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Premierement, par le Droit des Gens, qui attribuë la proprieté des biens délaiffez, ou qui ne font à perfonne, (g) à ceux qui s'en emparent les premiers.

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Secondement, par le Droit de la Guerre, qu'elle foûtint l'espace de 170. ans contre les Narantins, (b) qui lui en difputoient la poffeffion, & la lui cederent enfin l'an neuf cens quatre-vingt feize; contre les Normans, avec qui elle combatit plufieurs fois dans la Poüille; & contre les Genois & les Pifans qui ont été plus de 300. ans fes competiteurs. A quoi l'on peut ajoûter, que les Empereurs Grecs, bien loin de fe plaindre de l'entreprise des Venitiens, en furent au contraire très-contens, vû que n'ayant point de plus fâcheux ennemis, que les Narantins, qui couroient cette Mer, & fe la rendoient tributaire, ils s'en virent heureusement délivrés les Venitiens leurs anciens amis. Ce par qui fervit à ces Empereurs à retenir dans l'obéiffance l'Iftrie, la Dalmatie, l'Albanie, la Poüille, l'Abruzze, & une partie de la Romagne, qui étant expofées à ces pirateries, comme fervant de confins & de bornes à la Mer-Adriatique, qu'elles renferment, fe mutinoient & fe plaignoient ou de la négligence des Empereurs, proteftant qu'elles fe donneroient à d'autres Maîtres, qui les defendroient. Ce que ces Peuples euffent executé, fi les Venitiens n'euffent pas pris alors la garde

) Bona nullius primo occupanti conceduntur.
C'étoient des Esclavons.

D'où

de ce Golfe, d'où ils chafferent enfin ces Corsaires, qui menaçoient déja l'Italie, la Hongrie, & plufieurs autres Provinces d'Alemagne d'une ruine univerfelle. il s'enfuit, que le droit de la Republique n'eft pas feulement un Jus confuetudinis, comme le dit Don Alfonfe de la Queva dans sa Relation.

Ce droit eft dépuis plufieurs Siécles reconnu par les Princes de l'Europe, dont les Ambaffadeurs fe trouvent tous les ans avec la Seigneurie à la cérémonie du jour de l'Afcenfion, que le Doge épouse la Mer, en y jettant une bague-d'or, & difant ces paroles. Defponfamus te, Mare, in fignum veri & perpetui dominii. A quoi aucun Ambassadeur n'a jamais contredit.

Quelques Hiftoriens ont écrit, que c'étoit le Pape Alexandre III. qui avoit donné la joüiffance de cette Mer aux Venitiens, en recompenfe des fervices qu'ils lui avoient rendus, durant la perfecution de l'Empereur Fédéric Barberouffe ; & en mémoire de la victoire obtenue en Mer contre Oton fon fils. Mais c'est une erreur populaire, qui confond l'inftitution de la cérémonie d'époufer la Mer, faite par le Pape, (i) avec la donation même de la Mer; le Vulgaire ayant pris une déclaration folemnelle du droit des Venitiens & une reconnoiffance formelle de leur Titre Inre jam de facto poffeffa, pour un Acte de

(i) Nemo plus juris in alium transferre poteft, quàm ipfe habeat. Ex Cod.

conceffion, par lequel le Pape les auroit mis en poffeffion du Golfe : Ce qui ne peut pas être,puifque les Papes n'ayant jamais rien eu, ni prétendu fur la Mer (k) Adriatique,ils ne pouvoient pas donner ce qui ne leur appartenoit pas, ni transporter à autrui un droit qu'ils n'avoient pas eux-mêmes. Cette verité fe confirme par les propres paroles du Pape au Duc Sebastien Ziani, Hunc annulum accipe, & me autore, ipfum Mare obnoxium tibi reddito, quod Tu tuique fucceffores quotannis ftatuto die fervabitis. Voila l'inftitution de la cérémonie; comme j'ai déja dit, Ut omnis pofteritas intelligat Maris poffeffionem victoria jure veftram fuiffe. Ce n'eft donc pas en vertu d'aucune donation du Pape, qui reconnoit lui même un droit antérieur, fçavoir celui de la Guerre; ( Victoria jure ) ajoûtant, Atque uti uxorem viro, ita illud imperio Reip. Veneta fubjectum. Et par confequent c'est un droit que les Papes ne fçauroient ôter à la République non plus qu'une femme à fon mari, puifque cette Seigneurie ne le tient pas d'eux, mais de la force de fes armes; comme le dit encore plus pofitivement un autre Auteur, qui rapporte les paroles d'Alexandre en ces termes, (1) Ut omnes intelligant Maris poffeffionem jure belli veftro deberi Imperio. C'est auffi ce que l'Ambaffadeur Jerome Donat fit bien comprendre au Pape Jules II. qui lui demandoit en raillant, où étoient

