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Nous commençons par la fcorfonere ou falfifix Scora d'Espagne, qu'on pourroit nommer fuivant la pensée d'un célebre auteur la reine des racines. fonere Ce n'est pas que nous voulions tomber dans tous ou falles excès où est tombé le médecin 'Efpagnol qui fifix. en a fait l'hiftoire, & qui parmy beaucoup de véritez affure trop de chofes douteuses. Nous rabbatrons encore beaucoup de ce qu'écrit fur cette matiere un autre médecin Allemand', à qui cependant on doit tenir comte de tant de curiofitez & d'éruditions qu'il a ramaffées dans un traité fait exprès fur cette plante; car ni l'un flatté par la nouveauté de la matiere, ni l'autre emporté par fon abondance n'ont fuivy l'exacte vérité. C'eft comme un héros que tous les deux parent & habillent à leur maniere. Ce qu'il y a de c'eft que s'il eft des alimens, dont on ait dit plus de bien, il n'en eft pas dont on ait dit moins de mal. Tout le monde convient que la fcorfonere eft de bon fuc: elle eftoit déjá en honneur du temps de Diofcoride qui la loue; & fi quelques anciens paroiffent l'avoir peu connue, ou fi d'autres la trouvoient inutile, c'eft qu'ils n'en parloient que par rapport à la médecines, qui felon eux n'en tiroit pas grand fecours; mais en ce fens même de bons auteurs h en louent la grande vertu dans les maladies du foye, & dans beaucoup d'autres maux. Au refte il nous fuffit la que bonté de fon fuc ne luy foit pas contestée, & qu'on ne l'accufe d'aucun inconvenient pour nous la faire adopter parmy les meilleurs alimens. Son goût, fa légereté fur l'eftomac, fa facilité à fe rompre & a fe fondre, l'abondance du fuc moëlleux & laiteux qu'elle renferme, font autant de

a Gontier, p. 163. b Licol. Monard. de fcorfonera. c Michael Fehrius, anchora vel fcorfonera. d L. 2. c. 132. Joan Voyez, Sim. Paul. p. 479. f Sine ufu, Plin. 1. 27. c. 13. 【 Harduin- in Plinium, ibid, ↳ Sim.Paul. p.489. Gontier, P.153,

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titres de bonté & autant de raifons de croire que nulle plante n'a des principes plus justement exaltez, c'est-à-dire mieux ajustez à notre goût, & plus proportionnez à la nature de notre eftomac, plus propres enfin à nous nourrir.

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Le cherui eft une autre racine qui a encore paru d'un grand mérite. Son goût eft délicieux jufqu'au point de l'avoir fait nommer la racine de fucre, également bonne aux fains & aux malades. Il est amy de l'eftomac, & par cette raifon eft une des racines pour qui Celfe avoit le plus de prédilection, parce que contre l'ordinaire des autres racines le cherui ne gonfle & ne fatigue pas l'eftomac. On trouve à la vérité qu'il raffafie un peu trop. C'eft pourquoy on dit fde luy qu'il ne faut manger que trois cheruis pour eftre faoul. Mais fi ce défaut ne luy vient point de fon affaifonnement, c'est l'abondance ou la force de fon fuc nourricier qui en eft la caufe: car cette abondance va jufqu'à faire foupçonner cette racine d'eftre capable d'allumer les paffions. On rapporte là-deffus l'exemple de Tibere, qui pour s'exciter à la débauche en faifoit venir d'Allemagne, d'où on tiroit les bons cheruis; mais ne feroit-il pas plus à propos de croire que Tibere fi porté de luy-même aux excès de la plus honteufe paffion, fe fervoit moins de cheruis pour l'exciter en luy, que pour fe rétablir après s'y eftre trop abandonné, puifqu'on fait que les che ruis ont une qualité particuliere pour réparer les convalefcens "? Par cette raifon on ne pourroit que bien penfer du cherui; car enfin, pour le dire icy en paffant, il faut fort diftinguer entre un aliment qui par l'acreté de ses sucs, & le pi

a Lemery, traité des alimens, p. 176. b Diofcorid. Plin. İ. 19.
c. 5. Bruyerin. p. 543. Plin. 1. 20. c. 5.
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d L. 2. c. 26. c Nonn.
P. 77. f Plin. 1. c. 5. § Plin. 1. 19. c. 5. ḥ Bruyerin, p. 543v
Plin. 1. 20. C. Ss

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quant de fon volatile tend à réveiller ou à exciter des idées honteufes, & entre un autre, qui par l'abondance & la bonté de fes fucs, eft capable de relever une nature ufée ou abbatue. Celuy-là eft incommode ou dangereux même aux fains, & celuy-cy devient même néceffaire aux malades.

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On ne fera pas moins étonné de l'avantage Na qu'on écrit du navet. Pline trouve de quoy en vet. faire prefque une médecine complete, tant il le trouve bon à bien des maux. Il eft appellé doux par excellence, parce qu'il paffe pour le plus doux & le plus agréable de ces fortes de légumes. On estime fur tout fa chaleur douce & humectante, qui le rend utile aux phthifiques même, & on en préparoit anciennement un vin fort recommandé. Ses vertus médicinales font encore aujourd'huy avouées ; car outre que fa femence a mérité de trouver place dans la Theriaque, ils ont en Dannemarc une espece de navet qu'ils eftiment particuliérement pour guérir le fcorbut. Il faut pourtant reconnoiftre que toutes fortes de navets ne font pas d'un égal prix: les Romains donnoient la préférence, comme nous faifons nous-mêmes, aux navets de certains terroirs ; tel eftoit alors celuy d'Amiterne', & c'eftoit en effet de là qu'on apportoit les bons navets:

Quæque Amiternis defertur bunias arvis'.

