Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ment belle chez Virgile que dans Homere.
La Mer chez le premier fe baiffe par ref-
pect devant Neptune fon fouverain maître.
Elle calme fes flots dés qu'il paroît, & de-
vient un beau cryftal tout uni, afin que le
char de ce Dieu roule plus facilement. Il
abandonne la bride à fes chevaux, & les
pouffe à toutes jambes. Ils ne marchent pas
fur la plaine des Mers; ils volent fans tou-
cher prefque à l'eau : le char n'imprime au-
cun fillon. Les Dieux & les Décles de la
Mer vont devant & derriere, & à côté du
char de leur maître : les Baleines & les gros
poiffons luy font cortege.

Jungit equos curru Genitor, fpumantiaque addit ́Æn. lib.
Fræna feris, manibufque omnes effundit habenas § fub fin.
Cæruleo per fumma levis volat æquora curru.
Subfidunt undæ, tumidumque fub axe tonanti
Sternitur æquor aquis. Fugiunt vafto æquore
nimbi.

Tum variæ comitum facies, immania cete,
Et fenior Glauci chorus, Inoufque Palemon,.
Tritonefque citi, Phorcique exercitus omnis.
Lava tenent Thetis & Melite, Panopaque Virgo
Nefæe, Speioque, Thaliaque, Cymodoceque.

Le même Longin propofe comme un autre exemple d'un fublime merveilleux, cette parole d'Ajax, qui brûlant d'envie de fe fignaler dans le combat, & d'emporter la

En. lib. fub

med.

Haud fibi cum Danais rem, faxo, & pube Pelasga
Effe putent, decumum quos diftulit Hector in

annum..

Il y a auffi bien de la grandeur d'ame & de la fublimité heroïque dans le difcours que Virgile fait tenir à Euryalus, lorsque jaloux de ce que fon ami & fon camarade Nifus avoit voulu avoir toute la gloire d'une entreprise perilleufe, & n'y avoit pas voulu l'engager, depeur qu'il n'y perît; il luy fait dire ces paroles admirables:

Eft hic, eft animus Lucis contemptor, & iftum
Qui vitâ bene credat emi, quò tendis, honorem

E

§. II.

USTATHE, & tous les Commentateurs d'Homere, difent que le dellein de ce Poëte dans fon Iliade, & la vuë qu'il s'eft propofée en compofant cet admirable Poëme, a été de faire fa cour aux Grecs, & aux principaux Seigneurs de ce Païs là, qui étoient iffus, ou qui fe difoient iffus des Achilles, des Agamemnons, des Ulysfes, des Diomedes, & des Ajax : & pour leur faire entendre que, s'ils étoient euxmêmes unis ensemble, & qu'ils fuffent fans. divifion & fans querelles les uns avec les autres, il n'y avoit rien qu'ils ne puffent efperer, ni d'ennemis fi redoutables & fi

puiffans qu'ils ne puffent vaincre, comme leurs ancêtres avoient vaincu Hector, & renversé le Thrône de Priam. On ne peut douter auffi que ce n'ait été le deffein de Virgile, de faire fa cour au Senat & au peuple Romain, & de vanter leur politique, leur fageffe & leur courage, & de faire une hiftoire abregée de la fondation, du progrés, & de la puiffance fouveraine de Rome, cette maîtreffe des Nations, & en même temps de faire l'éloge d'Augufte, & de fa Maifon & Famille royale, & celui des principaux Seigneurs de la Republique, qui étoient les Patrons de nôtre Poëte, & qui luy faifoient penfion, ou qui pouvoient luy en faire. Or il n'y a perfonne de bon goût, qui en examinant toutes les parties de l'Iliade & tous les endroits, où il eft vifible que le Poëte a eu deffein de faire ce que j'ai dit ci-deffus, & les comparant avec les endroits de Virgile, où il paroît qu'il a eu le même deffein, ne donne le prix à ce dernier, foit pour la delicate ffe de la louange, foit pour le tour & la noblefle des penfées & des expreffions, foit pour la fineffe du pinceau, avec lequel il reprefente la grandeur d'ame & le courage des Romains, & la fuperiorité de leur efprit & de leur courage par deffus tous les peuples & tous les hommes de l'Univers. Tout le corps. de fon ouvrage ne tend qu'à faire envifa

ger, admirer, adorer la grandeur Romaine. Elle fait, felon luy, toute l'occupation des Dieux depuis le commencement des Siecles: Elle eft comme l'unique objet,où aboutiffent tous leurs deffeins, & toute leur providence dans la fondation, ou dans la deftruction de toutes les autres Monarchies du Monde.

An.lib.t. Tantæ molis erat Romanam condere gentem. manent immota Tuorum

fub init.

Ibid. fub Fata tibi. Cernes Urbem, & promissa Lavini
Mœnia.

med.

En. lib.

An.lib.

7.

En.lib.

3.

Ibid,

Les Oracles les plus anciens, & les plus fameux des Apollons, des Scbylles & des Faunes, ne parlent que de cette grandeur future de la Republique Romaine.

-nunc Augur Apollo,

Nunc Lycia Sortes ; nunc & Jove miffus ab ipfo
Interpres Divûm fert horrida juffa per auras.
Is fuperis labor eft : ca cura.

O mea progenies, thalamis ne crede paratis.
Externi veniunt Generi, qui fanguine noftrum
Nomen in aftra ferant,quorumque à Stirpe nepotes
Omnia fub pedibus, quà sol utrumque recurrens
Afpicit Oceanum, vertique, regique videbunt.
Hæc refponfa Patris Fauli.

Religio, & cuncti fuaferunt numine Divi Italiam petere, & terras tentare repoftas. Heic Domus Æneæ cunctis dominabitur oris.

Les Calcas, les Caffandres & les Helenus, ne femblent avoir été infpjrez des Dieux, & avoir reçû le don de Prophetie, que pour prédire cette même grandeur Romaine, plufieurs Siccles avant qu'elle arrivât. Sola mihi tales cafus Caffandra canebat, Et fæpe Hefperiam, fæpe Itala regna vocare,

Les Morts même ne femblent être for-
tis des tombeaux, & avoir eu permiffion
d'apparoître en fonge à Enée ; les Statuës
de les Dieux Penates ne femblent luy avoir
parlé par
le plus grand de tous les Prodi-
ges, que pour luy annoncer l'élevation &
la puiffance fouveraine des Romais fes.
Defcendans futurs.

Effigies facræ Divum, Phrigiique Penatės
In fomnis vifi ante oculos adftare jacentis.
Nos Te, Dardania incensâ, tuaque arma secuti,
lidem venturos tollemus in aftra nepotes,
Imperiumque Urbi dabimus. Tu mœnia magnis
Magna para.

L'entrée des enfers, & de ces royaumes fombres & fouterrains, qui font inacceffibles aux Vivans, pendant que l'ame eft dans le corps, & qui ne font habitez que par les Morts, ne fut ouverte, felon Virgile, à Enée, qu'afin qu'il y pût apprendre l'Hiftoire de la vie, & des actions étonnantes de valeur des Romains, & de la puiffance

En. lib

3.

En.lib

3:

.

« AnteriorContinuar »