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nageons les riches & les puiffans: nous leur paffons leurs foibleffes, leur luxe, leurs paffions; nous leur laiffons tout espérer malgré leurs vices, des miféricordes du Seigneur. Nous n'avons pour eux au Tribunal & ailleurs, que des paroles de douceur & de charité quelque incorrigibles qu'ils nous paroiffent, nous nous trouvons honorés de leur accorder les foins de notre ministère; & jamais l'inutilité de ces foins n'a été pour nous une raifon de les rebuter & de les leur refufer: & nous réfervons toute notre dureté pour les pauvres & les petits; c'est envers eux tout feuls, que nous faifons valoir toure la févérité de l'Evangile; c'eft à eux feuls, que nous ne paffons rien; c'est pour eux feuls, que nous nous rebutons, & que nous croyons nos foins inutiles, pour peu qu'ils tardent d'y répondre.

Vous nous direz peut-être enfin, que ce ne font pas ces motifs qui vous retiennent, & vous ont empêché jufqu'ici d'ufer de l'autorité de votre ministère pour tâcher de détruire les abus publics & trop communs que vous voyez régner parmi vos peuples. Mais on craint, dites-vous, de n'être pas. foutenu, de paffer pour imprudent, & de ne retirer point d'autre fruit de fon zèle que la haine de fes Paroiffiens & le blâme de fes Supérieurs.

Je conviens, mes Frères, qu'il y a un zèle d'humeur & de tempérament qui n'eft

jamais loin de l'imprudence. Mais le zèle qui prend fa fource dans la charité, est un zèle doux & patient il ne s'irrite point, il ne s'enfle point: il hait les vices; mais il aime les pécheurs: il n'entreprend rien légérement & à contre-tems: il ne fe rebute point; il oppofe la patience à l'infenfibilité; il attend les momens de Dieu fans dégoût, fans inquiétu le: il ne compte pas fes peines & fès foins; & il eft moins touché de travailler en vain, que du danger de fes brebis qui rendent fes travaux inutiles: il revient avec plus de ferveur & de charité, après avoir été mille fois rebuté; il effaye de tout, des prières, des menaces, de la douceur, d'une fainte colère: la charité eft ingénieufe; elle nous ouvre mille voies nouvelles, mille artifices innocens pour ramener ceux qui s'égarent. Non, mes Frères, ne mettons point l'humeur à la place du zèle: montrons à nos peuples plus de charité que d'autorité: ne nous faifons pas un faux point d'honneur de l'emporter fur eux, quand nous les trouvons rebelles à nos projets les plus louables; cherchons à les gagner plutôt qu'à les foumettre : ne mêlons point les emportemens, les vivacités, les duretés de l'homme au zèle du Miniftre n'entreprenons pas tout à la fois, peur de tout manquer que l'amourpropre ne nous faffe pas trop preffer une œuvre qu'une fage patience peut finir: n'oppofons aux contradictions qu'un zèle

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encore plus doux & plus tranquille. L'oeu vre de Dieu est toujours le fruit des peines & des obftacles: ne regardons pas le fuccès comme une gloire qui doit nous appartenir; la gloire en eft à Dieu feul; & tout ce que nous y mettons du nôtre, eft plutôt capable de faire échouer l'œuvre fainte que de la confommer. Alors nous at➡ tendrons le fuccès avec la tranquillité de la foi & de la confiance; nous le hâterons plus par nos prières & par nos gémiffemens, que par l'impétuofité de nos mou. vemens & de nos démarches. Attendonsnous à foulever des malades aufquels nous ne préfentons que des remédes douloureux; mais fouvenons-nous que ces malades font nos enfans, & que notre amour pour eux doit croître à mefure que leur oppofition aux remédes rend leurs maux plus dangereux. Notre zèle alors ne fera point taxé d'imprudence: nos bonnes intentions trouveront la protection qui leur elt dûe: nous partagerons avec vous vos peines & vos dégoûts; & quand, ce qu'à Dieu ne plaife, nous ferions affés injuîtes pour vous blâmer comme ce n'eft pas pour nous & pour nous plaire, mais pour la gloire de Jefus-Chrift, que vous tra vaillez, & pour remplir le ministère qui vous a été confié, vous aurez de quoi vous confoler en fecret devant Dieu, témoin plus fidèle & rémunérateur plus équitable de vos peines, que l'injuftice des hommes..

Souffrez donc que je finiffe en vous di fant avec l'Apôtre : Je vous conjure, mes Frères, reffufcitez en vous cette grace du ministère, fi vous avez eu le malheur de la laiffer affoiblir, ou peut-être même éteindre: cette grace de zèle, de charité, de patience, de vigilance, de travail. Ne ceffez point de corriger ceux qui par les fui`res d'un efprit léger & inquiet, non-feulement paroiffent incapables de goûter les vérités faintes, mais en dégoûtent même les autres; & par une habitude de murmure & de révolte, font un obstacle continuel aux foins & aux bonnes intentions d'un Pasteur: faites-leur fentir les jugemens de colère qu'ils s'attirent fur leur tête Rogamus vos, fratres, corripite inquietos. Uiez de plus de douceur & d'indul-1. Thelle gence envers ceux en qui la foibleffe & la feq. fragilité ont plus de part à leur chûte, qu'un fond de malice & de mépris de la Religion; & foyez plus touchés qu'aigris de leurs misères: animez leur molleffe & leur pufillanimité par l'efpérance des fecours de la grace : & faites-leur entendre que plus ils fe fentent foibles, & que moins ils comptent fur leurs propres forces, plus ils doivent tout attendre de celui qui fe plaît oujours à faire éclater dans notre foibleffe la force de fa grace: Confolamini pufillanimes. Portez fur vos épaules, comme le bon Pafteur, les malades, qui en fouhaitant leur guérifon, ne laiffent pas

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d'aimer toujours leurs maux: foutenez les bons defirs qu'ils mêlent fans ceffe à leurs chûtes: cultivez cette étincelle de vie que la grace laiffe encore dans leur cœur : montrez-leur les remédes, & travaillez à les leur rendre aimables : les maux ne font jamais défefpérés, tandis que les malades eux-mêmes les fentent & fouhaitent la délivrance Sufcipite infirmos. Sur-tout que la différence des foins & des perfonnes ne change jamais rien à l'égalité de votre charité & de votre patience: qu'elle foit la même envers les pauvres qu'envers les riches; envers ceux qui vous réfiftent, qu'envers ceux que vous trouvez plus dociles à vos inftructions: Patientes eftote ad omnes. Montrez leur à tous la même férénité : laiffez-leur voir à tous dans la fainte joie de votre vifage, ou l'efpérance de feur converfion, s'ils font pécheurs, ou l'applaudiffement que mérite leur fidélité dans les voies de la juftice, s'ils y font rentrés; qu'ils retrouvent toujours en vous cette joie d'un père toujours aife de voir fes enfans qu'il leur paroiffe à tous que leur préfence fait votre plus douce confolation; & ne rebutez jamais les pécheurs même qui vous approchent, par cet air de chagrin & de noirceur, qui femble leur annoncer que leur falut eft défefpéré: Semper gaudete. Enfin, accompagnez vos foins de vos prières: parlez encore plus fouvent à Dieu des défordres de vos peuples qu'à

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