Si cependant on demande ce qu'on trouve de fi recommandable dans le navet, c'est qu'il eft tendre, & par conféquent aifé à digerer; il nourrit d'ailleurs beaucoup ", & eft amy des nerfs, a L. 20. c. 4. b Sim. Paul p. 407. c Gontier, p. 161. d Sebis. Mund. p. 151. f Plin. 1. 14. c. 16. g Raj. hift. plant. p. 801. ex Barthol. in act. med. h comme ceux de Vaugirard. i Amiterne, ville ruinée d'Italie dans l'Abruze. 1 Nonn. ex Columell. p. 72, m Gontier, p. 161, a Nonn. p. 74. Mund. P. 151

puifqu'il l'eft des yeux & de la vûe", qu'il for tifie & conferve. Quelques modernes l'accufent de gonfler, mais les anciens qui paroiffoient en faire un fi grand ufage ne luy reprochent pas ce defaut, qui ne luy vient fans doute que des affaifonnemens qu'on luy donne, ou des âutres mets dont on l'accompagne ; car on le trouveroit certainement exemt de crudité auffi-bien que les anciens, fi on eftoit auffi fobre & auffi frugal qu'eux; témoin ce fameux général des Romains, que les ambaffadeurs des Samnites trouverent au coin de fon feu faisant luy-même cuire des navets, qui fous ce trifte équipage & avec une fi maigre chere fut non feulement se donner une fanté vigoureuse, mais encore méprifer les Samnites & leur donner la loyd.

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'PaVoicy un autre forte de mets auffi négligé nais. aujourd'huy qu'il mériteroit d'eftre eftimě, fi on en croyoit quelques auteurs ; ce font les panais, nom de bonne augure f, puifque felon ces auteurs ils ont prefque autant de vertus qu'i 'il y a de maladies, comme fi le nom de panais donnoit à entendre la même chofe que panacée ou remede à tous maux. Mais on fait équivoque, & on confond manifeftement le panais paftinaca, avec le panaces de Pline, dont véritablement il fait une panacées. Cependant quoique le panais des jardins dont il eft icy queftion ne foit pas aufli merveilleux en médecine, il a toujours paffé pour un bon aliment: fon goût & fon odeur font garans de tout le bien qu'on en dit ; car l'un & l'autre font foupçonner en luy quelque chofe d'aromatique " qui le rend propre à dige rer, cuire & perfectionner les fucs qui entre

a Gontier, p.161. b Bruyerin. p. 529. c Curius dentatus. Plutarq dans la vie de Caton. & Aurel. Victor. chap.33. e Gontier, p.162, Panais quafi panacea. g Plin. 1. 25. c. 4. ↳ Nonn. p. 76. Bruyes rin. p. 541. Raj. p, 410, i Raj, ibid,

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tiennent la vie, en les rendant plus fluides & plus coulans. Bien éloigné de ce qu'on publie de luy, qu'il fait de mauvais fucs & des vents, il ne peut tomber dans cet inconvenient que quand on en mange avec excès ", fans quoy il est tresfain, nourrit beaucoup, & prévient au contraire ou détruit la caufe des vents . Cette qualité incifive & attenuante qu'on luy attribué eft fi conftamment vraye, qu'on défend les panais aux perfonnes vives & bilieufes, de peur de les trop enflâmer, tandis qu'on les confeille aux tempéramens froids & pituiteux. Enfin le panais eft la feconde racine à qui Celfe f fait grace. Car quoiqu'il foit dans la pensée que toutes les racines font incommodes à l'eftomac, il en excepte les panais. Il faut feulement les choifir jeunes & tendres après l'hyver, parce que la gelée les rend plus délicats, & qu'ils déviennent dangereux quand ils font trop vieux; car alors ils font ennemis des nerfs, caufent des engourdiffemens, des délires, & attirent même la folie : quoy qu'il en foit, tant d'autres belles qualitez qu'on loue dans les panais, ne les exemtent point de defaut. On les croit des plus contraires à ceux qui ont à vivre dans la continence, jufques-là qu'on les tient capables de gagner ou corrompre les coeurs ', qualité fans doute peu convenable à l'esprit du Carême. Ce foupçon leur vient de la grande vertu qu'ils ont de pouffer par les urines; en effet, tous les diuretiques un peu forts, foit par leur acreté, foit en déterminant le fang & les efprits vers les parties baffes, font fujets à troubler l'imagina

a Bruyerin. p. 541. b Raj. p. 410. Ibid. Nonn. p. 76. Gontier, 161. Gontier, p. 162. e Ibid. f L. 2. c. 26. g Raj. p. 410. Mund. p. 152. Raj. p. 410. 1 Paftinaca à nonnullis Philtron Vocatur. Nonn.p.77. Orpheus amatorium ineffe ftaphilino (pa Binace) dixit. Plin. 1. 20, c. 5,

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