ufer de même dans toutes les autres vacan ces. Mais ce Pape ayant été mis en liberté l'année fuivante, refifta fortement à cette nouveauté, & envoya l'Evêque de Siponte à Venife, pour y demander la révocation du Decret fait au fujet de la nomination 'des Evêchés. Le differend fe renouvella en 1530. par le refus que le Sénat fit de mettre en poffeffion de l'Archevêché de Corfou Jaques Coque, nommé par le Pape, qui de fon côté ne voulut jamais confirmer l'élection de Jérôme Barbarigue faite par le Sénat. Mais enfin les Venitiens furent obligez de fe défifter de leur prétention. Joint qu'il y avoit alors des Sénateurs qui ne trouvoient pas qu'il fût utile à la République de fe mêler de la nomination des Evêchés, d'autant que les Nobles venant à fe repaître de l'efperance de pofféder ces dignités, & de grands revenus, ils fe mettroient moins en peine des affaires & des interêts de leur patrie, fur tout, quand la jouiffance des biens d'Eglife les auroit mis en état de fe pouvoir paffer d'Elle: au lieu que s'ils n'avoient point cette reffource, ils feroient contraints de la fervir toûjours, pour parvenir aux Charges publiques, où confifteroit tout leur avancement.

Cependant, le Sénat ne fouffre pas que le Pape nomme d'autres gens aux Evêchés & aux Abaïes de Terre-Ferme, que des Nobles, ou du moins des Sujets Venitiens. L'an 1608. Paul V. ayant nommé le Cardinal Borguese fon Neveu à la riche Abaie de Nôtre - Dame

de Vangadife dans le Poléfin, jamais la Seigneurie n'y voulut confentir. De forte que le Cardinal fut obligé de fe contenter d'une penfion annuelle de cinq mille écus. Comme la République a de tems en tems de ces differends avec le Pape, elle voudroit bien trouver quelque occafion de recouvrer la nomination de fes Bénéfices.

Sous le Pontificat d'Urbain VIII. Il y eut une conteftation entre la Cour de Rome & le Sénat, fur la propofition des Evêchés de l'Etat de Venife au Confiftoire, le Sénat voulant que cette fonction fe fit feulement par les Cardinaux Venitiens. Mais ils convinrent à

la fin , que la propofition de ces Evêchez fe feroit par un Cardinal Venitien, toûjours affifté du Cardinal Patron.

L'an 1653.Innocent X.renouvella ce differend, en faifant propofer ces Eglifes par d'autres Cardinaux. Le nonce Elci fit plier le Sénat par de belles promeffes de fecours contre les Turcs. Mais le Pape, bien loin de reconnoitre la complaifance du Sénat, affigna la propofition de deux autres Eglifes à deux Cardinaux Etrangers. Le Sénat indigné d'avoir été trompé par le Pape,fe retracta, ce qui échauffa la querelle. Enfin la Seigneurie ayant remis toute la propofition des Evêchés à la difcrétion du Pape Innocent, pour n'être pas moins géné reux qu'elle, de huit Eglifes vacantes propofa lui-même celle de Vérone, par honneur,& delégua les fept autres au Cardinal Otobon. (h)

(b) Nani Hift. Ven. L 6. Tom. 2

Le Sénat ne nomme jamais aucun Noble particulier pour le Cardinalat, afin de ne point faire de jalousie aux autres; mais fon Ambaffadeur à Rome propofe au Pape les Sujets qui demandent, & qui meritent cet honneur, employant fecrétement fes bons offices auprès de Sa Sainteté pour ceux qu'il lui plaît. Le Noble - Venitien, qui tient l'Auditorat de Rote de fa République, y a toûjours bonne part, lorfque c'est un Prélat qui entend les affaires. Quand cet Auditorat vaque, le Sénat nomme quatre Sujets au Pape, qui choisit celui qu'il lui plaît. Le Cardinal Otobon l'exerçoit avant fa promotion.

