'eau comparée avec l'action de l'eftomac, elle doit parfaitement luy convenir. Que la digeftion donc foit une forte de trituration, de folution, d'extrait, ou de teinture, qu'elle foit une forte de macération, de putréfaction, ou d'élixation l'eau fe trouve le diffolvant naturel en tous ces cas. Rien en effet ne fe broyed, ne fe macére, & ne fe pourrit f mieux que dans l'eaus & les plus habiles maîtres ont reconnu qu'on diffour plus de mixtes, & qu'on en tire " & extrait plus de fucs par un diffolvant aqueux, que par le moyen des falins, des huileux & des fpiritueux ceux-cy à tout le moins font plus bornez que les aqueux, qui s'étendent plus loin, & diffolvent plus de différens mixtes; & par cette derniere raifon l'eau devient plus fure pour la digeftion que toute autre boiffon, à caufe que les alimens fe trouvent étrangement variez.

Une autre raison tirée encore de la phyfique, prouve que l'eau eft la boiffon la plus convenable au régime & à l'efprit du Carême. Tout le monde convient que les poiffons, les légumes & les fruits, font les alimens qui doivent entrer dans ce régime; mais toutes ces nourritures Ibid.46.123.b Ibid. 675. Viringus, de jejun. p.112. d VVedel. pharmac. 15. e Ibid. 79. f Ibid. 81. Ibid. 32. h Ibid. 507. Ald. 65. 1 Id. 32.

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