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de l'électeur de Saxe, leur fit un long difcours, où il dit en substance, que les princes ne doutoient AN. 1561. point qu'il n'y eût dans toutes les nations des hommes de bien, qui fouhaitoient qu'on rétablît la lumiere de l'évangile & la pureté de la doctrine : qu'on abolit ces pernicieufes coutumes qu'il auroit fallu que le pape eût entierement retranchées dans les pays qui lui font foumis : mais qu'on coñnoissoit évidemment quels étoient les deffeins des fouverains pontifes, de tourner toutes chofes à leur avantage & à leur utilité particuliere, en répandant une infinité de ténébres & de fuperftitions fur l'évangile. Que c'étoit ce qui avoit obligé les princes à fecouer le joug de la puiffance ordinaire, à chercher la lumiere, & à puifer la pure doctrine dans la parole de Dieu même, à laquelle ils s'étoient attachés felon ia premiere confeffion d'Aufbourg. Que pour ce qui concernoit la préfente députation des nonces & ce qu'ils avoient fignifié aux princes au nom du pape, on étoit fort furpris de ce que le pontife de Rome avoit ofé envoyer des ambaffadeurs à des gens qui ne reconnoissoient son autorité en aucune chose, encore moins dans la convocation d'un concile, & qui n'obéiffòient fur la terre qu'à l'empereur leur unique fouverain.

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Vous avez tort, continua Cracovius, de nous « accufer d'être légers, de fuivre tous les jours des opinions nouvelles, & de nous jetter aveuglément dans des fectes qui fe contredifent, puisque nous «< n'avons tous qu'une même doctrine, & que nous foufcrivons tous à cette formule de foi, qui fut dreffée à Aufbourg par ordre de Charles V. Nos «

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princes vous déclarent qu'ils ne s'en écarteront AN. 1561. „ point, & qu'ils ne fouffriront jamais que le pape leur donne la loi. L'empereur eft leur prince & leur chef, il est l'arbitre de tous les différends qui s'élevent dans la Chrétienté, c'est à lui seul qu'appartient le droit d'assembler des conciles lé» gitimes. Lorsque ses ambassadeurs seront arrivés, nos princes s'expliqueront avec eux fur ce fujet : mais ils font réfolus de n'avoir jamais aucune communication avec le pape. Pour vous, parce qu'ils ont appris que vous êtes fortis des plus illuf» tres familles de Venise, & que vous êtes distingués par votre vertu & par votre fageffe, ils ont beaucoup d'eftime & de refpect pour vos perfonnes : & vous en euffiez des reçu marques publiques, fi vous fuffiez venus comme particuliers, & non comme ambassadeurs du pape, au concile duquel ils font réfolus de ne point obéir, parce qu'ils font perfuadés qu'il n'a aucun droit » de le convoquer ; & qu'il ne peut s'ériger en arbi» tre des controverfes & des différends de l'églife, lui qui eft la fource de toutes les divifions; ni qu'il s'établisse lui-même juge de la vérité, lui qui l'attaque & qui la méprife plus cruellement que tous

XL

mendon à ce di

cours.

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Ce difcours injurieux de Cracovius, furprit beauRéponte de Com- coup les nonces, qui délibérerent pendant quelque tems s'ils y répondroient. Enfin Commendon prit Pallav. in hift. la parole, & dit que le Pape les avoit envoyé en qualité de nonces auprès des princes d'Allemagne, Commend. lib. 2. pour s'acquitter de la fonction de pafteur univerfel, qui lui fait embraffer avec zéle tous les

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procurer le falut d'un chacun ; qu'il ne l'avoit fait
que dans le deffein de procurer le bien dont les
princes étoient convenus dans leur assemblée, &
qu'ainfi il n'y avoit rien de furprenant dans cette
conduite. Que le concile avoit été indiqué par le
fouverain pontife dans la forme que l'églife infpirée
par le Saint-Efprit avoit toujours observée, n'y
ayant pas d'autre reméde pour rétablir l'ancienne
difcipline de nos peres, & pour guérir les playes
de l'églife. Qu'on avoit révéré de tout tems la fain-
teté & la majesté de ces affemblées : & que ceux mê-
me qui par leur erreur ou par leur crédulité, s'étoient
féparés de l'unité, avoient regardé leurs décifions
comme des oracles & comme des ordres venus du
ciel. Quant à ce qu'ils difoient, qu'ils ne recon-
noiffoient point d'autre fouverain que l'empereur:
le nonce leur fit voir la différence qu'il y avoit
entre l'autorité des princes laïques & celle du
tife Romain, & le refpect que Ferdinand avoit
pour le pape. Que c'étoit fans raifon qu'ils fe plai-
gnoient de lui, puifque tout le monde étoit per-
fuadé de fa charité, principalement à l'égard de la
nation Allemande. Pour ce qu'on objectoit que fa
fainteté devoit travailler à réformer le fiécle & ré-
tablir la difcipline, les nonces en convinrent. Mais
Pie IV. dirent-ils, dès les premiers jours de fon
pontificat n'a-t-il pas entrepris de le faire? N'y tra-
vaille-t-il pas inceffamment ? Et n'eft-ce pas
dans
cette vûe qu'il convoque le concile, afin que le fuc-
cès en foit plus certain ?

