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de retardement dans les affaires, ni de contradiction aux ordres du Commandant.

VIII. Les Nobles, qui fe font Chevaliers de Malte, n'ont plus de part au Gouvernement, non plus que s'ils n'étoient pas Nobles, parceque cette Chevalerie les affujettit aux loix, & aux ftatuts d'un Prince Etranger. Auffi, n'y-a-t'il d'ordinaire que deux Gentilshommes Venitiens, qui entrent dans cet Ordre, l'un de la Maison Cornare, & l'autre, de la Famille Lipomane, pour conferver deux bonnes Commanderies, dont ils ont le Patronat; le premier, celle de Trevife, avec le titre de Grand - Commandeur de Chipre; & le fecond, celle de Conillan dans la Marche - Trevifane.

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IX. Il eft défendu aux Nobles de recevoir des prefens & des penfions des Princes Etrangers, comme auffi, d'acheter des Terres dans leurs Etats, fous peine de dégradation de Noblesse, de confifcation de biens, & de baniffement. Qui eft le vrai moyen de les obliger à la défense commune de la Patrie, où font tous leurs biens, & toutes leurs efpérances au lieu que s'ils avoient un établiffement affùré ailleurs, ils trahiroient fouvent la Caufe publique, pour complaire aux Princes, chez qui ils auroient à perdre. Ce qui renverseroit bientôt tout le Gouvernement. Et c'cft par où la Republique de Gennes s'eft afiujettie au Roi d'Espagne, qui fçait bien fe prévaloir, dans les rencontres de la folle ambition, que ces Nobles ont euë,

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d'aquerir des Fiefs & des Principautez dans le Royaume de Naples, ne leur permettant pas de les vendre qu'à d'autres Genois, afin de conferver toûjours fon autorité fur eux, & de fe les attacher par une perpetuelle fervitude. X. Les Nobles ne fçauroient non - plus aquérir ni Fiefs, ni Seigneuries, dans l'Etat de Terre - Ferme. Pour empêcher, que les uns ne relévent & ne dépendent des autres, ce qui ruineroit l'égalité entre eux. Outre qu'il en arriveroit encore du defordre, par la jaloufie que les anciens Nobles, qui feroient pauvres, auroient contre les nouveaux, qui étant riches, pour la plupart, acheteroient toutes les Terres. Autrefois il ne leur étoit pas même permis d'avoir des Maisons de plaifance; ce que l'on relâcha depuis, vû qu'il n'étoit raifonnable que ceux qui étoient chargés des foucis du Gouvernement, fuffent privés des recréations convenables à leur fortune, comme le difoit de fon tems un grand Senateur Romain. (n) Enfin, il en eft bien autrement de Venife, que de Gennes où les particuliers font riches, & la Communauté eft pauvre : au lieu qu'à Venife, ils font pauvres en comparaison du Public, qui a la proprieté de tous les fonds, comme dans la Républi que Romaine. ( o )

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(n) Nifi fortè clariffimo cuique plures cura, majora pericula fubeunda delinimentis curarum & periculorum carendum effe. Tac. Ann. 2.

(o) Privatus illis cenfus erat brevis, Commune magnum. Horat.

