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c'eft pour vous feuls, & pour ceux qui vous reffemblent, & qui, comme vous en renvoyent l'obfervance aux Miniftres faints, & qui font profeffion d'une régularité plus rigide car la Loi, dit l'Apôtre, n'a pas été établie pour les Juftes, mais pour ceux qui ne le font pas, & qui ne fe piquent pas même de l'être: Lex jufto non eft pofita, fed 1. Tim injuftis.

Mais ces prétextes vagues & généraux que nous venons de combattre, ne font pas les plus à craindre; ce font-là de ces difcours vulgaires que l'on tient, & dont on fent foi-même l'injuftice: ce qui paroît plus dangereux, font les prétextes perfonnels que chacun fe fait pour fe difpenfer de quelqu'une de ces Ordonnances. Nous en avons publié fur l'obligation où font les Curés, conformément aux faints Canons, d'inftruire leurs peuples; de réfider dans leurs Paroiffes, d'éviter un gain fordide dans leurs fonctions: arrêtons-nous aujourd'hui à ces trois régles; nous trouverons une autre fois occafion de parler des autres. Or, mes Frères, qu'un Curé, malgré l'obligation rigoureufe que lui impose fon titre de Pafteur d'inftruire fon peuple, fe difpenfe de fes prônes, & laiffe les années entières, fa Paroiffe fans inftructions; il nous répondra qu'il n'a aucun talent pour parler en public; & que foit timidité, ou faute de mémoire, il n'a jamais pu parve. nir à y réuffir. Mais, mon cher Frère, vous

3.9.

vous êtes fenti du talent pour vous revétr du titre de Pasteur; & vous n'en fentez point pour inftruire votre troupeau ? vous vous êtes donné pour Pasteur à votre peuple; & vous vous trouvez incapable de l'enfeigner? l'Eglife a cru confacrer vos lévres, pour être les dépofitaires & les interprétes de la doctrine & de la vérité; & vous ne fauriez les ouvrir ; & loin de publier fur les toits l'Evangile dont vous êtes le héraut & l'Apôtre, vous êtes un chien muet? ce n'eft donc pas l'Eglife qui vous a établi Pasteur; c'eft donc vous-même qui vous êtes appellé; vous vous déclarez donc vous-même un intrus & un ufurpateur; & en foufcrivant nous-mêmes votre titre, fans yous connoître, nous avons fouferit au titre de votre réprobation, fi vous vous obstinez à le conferver en vous trompant vousmême, comme vous avez trompé l'Eglise en l'ufurpant.

Mais Vous êtes né, dites-vous, avec une mémoire ingrate, & qui vous met hors d'état de parler en public. Mais le cœur eft-il auffi ingrat & auffi rebelle que la mémoire le grave, le faint miniftère de rinftruction dans un Pafteur, n'est pas un exercice fec & puérile de la mémoire; c'eft le cœur, ce font les entrailles qui doivent parler. Ah! mes chers Frères, fi nous méditions les vérités de la Religion dans les Livres faints; fi nous les aimions; fi nous nous en nourriffions; fi nous en faisions no

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tte occupation la plus ordinaire & la plus délicieuse, nous ne ferions pas fi fort en pei ne, quand nous ferions obligés d'en entretenir notre peuple. On a bientôt appris à parler de ce qu'on aime le cœur fournit bien plus abondamment que la mémoire, & a même un langage qu'elle ne connoît pas. Un faint Paiteur touché de Dieu & du falut des ames qui lui font confiées, trouve dans la vivacité de fon zèle, & dans l'abondance de fon cœur, des expreffions formées par l'Efprit-faint, Efprit d'amour & de lumière, mille fois plus capables de toucher, de ramener les pécheurs, que toutes celles que peut fournir le travail & le vain artifice de l'éloquence humaine. Ne" nous dites donc plus que vous ne vous fentez point de talent: ce n'eft pas celui d'un Orateur qu'on vous demande, c'eft le talent d'un père: & de quel talent un père peutil avoir befoin pour parler à fes enfans, que de fa tendreffe pour eux, & du defir de leur' être utile premier prétexte, le défaut de talent.

D'autres conviendront avec nous, que l'inftruction eft fans doute le devoir le plus indifpenfable d'un Pasteur; qu'à la vérité ils le rempliffent rarement; mais qu'une fanté" foible & languiffante ne leur permet pas d'y être plus fidèles. Nous n'avons d'abord qu'à renvoyer ces prétendus infirmes à leur propre confcience, & demander à la plupart d'entre eux: Pouvez-vous de bonne Conf&Tom. II. Li

foi alléguer à Dieu ce prétexte de défauc de fanté, dont vous vous fervez devant les hommes & votre confcience eft-elle là-deffus bien d'accord avec vous-même ? l'infirmité dont vous vous couvrez, vous rendelle inhabile à quelqu'autre chofe qu'à vos fonations! ne vous faiffe-t-elle pas affés de force pour vaquer à vos intérêts temporels, à des affaires, à des mouvemens plus difficiles à foutenir pour la fanté, que le travail d'une fimple inftruction? que diraije? à des plaifirs peut-être, à des diffipations, à des courfes toujours fuivies d'ex-cès & d'intempérance, & capables de ruiner la fanté la plus robufte? êtes-vous malade dans quelqu'autre circonftance que dans celle où il faut faire votre devoir? & vous ofez nous alléguer après cela une foibleffe de fanté, capable de tout foutenir, hors la fidélité à vos obligations? Ah! ce n'eft donc pas votre corps, c'est votre cœur qui eft foible, languiffant, & malade; ce n'eft pas la force, c'eft la piété feule qui vous manque. Renouvellez-vous dans Pefprit de votre vocation; & votre force fe renouvellera comme celle de l'aigle; &, comme l'Apôtre, vous ne ferez jamais plus fort, que lorfque vous paroîtrez plus 2. Cor. foible: Cùm infirmor tunc potens fum. 12. 10. Allez a la fource du mal; guérissez la langueur de votre ame, & celle de votre corps difparoîtra bientôt; croiffez en foi,en charité, en zèle; & vous croîtrez auffis

tôt en fanté: perdez le goût de vos aifes, de vos plaifirs, d'une vie inutile & pareffeufe; & vous recouvrerez en même tems celui de vos fonctions: aimez l'Eglife qui vous a placé fi honorablement au rang de fes · Miniftres; & vous ne trouverez de plaifir qu'à vous facrifier à fon faint ministère : foyez un bon Pasteur ; & vous vous eftimerez heureux de donner vos soins & votre vie pour vos brebis ; & loin de prétexter de fauffes infirmités pour vous difpenfer de les fecourir, celles-mêmes qui feront réelles ne pourront arrêter votre zèle: vous prendrez de votre foibleffe même de nouvelles forces; & la charité paftorale vous fera une fainte illufion: Fortis eft ut mors dilectio; comme l'indifférence & la pareffe vous en font aujourd'hui une très - criminelle fecond prétexte, le défaut de fanté.

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Mais enfin, & c'eft encore ici un nouveau prétexte, & une troifiéme forte de Curés; il y a fi long-tems, difent-ils, qu'ils prônent, qu'ils inftruifent exactement leur peuple; n'est-il pas jufte à un certain âge de fe donner un peu de relâche ? J'en conviens, mes Frères; & rien n'eft plus refpectable que le repos d'un ancien Paf-teur, que l'âge & fes longs travaux ont mis hors d'état de continuer fes fonctions. Mais ce font ces Pafteurs fidèles & vénérables eux-mêmes, qui feuls refufent de fe repo-fet : nous avons beau leur offrir un azile &

Cant.

6.

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