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vois en traiter ailleurs, fans renverfer l'ordre naturel de mon fujet : & que par conféquent, fi la matiere ne plaît pas, comme étant épineuse, ce n'est nullement ma faute, puisque je n'ai pas eu la liberté du choix. Et fi l'on m'objecte, que j'aurois pû me paffer de décrire la forme embroüillée des élections & des balotations du Grand-Confeil, J'ai à repartir que cela étoit neceffaire pour rendre mon Hiftoire plus complete, comme auffi pour ne laiffer rien à defirer à la curiofité du Lecteur. Car s'il y a eu des François, qui en paffant par Venise ont démandé à entrer au Grand Confeil, pour y voir baloter, il y en aura auffi, je m'affûre, quelques-uns, qui feront bien-aises de lire ce qu'ils ont vû confufément, & qui me louëront, peutêtre, d'avoir pris la peine de débroüiller cette matiere. En quoi. j'ai imité encore plufieurs grans Auteurs, qui n'ont pas dédaigiij,

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né de composer des volumes entiers, pour nous expliquer la forme des Comices de la République-Romaine, au-lieu que je comprens toute celle des Comices de Venife en trois ou quatre pages, dont la lecture ne fera pas fort ennuieufe. Mais enfin, fi cet endroit déplaît à quelqu'un, il lui sera fort aisé de paffer en un moment dans un plus beau parterre.

J'ai traité fort amplement du Sénat, parce qu'étant la plus noble & la plus excellente partie de la République, j'en devois faire auffi la principale de mon Ouvrage, pour le proportionner à fon fujet. Au contraire,je ne me fuis pas arrêté longtems au College,vû que ce n'eft, pour ainfi dire, que l'Antichambre du Senat.

Après avoir parlé des Confeils en général, je viens au détail des Magiftrats qui les compofent commençant par le Duc qui en eft le Chef, & con

tinuant par les autres, felon la dignité & l'importance de leurs Charges. J'ai fait comme autant de petits traitez particuliers du Doge, des Procurateurs de Saint-Marc, & des Décemvirs, qu'ils appellent le Confeil de Dix, non pas à caufe que ce font les premiers Magistrats de la Ville; mais parce que la matiére, quoique belle & curieuse, n'a point encore été bien touchée. Tous ceux qui ont fait des Rélations de Venise, nous difent que le Duc n'a pas plus d'autorité qu'un autre Sénateur, & qu'il eft fujet aux loix; que le Confeil de Dix eft un Tribunal de grande importance, où tous les Nobles & tous les Criminels d'Etat font jugez avec une forme de Juftice extraordinaire. Tout cela eft fû de tout le monde, & il ne faut point de livres pour l'aprendre. Mais de dire comment les Venitiens en ufent avec leur Duc; en quoi confifte fa grandeur, quelles. A* iiij

font les fonctions & fes obligations; de quel âge, de quelle humeur, & de quel efprit on le veut; il me femble que ce font des chofes qui meritent bien d'être écrites, puifqu'elles fervent à la connoiffance parfaite de ce Gouvernement. Pour la même raison, j'ai tâché de tirer le Confeil de Dix au naturel, efti mant que ce portrait feroit d'autant plus agréable, que l'on y verroit en racourci toutes les plus délicates maximes de la République, & les misteres les plus cachez de fa domination, domi*Tac. nationis arcana. * Et je ne crains pas que perfonne m'accuse de haine ni d'aigreur contre les Mihi Venitiens, ( que je n'ai aucun neficio, fujet de haïr,) puifque je n'ai nee in- rien avancé que fur de bons Cogniti. Mémoires, & que j'ai pour garans leurs propres Hiftoriens, plufieurs Ambaffadeurs, & la Foi publique, qui mettent la mienne à couvert. D'ailleurs comme ces Républicains, ainsi

Ann. 2.

nec be

juria

Hift. 1.

que

que le refte des hommes, font mêlez de bien & de mal, je n'ai point fuprimé, ni même extenué leurs louanges & la gloire de leurs belles actions, lors le fil de mon difcours me les a prefentées. De forte que je crois avoir satisfait au devoir d'un Historien; qui n'ayant point d'autre but que d'inftruire, ne doit rien diffimuler, mais dire ingenûment la verité, fans fe foucier ni d'ofenser, ni de plaire, fuivant le confeil de Lucien. Tout ce que l'on a eu fouvent à me dire, a été, › que je dis beaucoup plus de mal des Venitiens que je n'en dis de bien. Je l'avoue, mais c'est à la severité de l'Histoire,& non pas à moi,qu'il s'en faut prendre. Car comme au point que les mœurs du fiecle font corrompues, il y a bien plus de défauts à reprendre dans les hommes, ainfi que le dit le Jeune Pline dans une de fes lettres, * qu'il n'y a de perfections à y loüer; il ne faut pas s'éton- id quod

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