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qu'outre la Matiere fubtile & les efprits vitaux, qui font dans tous les animaux, il y avoit encore une petite parcelle de l'Ef prit Univerfel & Divin, qui étoit quelque chofe d'éternel, d'inmortel, d'incorruptible, de feparé de la Matiere, & qui ne fe communiquoit pas par la Generation, mais qui venoit de dehors ; To aïdiov, Tò àdévaTv, Τὸ ἄφθαρθον, Τὸ ἔξωθεν ἐρχόμενον.

a

Je réponds que quand une chose a deux faces, & qu'elle peut s'expliquer en deux manieres, il eft de l'équité naturelle de luy donner le fens qui eft le meilleur & le plus plaufible: & il n'y a aucun doute, comme nous venons de voir, que les termes dont Virgile fe fert, ne puiffent s'entendre au sens de la doctrine de S. Auguftin & de Def cartes. Mais il y d'autres endroits dans les Ouvrages de cet admirale Poëte, par lefquels il paroît nettement qu'il a explique par les regles de la Mécanique, les actions les plus fpirituelles des bêtes, & a crû que celles-ci n'étoient que de purès machines & automates, que les impreffions des objets exterieurs faifoient tourner, mouvoir & chanter ; & qu'enfin il a fait un parfait difcernement de l'Esprit d'avec le Corps, & n'a pas confondu l'Étre Penfant avec la Matiere, ni crû que celleci fit capable de penfer, de connoître, & de fentir. Voici comme il parle du chant

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des oifeaux & du cri des corneilles, lorfque le beau temps, où le mauvais temps approche, (ce qui fait que le commun des Hommes leur attribue le preffentiment & la prédiction de l'avenir :) & comme il explique auffi cet inftinct myfterieux, que tous les Philofophes attribuent à tous les animaux pour leurs petits, & le foin qu'ils prennent pour les nourrir & les vifiter, & couver dans leur nid. Il prétend que le premier fe fait par l'impreffion de l'air, & que le fecond arrive par l'ébranlement des nerfs & Pagitation des efprits vitaux, que les cris de leurs petits, & leur vue, produifent dans les organes de leur oüie & de leurs yeux.

Haud equidem credo, quia fit divinitus illis
Ingenium, aut rerum fato prudentia major:
Verum ubi tempeftas, & cæli mobilis humor
Mutavere vias, & Jupiter humidus Auftris

Denfat, erant quæ rara modo, &

laxat,

quæ

denfa re

Vertuntur Species animorum ; & pectora motus Nunc alios, alios dum nubila ventus agebat, Concipiunt. Hinc ille avium concentus in agris Et læte pecudes, & ovantes gutture corvi.

Nefcio quâ præter folitum dulcedine læti Inter fe foliis ftrepitant: Juvat imbribus actis

Georg. l. Progeniem parvam, dulcefque invifere natos,

Tum cornix plenâ pluviam vocat improba voce.

En verité, cette douzaine de Vers vaut mieux que des millions de volumes de nos Scholaftiques & Philofophes Ariftoteliciens, avec leurs Formes fubftantielles, leur Inftinct, leurs Vertus occultes, leurs Ames fenfitives & vegetatives, leur Appetit narel, leurs Inclinations, leurs Qualitez fenfibles, & leurs Habitudes mortes & fans action. On voit nettement par là, que Virle ne connoiffoit rien autre chofe dans la Matiere, que la figure & le mouvement. Et c'eft en fe moquant de certains Philofophes, qu'il dit que les Abeilles ont de l'efprit, & que cet efprit eft une portion de la Divinité, & un feu celefte, qui eft dérivé des Aftres : ce qui eft unray galimathias

pompeux.

Georg. His quidam Signis atque hæc exempla fecuti

Lib. 4.

Effe apibus partem divinæ mentis, & hauftus

herios dixere ::

Quoy qu'il en foit, il eft certain & évident par les Vers ci deffus, que Virgile a reconnu que Dieu est par tout ce que la fuite de ces derniers Vers fait vok encore plus clairement, puifqu'il ajoûte :

-Deum namque ire per omnes

Terrafque, tractusque maris, cælumque profundum..

Geor. lib. 41

16.&feq

Ainfi, encore une fois, il étoit plus grand Theologien que les Sociniens, & entr'autres que Crellius, qui dans fon Traité De Conrad. Deo, au Chapitre 27, De Immenfitate, & Vorft. Append. de omnipotentia Dei, page 92, colonne ze, ad prife moque de cette prétendue prefence de mam par tem refp. Dieu en tous lieux, & louë fort Conrad ad Math Worftius de l'avoir réfutée en deux endoits Saldun. & Apol. fort au long, & dit que cela fait hor- exeg. c. reur, & que c'eft un blafphême de dire que T'Effence divine eft dans des lieux puants & infects, & dans des cloaques & des égoûts: Fulgarem fententiam de diffufione Effentia divina per res univerfas, vel penitus refellunt, vel non parum labefactant.... quo minus credibile eft gloriofiffimam ipfius fubftantiam in medio impuriffimarum rerum, ac fordium latere. Comme fi la boue & les diamans, les fleurs & le fumier n'e toient pas la même chofe à l'égard de Dieu ;. & comme s'il voyoit autre chofe dans les uns & dans les autres, qu'un different ar rangement des parties de la Matiere: mais cela eft trop fubtil & trop folide pour les LeClere Sociniens qui font les plus méchans Philo- le Table fophes & Theologiens qui furent jamais. desocia Mr le Clerc les excufe contre Jurieu, parce

Avis fur

du

Lett. 20

Jib. 4.

que Socin eft venu avant Mr Descartes, mais Virgile étoit devant Socin.

L'anéantiffement des Ames criminelles aprés une certaine révolution d'années, qui eft une autre erreur diabolique des Sociniens, eft auffi clairement réfuté pár Virgile: : car il enfeigne pofitivement & en grand Philofophe & Theologien, que rien ne meurt dans la Nature; Nec morti effe locum, & que ni l'Efprit, ni la Matiere en general ne font jamais détruits, & que la Matiere ne fait autre chofe que de changer de forme & de figure, lorfqu'on dit qu'un tel Homme eft mort; mais que pour l'Efprit, il remonte au Ciel dont il étoit descendu, & va vers for Createur, aprés s'être purifié des taches & des fouillures qu'il avoit contractées par le commerce avec le Corps, & aprés qu'il a eu fait penitence, pendant un long cercle d'années, des fautes qu'il avoit commifes en cette vie ; & aprés s'être purifié des préjugez & das habitudes & inclinations terreftres qui l'apefantif

foient.

Georg. Scilicet hûc reddi deinde, ac refoluta referri Omnia, nec morti effe locum, fed viva volare Sideris in numerum, atque alto fuccedere cælo,

Virgile dit cela des Abeilles, dans la fuppofition de ceux qui croyent qu'il y a en elles une Subftance qui penfe, & un Esprit

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