Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

le

La Dignité de Procurateur eft à vie; mais la République ne laiffe pas d'en dépouiller quelquefois ceux, qui en font revêtus.. Le fiécle paffé en fournit des exemples; l'un d'Antoine Grimani, qui fut dégradé par Grand-Confeil, en 1500. puis ayant été rétabli en 1510. devint Doge en 1521. & l'autre de Jaques Sorance, qui fut privé de cet honneur, (q) par le Confeil-de-Dix. Et dans ces derniéres années peu s'en falut que le Seigneur François Morofin ne fût traité de même, quoique le Grand-Confeil lui eût donné la vefte avec des témoignages exceffifs de la fatisfaction que l'on avoit de fes fervices, créant en fa faveur un dixiéme lieu de Procurateur par mérite, ce qui étoit fans exemple.

J'en trouve un d'un Marin Vénier, qui renonça à la Dignité de Procurateur en l'année 1501. à-cause de fes maladies, mais on lui conferva le rang & les autres prérogatives de cette dignité, excepté les émolumens.

Les Procurateurs font habillez de noir ou de violet, à manches-ducales, avec l'étole noire, mais quand ils font Sages-Grands ils la portent violette. Dans les grandes cérémonies, par exemple, le jour de leur entrée, le jour de la Fête-Saint-Marc, & quelques autres, ils mettent une robe de velours-cramoifi, avec l'Etole-d'or, s'ils font Chevaliers.

Après les Procurateurs font les Décemvirs, qu'ils appellent communément il Configlir

de Dieci.

(9) 1584.

CE

DU CONSEIL

de-Dix.

E redoutable Confeil ne fut du commencement qu'une Chambre -'de - Justice, établie feulement pour la recherche des Complices de la fameufe confpiration de Bajamont Tiepolo. Mais quelques années après on le fit ordinaire & perpétuel, pour éviter le mécontentement de la populace, qui murmuroit toutes les fois que l'on renouvelloit cette Chambre.

Dans le premier fiécle de son établissement, fon autorité ne s'étendoit pas fort loin, car la Quarantie-Criminelle, qui eft beaucoup plus ancienne, jugeoit de tous les crimes & de plufieurs autres fortes d'affaires. Mais les Dix fe rendirent peu-à-peu fi puiffans par leur adreffe, qu'ils s'attribuérent la connoiffance de tous les crimes d'Etat, des féditions, des malverfations des Magiftrats, de la fauffe monoie, des affaffinats commis en la perfonne des Nobles, de la fodomie, des facriléges, & quelquefois même de l'Hérésie. Ils étendirent encore leur pouvoir jufqu'à révoquer & caffer les Decrets du Grand-Confeil; (ce qui fut reformé en l'année 1628.) à traiter des ligues offenfives & défensives avec les Princes,à l'infu du Sénat: ce qu'ils faifoient

en de certaines conjonctures fâcheuses, où il falloit plûtôt exécuter que délibérer. (r)En quoi ils reffembloient au Dictateur de Rome, qui dans les calamitez - publiques avoit toute la puiffance de l'Etat entre fes mains, & tenoit celle du Sénat en interdit. Car il y a même des exemples de plufieurs négociations faites par le Confeil de Dix, malgré tout le Prégadi. (f) Témoin le Traité de Paix conclu avec Paul Antoine Sodérin, & Jean Baptiste Rodolphi, Ambaffadeur de Florence, qui n'avoient pû rien avancer dans le Sénat de Venife; & cet accommodement fut un coup d'Etat pour la Seigneurie, à qui Bajazet II. déclara la guerre fort peu de tems après. Ce que fi les Florentins euffent prévû, ou fi l'accord eût été retardé de quelques femaines, il eft très-certain, qu'ils n'euffent plus voulu la paix, ou du moins, ils euffent fait leurs conditions meilleures avec les Vénitiens, qui auroient été contraints d'acheter leur amitié pour n'embraffer pas deux guerres à la fois.

L'an 1540. le Confeil de Dix envoia au Bâle Louis Badoer un ordre fecret, de faire la paix avec Soliman, & de lui abandonner toutes les villes du Péloponefe. Ce qui s'exécuta, fans que l'on en eût rien communiqué au Sénat. (t) Et quoique ce Traité fût trèsdefagréable à la République, il ne laiffa pas neanmoins d'avoir fon effet. Tant ce Confeil étoit puiffant alors.

(r) Ubi facto magis quam confulto opus effet. Tac,
(Giannotti Rep. Ven. Guichardin Hift. l. 4.
(t) André Morofin liv. 1. de fon Histoire.

7

E

« AnteriorContinuar »