pon

Sur ce que Cracovius avoit reproché à l'Eglife Romaine, qu'elle étoit remplie de fuperftitions &

AN. 1561.

de relâchement, & qu'elle s'appliquoit à répandre AN. 1561. des ténébres fur les vérités de l'evangile; Commen

don lui répliqua qu'il étoit aifé de juger que la haine de la vérité & le plaifir de médire avoient aveuglé les Proteftans. Qu'il pourroit dire à la gloire de cette églife, qu'elle s'eft rendue plus illustre que toutes les autres par les foins qu'elle a eue de porter plus loin le nom de Jefus-Chrift & la connoiffance de fon évangile : mais que les vrais Catholiques n'ont accoutumé de fe glorifier qu'en celui qui juftifie les pécheurs, & qui récompense les jus tes. Que les Allemands peuvent apprendre par toutes les hiftoires anciennes, que ces grands évêques qui ont été fi célébres par leur piété & par leur doctrine depuis le fiécle des apôtres, ont toujours eu recours à l'églife de Rome dans les difficultés de la religion, & se sont soumis à fes décisions. Qu'on pourroit leur citer des rois de toutes les parties du monde, & des nations les plus éloignées qui ont député à Rome pour être inftruits de nos mysteres; qu'on pourroit leur nommer un nombre pref que infini de peuples que cette églife a retirés de l'impiété & des erreurs honteufes où ils étoient plongés, pour les réduire fous des loix plus pures, & fous un culte plus faint; qu'il n'y a presque aucune province qui ne lui doive le bonheur d'avoir reçu, ou d'avoir confervé la religion Catholique. Qu'enfin eux-mêmes avoient reçu de Rome la connoissance de la foi chrétienne, & que depuis qu'ils avoient quitté cette regle de la vérité, ce n'étoit plus que détours, que confufion, qu'égaremens parmi tous les peuples de leur nation.

Comme

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Comme Cracovius s'étoit plaint que les nonces avoient reproché à l'Allemagne d'être agitée d'une AN. 1651. grande diverfité de religions, Commendon le défia de le nier, & affura qu'il n'y avoit rien de plus certain ni de plus évident que ce défordre & cette confusion de sentimens différens, qui partageoient les Allemands fur le fujet de la foi & des cérémonies; qu'ils ne s'accordoient que contre les Catholiques & l'Eglife qu'ils avoient abandonnée ; que l'Allemagne étoit pleine de livres qui fe contredifoient. Luther, dit-il, cet homme que vous vantez comme un autre faint Paul, qui a forgé cette belle formule de foi à Aufbourg, n'a pas toujours été d'un même fentiment; il a fait de nouvelles confeffions de foi prefque tous les ans ; ceux qui l'ont fuivi ont changé ou interprété ses pensées felon leur caprice. De-là les difputes fans fin touchant ce qu'il a crû: perfonne n'approuve toutes les opinions; Melanchton a eu fes partisans, Ecolampade les fiens, Zuingle a fait une fecte à part, & combien de gens s'attachent à celle de Calvin? Il y en a une infinité d'autres qui ne sont d'accord ni ́avec Luther ni entr'eux. Il n'y a point de ville en Allemagne, point de bourg, point de famille où il n'y ait quelque différend de religion. Les femmes difputent avec leurs maris, les enfans avec leurs peres : chacun croit avoir la véritable foi & l'intelligence des écritures; &, ce qui est plus déplorable, les plus ignorans dans leurs entretiens & dans leurs repas décident des points de la religion, & au milieu de leur intempérance se mêlent de faire les réformateurs. Le pape, continua-t-il, après s'être acquitté de Tome XXXII.

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