(k) Morifot. 1. 2. c. 25. & Petr. Juftinian. Hift. Ven. ( 7 ) Cyril. Michael,

les

les Titres & les Pieces juftificatives du droit de fes Superieurs fur le Golfe, cet habile Miniftre ayant répondu fort agréablement,que s'il plaifoit à Sa Sainteté de produire l'Original de la donation de Constantin au Pape Silvestre, Elle trouveroit au dos la conceffion de la Mer Adriatique aux Venitiens.Car il paroît manifeftement par cette reponfe que la Seigneurie de Venise ne se fonde nullement fur la donation

prétendue faite par Alexandre. III. & que fes Titres ne font pas écrits avec de l'ancre, mais avec le fang des Narantins,des Normans,& des Genois, qu'elle a chaffez de ce Golfe; comme auffi avec celui de fes Citoïens,qui l'ont fi nereufement répandu en défendant la Cause commune de toute l'Italie contre ces Barbares.

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Les Venitiens ajoûtent, Qu'ils poffedent la Mer-Adriatique par les mêmes raifons qu'ils poffedent Venife; & qu'ainfi la poffeffion de cette ville ne leur ayant jamais été difputée par les Empereurs, parce qu'ils l'avoient bâtie dans un lieu abandonné: De même la jouiffance du Golfe ne peut leur être contef tée, vû que c'eft un bien que les Empereurs d'Orient, les propres Seigneurs, avoient delaiffé: Qu'enfin ils ont de bonnes Galeres, de bons foldats, & de bons canons pour prouver plus efficacement, que par des raifons & des Titres en parchemin, qu'ils font les veritables & legitimes Seigneurs de la Mer-Adriatique ; comme ils le fçurent bien dire à l'Ambaffadeur d'Espagne, qui donnant avis à la Seigneurie du paffage prochain de l'Infante Marie,

Tome I.

P

le

Sœur du Roi fon Maître, Mariée à Ferdinand Roi de Hongrie,avec l'Armée Navale d'Espagne, qui devoit la conduire depuis Naples jufques à Triefte, eut pour toute réponse, Que la République aïant la fouveraineté du Golfe, elle n'y laifleroit jamais entrer d'autres Vaiffeaux de guerre que les fiens. Que fi le Roi Catholique vouloit agréer les offres que Sénat lui faifoit de fes Galeres, la Séréniffime Infante feroit feçue & traitée avec tous les hon curs dûs à fon fang & à la grandeur de la Maifon d'Autriche:Mais que fi elle refufoit ce parti, pour prendre celui de la force & de la violence, ils défendroient vigoureufement le Droit-des-gens. Le Senat fit encore dire au Viceroi de Naples par fon Réfident Marc-An toine Padavin, (m) Que fi l'Efpagne préferoit la voie des armes à l'honnêteté de leurs offres, il faudroit que la Reine effuiât le peril des combats, & s'expofât à la bouche du Canon, pour aller celebrer ses nôces.

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(n) Le Duc d'Offone avoit quelques an nées auparavant fait l'épreuve de cette réfiftance par la perte de plufieurs Navires envoiés en Levant fous fa Banniére, pour furprendre les marchandifes de Venife; A quoi il étoit aidé par les Ragufiens, qui donnoient retraire à fes Vaiffeaux dans leurs Ports de Calamote & de Sainte Croix.

Les Papes envoient tous les neuf ans de nouvelles Bulles au Senat, ( o ) par lesquelles (m) Nani Hift. Ven. liv. 8.

(2) Nani liv. 3. & 4.

(0) Nani liv. 11,

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