Urbain VI. a été le premier Pape qui a honoré les Nobles - Venitiens du Cardinalat > ce qu'il fit à caufe que la République tenoit prefque feule fon parti contre Clement VII. Pape d'Avignon. ( i ) Ces premiers Cardinaux furent Louis Donat, Général des Cordeliers, & Jean Amédée, Archevêque de Corfou ; le premier du titre de Saint - Marc, & le fecond du titre de Sainte- Sabine; tous deux exécutez à mort en 1386. avec trois autres Cardinaux, pour une prétendue confpiration contre Urbain. Dépuis ce tems-là l'on a toûjours vu des Sujets Venitiens dans le Sacré-Collége, trois defquels ont été Papes, Ange Corrare fous le nom de Grégoire XII. qui pourtant ne fut que le Dépofitaire du Pontificat; Gabriel Condolmier fon Neveu appéllé Eugéne IV. & Pierre Barbo, Neveu d'Eugéne, qui (i) L'an 1678.

prit le nom de Paul II. aufquels on pourroit ajoûter Alexandre V. fucceffeur de Grégoire, qui comme Candiot étoit né Sujet de la Seigneurie de Venife.

Paul V. avoit coutume de dire, que les Papes ne devroient point mettre de Nobles - Venitiens dans le Sacré Collège, puisque leur République avoit exclus les Eccléfiaftiques de tous fes Confeils & de toutes fes Charges. Le Pape, dit Fra Paolo, a cru nous faire grand dépit, en ne donnant point de Chapeau à la République, mais les habiles - gens trouvent que c'eft tant mieux pour Elle. (k)

Il eft tems maintenant de voir les Magistrats Provinciaux.

E nom de Podesta répond à celui de Préteur chez les Romains, ainfi qu'il fe voit par les Infcriptions latines des bâtimens publics, où le Podefta eft appellé Prator. En effet, les Podeftats Venitiens adminiftrent la Justice dans les lieux de leurs départemens, comme les Préteurs faifoient autrefois à Rome, & dans les Provinces.

Lorfque ces Magiftrats tiennent leur féance pour juger, ils font affiftez de quelques Jurifconfultes, qu'ils choififfent à leur volonté

(x) Let. du 30. Août 1611.

pour

fe fervir de leur avis; ce que ces genslà tiennent à très-grand honneur. L'on appelle des Sentences des Podeftats aux Auditeurs Nouveaux, ou à la Quarantie - Civile Nouvelle, dont nous avons déja parlé.

La Province de Venife, qu'ils appellent il Dogado di Venetia, comprend plufieurs Podeftaries ou Regences. La principale eft Chiozza, qui eft une ville Epifcopale, bâtie fur pilotis comme Venise, & où se fait le fel. Les autres font Malamocco, qui eft le Port de Venife; Murano, petite ville fameuse par fes Gla& fa Verrerie; Torcelle, Grade, &

ces >

Cacrle, &c.

L'Etat de Terre Ferme comprend fept principaux Gouvernemens, qui font, Trevife, Padouë, Vicence, Verone, Breffe, Bergame, & Créme, d'où dépendent quantité de petites villes, de Châtellenies & de Forteresses, où l'on envoye autant de Gentilhommes. Tous ces Gouvernemens ne durent que feize mois, afin que ceux qui en font pourvûs, n'ayent pas le tems de pouvoir s'en rendre les maîtres. Car la Seigneurie de Venise ne fçauroit goûter la maxime de Tibére qui changeoit rarement les Gouverneurs, croyant qu'ils devenoient plus honnêtes gens à mesure qu'ils s'enrichiffoient. (1) En effet, la menace que Lentulus Getulicus fit à cet Empereur, de faire foûlever toute fa Province, s'il lui envoyoit un fucceffeur, est une bonne preuve qu'il eft très - dangereux de continuer trop long-tems

(1) Divites fatians in melius mutat. Tac. Ann. 3.