copier, fans entendre ce qu'ils copient, parce qu'ils n'ont aucune connoillance des manieres qu'ils traitent. Les autres plus fins,, quoiqu'auffi ignorans, qui pour mieux. couvrir & déguifer leur larcin, & en effacer jufqu'aux veftiges, alterent & falfifient. tout ce qu'ils ont pris de bon dans les Livres. d'autrui. Le Sieur Chevalier Chanoine de. Saint Amable de Riom, a réuni dans sa Perfonne, par un rare exemple, ces deux fortes de caracteres. Je compofail'an 1689, un petit Livre imprimé en forme de Requête à Meffieurs de la Chambre Ecclefiaf tique de Clermont's où je ramaffai avec foin tous les Titres Originaux qui regardent la vie de Saint Amable, ou la fondation de •fon Eglife. Ces Titres confiftoient en quatre ou cinq principales pieces, à fçavoir: La premiere, dans un extrait fidele de tous les endroits de Saint Sidoine Appollinaire, & de Saint Gregoire de Tours, où il est parlé de Saint Amable, ou tout au moins du Duc Victorius fous lequel ce Saint étoit mort. La feconde, eft un Extrait du Livre intitulé, De Ecclefiis & Altaribus qua in Claromonte confiftunt, compofé, à ce que croyent Bollandus & Mr de Tillemont, vers l'an 850, & fort eftimé par eux & par Apr. pag. le Pere le Cointe qui le cite fouvent, & par 252. Till. Savaron qui l'a donnéau jour. La troifiéme, Mem.. éft im Extrait tiré fur l'Original par un de P. 475.

Boll. 3.

Tom. 4.

mes Oncles, qui étoit fçavant, d'un fragment de l'ancienne Epitaphe de nôtre Saint, contenue fur un morceau de marbre blanc, qui marque en termes exprés, que Saint Amable mourut l'an 476, poft Paffionem, fous le regne de Childeric: & cette date, n'eft pas en chifre; les années y font écrites, tout du long, quadringentefimo feptuage fimo fexto, comme me l'a affuré pofitivement mondit Oncle. La quatrième, eft PHiftoire de la vie du même Saint, en forme de Panegyrique, par un Anonyme qui vivoit au douzième Siecle, copiée il ya 200 ans fur un vieux Manufcrit de la Sacriftie de l'Eglife de Riom, dont Surius a eu communication, puisqu'il l'a tranfcrite & inferée dans fes Vies des Saints, La cin-. quiéme, eft un Extrait de tous les Titres, concernant l'Hiftoire du Saint ou de fon Eglife, qui font dans les Archives du Chapitre de Saint Amable, ou dans le Spicilege du Pere Dom Luc d'Acheri, ou dans le Cartulaire de Brioude, ou dans l'Hiftoire de la Maison d'Auvergne par Juftel, & de celles de Montmorin, & de RochebriantChouance, par Monfieur du Boufchet, ou dans l'Hiftoire manuferite d'Auvergne par Monfieur Audigeir. Ces deux derniers Auteurs vivoient pour lors, & me firent l'honneur de me communiquer leurs lu micres. Je fis prefent de mon Ouvrage au

Sieur Chevalier, l'un des Chanoines du Chapitre, & luy donnai auffi mon Manufcrit de 200 ans. La Lecture de mon petit Livre luy fit naître auffitôt l'envie de mettre en œuvre tous les materiaux que j'avois ramalle avec tant de foin, & d'en compofer une Vie de Saint Amable, & un corps d'Hiftoire de fon Eglife, avec une Differ tation Chronologique. Il executa fon deffein: Et fon Ouvrage ne parut imprimé à Lion qu'en l'an 17.02, trois mois aprés que j'eus fait imprimer à Paris la Vie du même Saint, avec des Eclairciffemens. Mais Mon"fieur Chevalier fit comme les Harpies dont parle Virgile, qui gâtent les meilleures chofes par leur attouchement.

Contactuque omnia foedant.

Et ces vilains oifeaux gâtent tout ce qu'ils

En effet, foit que pour cacher fes larcins, & empêcher les Lecteurs de s'appercevoir qu'il avoit tiré de mes deux Livres tout ce qu'il difoit de menleur, & de plus recher ché foit qu'effectivement il n'entendît point les chofes dont il fe mêloit de parler, & n'avoit aucune connoiffance de l'Antiquité, ni de l'Hiftoire Civile & Ecclefiafti, que, ni de la Chronologie & de la Criti que, il a affecté de s'écarter de moy en bien des endroits, & a défiguré & gâté de tous

7

mes Memoires, en y ajoûtant uns infinité d'anachronifmes, de fables & de faufletez. Mais en cela même il n'a pû cacher au Monde que mes Livres étoient la feule fource où il avoit puifé tout ce qu'il dit: Car, comme il s'étoit gliffé plufieurs fautes d'impreffion dans mes Livres fur des points tres importans dans la Chronologie & dans l'Hiftoire, le bon Chanoine qui n'avoit pas affez de lumiere ni de fcience pour s'appercevoir qu'il y avoit faute dans mes Livres, a copié mot pour mot mes erreurs d'impreffion & les a foûtenuës comme des veritez de Foy. En voici quel -ques unes tres propres à réjouir les Lecteurs fçavans.

Au lieu de dire que S. Gal, fecond du nom, fut fait Evêque d'Auvergne l'an 639, fous le Roy Sigibert; mon Imprimeur, par la faute du Correcteur, avoit mis dans mes Memoires & dans mes Eclairciflemens, l'an 649, fous le Roy Dagobert. Auffitôt Monfieur Chevalier a donné dans le panneau, & mordu dans l'ameçon, & a affuré fur la parole & le témoignage de mon Imprimeur, que S. Gal fut fait Evêque à la fin de l'année 649, & même peut être plûtard l'année 650, fous le Roy Dagobert: & là-deffus a bâti mille chimeres & mille. Hiftoires pleines de faufletez, & d'abfurditez, comme que Saint Gal n'étoit encore

qu'Archidiacre &non pas Evêque lorsqu'il fit la Tranflation du Corps de S. Amable le premier Avril de l'an 649, & l'expofa à la veneration des Peuples, & fit graver une Epitaphe fur le Marbre facré fur lequel il avoit accoûtumé de dire la Meffe, &c.

Mais le bon Homme ne fçait pas que les Diacres ni Archidiacres n'avoient pas le pouvoir de dire la Meffe, & n'étoient pas Prêtres dans le feptiéme Siecle, & que ce ne fut qu'à caufe de leur infolence & de la vanité qu'ils avoient de l'emporter fur les Prêtres, que le Pape Eugene II. fit ordonner dans un Concile de Rheims tenu l'an 826, qu'on ne donneroit point d'Archidiaconé, qu'à ceux qui feroient actuellement Prêtres. Toutes les Lettres de Saint Jerome font pleines de plaintes contre les Archidiacres, qui, quoiqu'inferieurs en Caractere aux Prêtres, s'élevoient pourtant fierement audeffus d'eux, à caufe qu'ils tenoient la Bourfe, & qu'ils avoient la difpenfation des biens de l'Eglife dont ils payoient les Prêtres On peut voir quelques exemples de l'infolence des Archidiacres dans Sozomene, Lib. 4. c. 28, & dans Nicephore, Lib. 9. c. 48.

En fecond lieu, le bon Chanoine ne fçait pas que l'ufage des Marbres facrez pour dire la Meffe, n'eft pas fi ancien que Saint Gal; & que tout au moins de fon temps il