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que le peuple eût fait une loi felon les formes ordinaires, car dans tous les fiecles de la république on ne fit jamais aucune loi fans le confentement général du peuple.

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Dans le feu des disputes qui s'éleverent à Rome peu après l'expulfion des rois, les plébéïens demanderent des loix immuables. Le fénat y confentit après beaucoup de réfiftance & pour composer ces loix on nomma des décemvirs. On crut qu'on devoit leur accorder un grand pouvoir, parce qu'ils devoient remplir les fonctions auguftes de législateurs. On fufpendit la nomination de tous les magiftrats, & dans les comices ils furent élus feuls adminiftrateurs de la république. Dix hommes eurent seuls la puissance législative & la puissance exécutrice: ainfi Rome fe foumit à une tyrannie plus cruelle que celle de fes rois qu'elle avoit

chaffés.

La mort de Virginie, immolée par fon pere à la pudeur & à la liberté, fit évanouir la puiffance des décemvirs. Chacun fe trouva libre (dit un auteur célébre) parce que chacun fut offenfé; tout le monde devint citoyen parce que tout le monde fe trouva pere. Avec la liberté on vit renaître

les jaloufies, & tant qu'il refta aux patriciens quelques privileges, les plébéïens travaillerent à les en dépouiller, & à s'attribuer tout ce qu'ils purent de la puiffance légiflative. Ils furent moins jaloux de la 'puiffance exécutrice, & la laifferent prefqu'entiere au fénat & aux confuls, ne se réservant guère que le droit d'élire les magiftrats.

Les confuls faifoient la levée des troupes

qu'ils devoient mener à la guerre, guerre, ils commandoient les armées de terre ou de mer, ils difpofoient des alliés : ils avoient dans les provinces toute la puiffance de la république, ils donnoient la paix aux peuples vaincus, leur impofoient des conditions, ou les renvoyoient au fénat.

Avant la création des préteurs les confuls rendoient les jugemens civils. Ils ont encore exercé cette jurisdiction depuis, mais dans des cas très-rares & qu'on appella par cette raifon extraordinaires.....

Souvent les juges étoient choifis : quelquefois on les tiroit au fort; ces juges ne décidoient que des queftions de fait. Par exemple, fi une fomme avoit été payée ou non, fi une action avoit été commife ou

non;

non; mais pour les queftions de droit, comme elles demandoient une certaine capacité, elles étoient portées au tribunal des centumvirs, qui rendoient le jugement fous la direction d'un préteur.

Les rois s'étoient toujours réfervé le jugement des affaires criminelles; après leur expulfion les confuls leur fuccéderent dans cette fonction. Ce fut en vertu de cette autorité que le conful Brutus fit mourir fes enfans & tous ceux qui avoient confpiré en faveur des Tarquins. Ce pouvoir étoit exorbitant, puifque les confuls avoient déjà la puiffance militaire. Ils en faifoient l'exercice jufques dans les affaires de la ville & leurs décifions dépouillées des formes de la justice, étoient plutôt des actions violentes que des jugemens.

Ces abus firent promulguer la loi Valérienne, qui permit d'appeller au peuple de toutes les ordonnances des confuls qui mettroient en péril la vie d'un citoyen. Ainfi les confuls ne purent plus prononcer une peine capitale contre un citoyen Romain que par la volonté du peuple.

Les loix qu'on appella facrées donnerent aux plébéïens des tribuns qui formerent un Tome VI.

B

corps qui eut d'abord des prétentions im menfes. On ne fçait pas fi les plébéïens eurent plus de hardieffe à demander, que le fénat de condefcendance & de facilité à accorder. La loi Valérienne avoit permis les appels au peuple, c'eft-à-dire au peuple compofé de fénateurs, de patriciens & de plébéïens. Les plébéïens prétendirent que Les appellations devoient être portées devant eux. Bientôt on mit en question fi les plébéïens pourroient juger un patricien : l'affaire de Coriolan fit naître cette dispute, & elle finit avec cette affaire.

La loi des douze tables ordonna qu'on ne pourroit décider de la vie d'un citoyen que dans les grands états du peuple, ou dans les comices par centuries; auffi Manlius Capitolinus fut-il jugé dans ces comices. Ainfi le corps des plébéïens, ou, ce qui revient au même, les comices par tribus, ne jugerent plus que les crimes qui n'étoient punis que par une amende pécuniaire. Il falloit une loi pour infliger une peine capitale; pour condamner à une peine pécuniaire il ne falloit qu'un plebiscite.

Par la loi Valérienne les confuls fe trouverent fans pouvoir pour la punition des

crimes publics; le peuple les jugea lui-même. A l'égard des délits privés, il nomma pour chaque crime un quefteur pour en faire la poursuite: c'étoit souvent un magiftrat, & quelquefois un homme privé que le peuple choififfoit. Ce quefteur nommoit ce qu'on appelloit le magiftrat de la question qui tiroit au fort les juges, formoit le tribunal, & préfidoit fous lui au jugement.

On divifa peu à peu toutes les matieres criminelles en différentes parties qu'on ap pella des questions perpétuelles ; on créa divers préteurs, & on attribua à chacun d'eux quelques-unes de ces questions. On leur donna pour un an la puiffance de juger les crimes qui en dépendoient, & enfuite ils alloient gouverner leurs provinces.

Les juges furent d'abord pris dans l'ordre des fénateurs : le tribun Tiberius Gracchus fit ordonner qu'on les prendroit à l'avenir dans celui des chevaliers. Il réfulta de cet arrangement des maux infinis ; parce que les chevaliers étant les traitans de la république, c'étoient des hommes avides qui facrifioient tout à leur cupidité.

Les édiles exerçoient une partie de la

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