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caractère facré dont vous ferez marqué; & tout ce que peut faire le Juge de votre confcience qui connoit votre indignité, & l'arrêt du Seigneur qui vous a rejetté, c'est de pleurer le refte de fes jours le malheur irrévocable de votre destinée éternelle : Et lbid. v. lugebat Samuel Saülem omnibus diebus vitæ fuæ. 35. C'est donc l'innocence des mœurs,qui eft la feconde marque de vocation.

Je ne parle pas de la troifiéme marque qui font les talens. Le père de famille n'appelle à fa vigne que des ouvriers: quand il n'auroit confié qu'un talent à fes ferviteurs, il veut qu'on le faffe valoir; le ferviteur inutile eft jetté dans les ténébres extérieures Jefus-Chrift ne nous a établis & ne nous a envoyés que pour faire du fruit: Pofui vos ut eatis & fructum afferatis. Dans Jan.15 le monde on ne c'eftine pas à l'épée, à la 16. robe, aux affaires, des perfonnes nées fans 'aucun talent pour ces différens états. Que viendriez-vous faire dans l'Eglife, fi vous ne trouvez en vous aucun talent pour les différens emplois qu'elle doit vous confier? Etre un ouvrier inutile & hors d'état de travailler à fa vigne, c'est un titre irrévocable d'exclufion; c'eft n'avoir ni droit, ni vocation pour y entrer. Un bénéfice poffédé depuis long-tems par vos proches, & qui doit tomber fur vous, vous y appelle, mais ce bénéfice eft le denier que le père de famille, c'eft-à-dire, l'Eglife ne prétend donner qu'à ceux qui font en état de

défricher fon champ: ce denier eft la récompenfe du travail; ce n'eft pas le prix de la molleffe & de l'oifiveté vous n'y avez droit qu'autant que vous travaillez & que vous lui êtes utile. Si vous en jouiffez fans être d'aucun ufage à l'Eglife, vous jouiffez d'un bien qui ne vous appartient pas; vous fruftrez l'intention de ces anciens Fidèles, de ces pieux Fond iteurs, qui autrefois ne l'ont donné à l'Eglife que pour fournir à l'entretien des Miniftres occupés aux fonctions faintes. Ils n'ont pas prétendu fournir au luxe & à la molleffe de ceux qui feroient revétus de leurs largeffes. Hélas! ces pieux Fidèles fe difputoient à eux-mêmes toutes les profufions du luxe & de la fenfualité ; ils fe retranchoient les commodités & toutes les fuperfluités de la vie, pour enrichir l'Eglife de leurs retranchemens: comment auroient-ils voulu ménager par-là à des Miniftres d'un Dieu crucifié, les aifes & les fuperfluités dont ils n'avoient pas cru pouvoir jouir eux-mêmes ? Vous occupez la place & le revenu d'un Miniftret qui auroit fervi utilement l'Eglife: vous la privez d'un ouvrier fidèle qui l'auroit confolée par des fruits de falut, qui l'auroic aidée & honorée par fes talens; au lieu que n'en ayant pas vous-même pouvez que la deshonorer & lui être à charge.

vous ne

Et quand je parle des talens, je fais que la mefure en eft différente; que l'Esprit

faint ne répand pas fes dons également ; que tous ne font pas Apôtres ou Prophétes; que l'un fe rend utile d'une manière, & l'autre de l'autre : Alius quidem fic alius verò fic; qu'une étoile diffère en clarté d'une autre étoile ; & que comme il y a différens miniitères dans l'Egule, il doit s'y trouver aufli difierens talens pour les remplir mais je dis qu'il faut du moins être propre à quelqu'un. Si vous n'avez pas ces lumières rares, & cette fcience qui endle, avez-vous du moins cette piété qui édifie, & affés de connoiffance des vérités de la Religion pour en inftruire vos trères ? Si vous n'avez pas affés de fupériorité d'efprit & de capacité pour confondre les incrédules, & les efprits rebelles à l'Eglife; en avez-vous aflés du moins pour affermir dans la foi & dans la piété les fimp es & les ignorans? Si vous ne vous fentez pas affés de talent pour venir annoncer l'Evangile aux Grands & aux Puiffans du fiécle qui habitent les villes; en avez-vous affés du moins pour l'annoncer aux pauvres & aux petits qui habitent les campagnes ? hélas! votre talent aura moins d'éclat, mais auffi moins de danger & plus de fruit; il fera plus sûr pour vous & plus utile pour vos fières: la parole fainte tombe d'ordinaire au milieu des Grands & des Riches, comme au milieu des ronces & des épines ce n'est que fur les cœurs des pauvres & des fimples, qu'elle trouve une terre toute

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préparée qui rapporte au centuple. Si vous n'avez pas le don de gouvernement pour conduire en chef une grande Eglife, pouvez-vous du moins y travailler en fecond fous les yeux d'un chef faint & éclairé, ou vous charger tout feul d'un petit troupeau, moins difficile à conduire? Enfin fi la nature vous a refufé tous les talens extérieurs pour l'instruction, quoique les lévres de tout Prêtre foient les dépofitaires de la vérité & de la doctrine; pouvez-vous du moins la confier à l'oreille dans le Tribunal, & remplacer par la prudence, la connoiffance des régles, le difcernement des maladies de l'ame, le zèle & la piété éclairée & folide qu'exige ce ministère, les talens extérieurs qui vous manquent ? car la piété eft l'ame de tous les talens ; elle feule en affure le fruit; les plus médiocres, relevés par une grande piété, deviennent fouvent les plus chers à l'Eglife; & fans elle, les plus brillans reffemblent à ces éclairs qui éblouiffent & qui étonnent mais qui font toujours fuivis de près de la chûte & de la puanteur du tonnerre; je veux dire, de chûtes publiques & honteufes qui répandent une odeur de mort dans l'Eglife, & qui font le fujet de fa douleur & de fes larmes.

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C'est donc à chacun de vous en particulier qui n'êtes ici affemblés que pour examiner votre vocation au faint ministère, à vous demander devant Dieu fi vous trou

vez en vous ces trois marques effentielles à une vocation légitime : la pureté des motifs qui vous engagent, l'innocence des mœurs qui ont précédé, & les talens utiles à l'Eglife. Si quelqu'une de ces trois marques manque à votre vocation, la régle commune eft qu'elle eft fauffe, & que vous embraffez un état où Dieu ne vous appelle point.

Or, mes chers Enfans, comprenez-vous bien ce que c'est que d'entrer dans un état, quel qu'il puiffe être, auquel Dieu ne nous avoit pas deftinés. C'eft fortir de l'ordre de fa Providence, qui dans les confeils éternels, a marqué à chacun de nous, la voie par où nous devions fournir la carrière de notre pélerinage, & par conféquent la feule par laquelle nous pouvions arriver au falut. Nous fortons donc de cette voie où fa bonté nous avoit préparé des moyens infaillibles de falut: nous entrons témérairement dans une voie étrangère, où sa main qui ne nous y a pas conduits, ne nous foutient point; où nous marchons tout feuls; où tous les pas que nous faifons nous égarent de plus en plus, & deviennent de fauffes démarches; où nous reffemblons à un infortuné qui s'eft égaré durant la nuit, qui trouve à chaque pas des précipices qu'il prend pour des chemins unis, expofé feul & au milieu des ténébres, à mille autres périls qu'il ne peut ni prévoir ni éviter; & comme cette nuit ne doit pas finir pour

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