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XI. Les Nobles ne peuvent fe marier avec des Etrangères, ni marier leurs filles à des Gentils - hommes fujets d'un autre Prince. Pour conferver chez eux toutes les richeffes, qui fe transporteroient infenfiblement ailleurs, par les mariages, qui fe feroient tous les jours hors de l'Etat. Pour arrêter le cours de l'ambition des anciennes Familles, qui pouvant prendre des alliances avec les Princes, ou Seigneurs Etrangers, mépriseroient celles du Païs ; & enfin, pour ôter à ces Maisons l'espérance d'un afile affùré chez les Princes, avec qui ils s'allieroient. Ce qui les rendroit auffi plus hardis à entreprendre contre leur Patrie, où ils auroient bien de la peine à fe contenter de l'égalité. Il feroit d'ailleurs impoffible de garder le fecret dans un Sénat où il y auroit des Nobles attachez aux intérêts des Princes Etrangers; qui feroit une fource de factions & de divifions intestines. Il ne laiffe pas d'y avoir des exemples de Gentildonnes Vénitiennes mariées avec des Princes Etrangers. Catherine Cornare le fut avec Jaques Roi de Chipre, en l'an 1471. ou 72.Et Blanche Capel avec François GrandDuc de Toscane, pere de Marie de Médicis, Reine de France, en 1579. Mais il faut obfever que le Sénat, pour fauver la Loi & l'égalité, adopta ces deux Demoifelles pour fes filles, afin de montrer que ce n'étoient point leurs peres, qui les marioient, mais la République : & qu'ainfi, c'étoit une alliance publique contractée de Prince à Prince, &

non point l'alliance d'une Famille particuliére avec un Souverain. Ce que le Sénat a coutume de faire en ces rencontres, pour s'ouvrir le chemin à la fucceffion des Etats de fes Gendres adoptifs, ainfi qu'il en est arrivé au Royaume de Chipre.

Les Nobles peuvent marier leurs filles à des Gentilshommes de Terre-ferme, qui deviennent par là plus affectionnez à la Nobleffe-Venitienne, dont ils font bien aifes d'acheter la protection. La Loi permet auffi aux Nobles de fe marier à des Citadines, pour fortifier le parti de la Nobleffe contre le menu-peuple, en cas qu'il lui prit envie de fe foulever contre les Nobles, qui bien loin de communiquer par-là leur puiffance, l'affermiffent au contraire, par l'attachement des Citadins, qui font un Corps capable, avec celui de la Nobleffe, de réfifter à la multitude de la populace. C'eft auffi un moïen que les Nobles, qui font pauvres, ont de fe marier avantageufement, n'y aïant point de riche Citadin qui ne foit très-aise de s'allier avec un Noble-Venitien, vû qu'il en revient de l'honneur & de la protection à toute fa Famille. En quoi la Seigneurie trouve encore propre interêt ces fortes de mariages

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mettant les Nobles en état de fervir le Public dans les Ambaffades, & dans les autres emplois, où il faut dépenfer. Ce qui n'empêche pas pourtant que les Nobles qui époufent ces Bourgeoifes, ne foient quelquefois méprisez par les autres, qui appellent leurs

enfans, Amphibies. Cependant, cela se voit tous les jours à Venife, ainfi que les Nobles de la nouvelle impreffion, époufer des Gentil-donnes de la plus ancienne Nobleffe, ceuxci achetant leurs femmes, & celles-là leurs maris. De mon tems, le Zanobrio, nouveau Noble, voulut acheter le fils du Procurateur Bragadin pour fa fille, mais la femme du Bragadin Dame de courage égal à fa naissance Elle étoit Cornare di cà Grande) n'y voulut jamais entendre, quoique ce fut un parti de 300000. ducats, & que fa Maifon fût incommodée.

Quand un Noble époufe une Citadine, il faut qu'il faffe aprouver fon Contract au Grand-Confeil, fans quoi les enfans ne feroient pas reconnus pour Nobles Venitiens.

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Le Corps des Citadins comprend les Secretaires de la Republique, les Notaires, les Medecins les Marchands de Soïe & de Drap, & les Verriers de Muran. Et fi quelque Noble prend une femme hors de cette categorie, fes enfans, ne font pas Nobles, mais feulement Citadins. Ainfi, le Procurateur Jean-Baptifte Cornaro Pifcopia fut obligé d'acheter, durant la Guerre de Candie, la Nobleffe fes deux enfans, dont la mere pour étoit fille de Gondolier. Les Citadins difent que les Nobles font des Princes, & qu'eux font des Gentilshommes. Du moins, ont-ils beaucoup de l'infolence des Nobles, comme ils en ont l'habit.

XII. Il n'y a point de droit d'aîneffe

par

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