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ble de poules, de poulets, de chapons, d'agneaux, & à la quantité de perdrix, de lapins, de faifans, &c. qu'on vend dans Paris, & l'on fera effrayé du nombre prodigieux de perfonnes qui font gras en Carême.

On ne craint donc pas d'avancer, qu'il eft comme démontré, que le nombre de ceux qui ne gardent pas l'abftinence, furpaffe de beaucoup celuy des malades; puifque le nombre de ceux qui font aujourd'huy gras, eft à celuy de ceux qui le faifoient il y a 8o. ans, comme 37000. eft à 450. laquelle proportion réduite à fes moindres termes, eft comme 82. 100 eft àr. L'abus des difpenfes du Carême paroît donc parfaitement prouvé.

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On croit qu'on pourroit aifément y remédier 3 ce feroit en faifant revivre d'anciens réglemens & de fages coutumes, qui bornoient autrefois les difpenfes. Il falloit il y a 80. ans porter à l'HôtelDieu des atteftations du curé & d'un médecin. Ces atteftations définiffoient la nature de la maladie, & la qualité de la viande qui y convenoit. C'eftoit du veau quand il y avoit de la fiévre, ou du bauf quand il y avoit cours de ventre, &c. car ce n'eftoit que de la groffe viande qui fe permettoit ou fe débitoit alors, l'ufage de la volaille eftoit inconnu, bien différent de celuy d'aujourd'huy qui fournit des reffources aux impies & aux libertins, qui trouvent pour de l'argent de quoy fatisfaire leur fenfualité & leur débauche ; car ils ont à difcrétion des perdrix, des becaffes, des faifans, des lapins, &c. tous mets qu'il eft auffi rare que dangereux d'accorder à des infirmes.

Les édits de nos Rois, les arrests des Parlemens, & les ordonnances de Police n'ont rien omis pour prévenir ces libertinages. Henry II. fit un édit

a V. M. de la Alare, tr. de la police, 356. b Du 5. Janv, $549.

pour défendre le débit de la viande en Carême fans certificat de médecin. Charles IX. par un autre édit défendit de vendre de la viande aux Calviniftes pendant ce temps. Deux ans après il ordonna que la viande ne fe vendroit en Carême que dans les Hôtels-Dieu, & aux malades feulement.

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Le parlement entra dans les mêmes vûes quinze ans après, car il ordonna que la viande ne fe vendroit en Carême que dans l'Hôtel-Dieu, eftant l'endroit où le befoin de viande eft plüs grand. Cet arreft défend de ne donner de la vian de qu'à ceux qui auront une permiffion, & dont on prendra les noms & les demeures. Cet arreft fut confirmé vingt ans après par un fecond, qui réitere les mêmes difpofitions. En 1659. il fe trouve une ordonnance de police pour réprimer les libertins qui alloient manger de la viande à Charenton. L'ordonnance de S. E. Monfeigneur le Cardinal de Noailles, du 12. Fevrier 1702. apporte encore plus de précaution pour prévenir les abus des difpenfes de Carême. Enfin par l'ufage obfervé depuis 1667. le parlement rend un arreft quelques jours avant le Carême, qui ordonne que la viande ne fe vendra que dans les boucheries de l'Hôtel-Dieu, où l'on n'en vendra qu'aux infirmes & aux malades, qui auront une permiffion du curé, & un certificat du médecin. Le Roy y joint fon autorité par un ordre exprès, & le magiftrat de police le fait exécuter.

Tant de précautions réitérées, font voir l'attention des princes & des magiftrats, pour faire oblerver le Carême & prévenir les abus; mais elle va encore cette attention, à ne point laiffer manger d'œufs fans néceffité. Quand donc il y a néceffité, les officiers de police requerent le parlement; le parlement invite l'Archevêque de Paris d'accorDu 14. Dec. 1563. b Le 3. Fevr. 1565. © Arrest du 2. May #575. d Du s. Fevr. 1595.

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der cette indulgence: la difpenfe accordée, le parlement rend un arreft. Tel fut celuy qu'il rendit le 21. Fevrier 1670. Toutes ces précautions ne vont qu'à retrancher aux libertins les moyens de faire gras en Carême. Pour cela il eft ordonné de ne vendre de la viande qu'aux malades, qui auront des atteftations du curé & du médecin. Quatre chofes donc pourroient arréter la licence des difpenfes du Carême. 1°, La permiffion du pafteur, fans laquelle on ne donneroit jamais de viande. 2o, L'exactitude des médecins à ne donner des certificats, que pour de vrais befoins bien réels. 3°, Leurs foins à marquer la qualité de la viande qui eft néceffaire, fi ce doit eftre du veau, du bœuf, de la volaille, &c. du bouilly, du roty, &c. leur précaution à marquer le temps que doit durer la difpenfe, tout le Carême où en partie. 4°, La févérité de ceux qui doivent estre prépofez dans les boucheries, pour recevoir les difpenfes, à les executer à la lettre.

C'est par ces moyens qui s'obfervoient encore pour la plupart il n'y a que 80. ans, qu'on s'eftoit maintenu dans les regles de l'Eglife, & on pourroit efperer de les voir encore plus exactement fuivies, fi on employoit les mêmes moyens.

Mais qu'il eft à craindre que tous les moyens ne deviennent icy inutiles! car il eft rare qu'on revienne d'un ufage, d'un préjugé, d'une erreur même, quand elle eft devenue publique, & quand elle fait plaifir. Car alors l'efprit fe féduit, & le cœur fe gagne ; & après de tels progrès dans l'erreur, rarement on la quitte, ferò fapiunt Phryges". On fe laiffe donc aller à ce qui plaît, & l'on s'y livre dès qu'on fe trouve appuyé de l'ufage, d'un grand nom, ou d'une opinion reçûe: Homines potiùs amplexantur quæ voluptati placent, quàm dum maximè clafficorum virorum opinione fe tuentur . Cet a Tull. 1. 7. epist. fam. 16. b Caldera Tribun. mag. med. p. 488,

ouvrage donc court rifque d'eftre peu écouté, & encore plus mal pratiqué. Mais du moins la Médecine doit eftre doreinavant difculpée, & on ne fera plus en droit de fe prendre à elle des fautes du public, fur le fujet des difpenfes du Carême ; car elle vient de fe déclarer contre les abus qui s'y commettent, contente d'elle-même, fi fes devoirs font remplis : Si adhuc his omnibus reclamari videtur, nobis in lucro erit noftrum inftitutum peregiffe, dum illa à Medicina principiis deduximus “.

Voilà ce que la phyfique nous a paru avoir de plus conftant fur cette matiere: voila ce que nous apprend la Médecine : voilà enfin notre devoir rempli Hoc conftat in vera philofophia; hoc nos docuit fapiens Medicina: quod cadit fub noftrum tribunale proferimus. C'eft à préfent aux docteurs & aux pafteurs de l'Eglife de juger de ce qu'on vient d'avancer. On eft fûr de leurs fuffrages, parce qu'on ne craint rien de leur complaitance. On les prie donc de juger, affurèz que l'on eft, qu'ils ne donneront pas dans le goût du fiecle, que la licence des opinions inonde, parce qu'il eft temps d'arréter cette difpofition malheureufe, & ce dan gereux penchant, & qu'il feroit pernicieux de les fatter: Vos ergo, ó viri nobilissimi theologi, ut judices ecclefiæ... fuper hoc nunc decernite, .. & judicate obfecro, uti in illo fæculo, quod licentiofa libertate, frano magis quàm calcaribus indiget. Car à Dieu ne plaife qu'on les croye, prévenus de cette fauffe prudence du fiecle, qui va à flatter l'opinion déja trop répandue par plus d'un auteur, que les efprits, les temps & les affaires ne peuvent plus s'accommoder de maximes féveres & d'opinions rigoureuses, qu'il eft temps au contraire de donner cours à des fentimens moins gênans, qui contraignent moins les confciences, & qui leur épargnent les fcrupules. Nous laiffons à l'habileté a Ibid. b Ibid. Ibid.

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de MM. les théologiens à decider fi cette voye large eft la plus fûre pour le falut. Nifi fortè pru dentius videatur, bujus fæculi communis adulandi neceffitas, à plerifque theologis validè commendata, nempe quòd hodie hominum & reipublicæ ftatus, & publica negotia non ferunt ftrictas magis opiniones, fed illas que in moderata latitudine ambulare permittunt, ne confcientias nodo inextricabili injiciant; quod, an fecuriùs, prudentiores viderint,

a Tout ce paffage latin eft de Caldera,

P. 488.

FIN.

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PRIVILEGE DU ROY.

OUIS PAR LA GRACE DE DIEU, ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE: A nos amez & feaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de Parlement Maiftres des Requeftes ordinaires de notre Hôtel, Grand Confeil, Prevoit de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils, & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, SALur FRANÇOIS FOURNIER, Libraire à Paris, Nous a fait remontrer qu'il defireroit faire imprimer un Traité des difpenfes du Carême, dans lequel on découvre la faufjeté des prétextes qu'on apporte pour les obte, nir, en faisant voir par la mécanique du corps, les rapports naturels des al mens maigres avec la nature de l'homme ; & par l'histoire, par Panalyfe & par l'obfervation, leur convenance avec la fanté; s'il Nous plaifoit luy accorder nos Lettres de Privilege fur ce néceffaires. Nous avons permis & permettons par ces Préfentes audit Fournier, de faire imprimer ledit Traité, en telle forme, marge, caractere, & autant de fois que bon luy femblera, & de le vendre, faire vendre & debiter par tout notre Royaume pendant le temps de quatre années confécutives, à comter du jour de la date defdites Préfentes. Faifons défenfes à toutes perfonnes de quelque qualité & condi tion qu'elles puiffent eftre, d'en introduire d'impreffion étrangere dans aucun lieu de notre obéiffance; & à tous Imprimeurs Libraires & autres, d'imprimer, faire imprimer, vendre, debiter, ni contrefaire ledit Traité, en tout ni en partie, fans la permiffion expresse & par écrit

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