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mère. Peut-être ne dut-elle cet avantage qu'à la Poéfie, dont l'art ne confifte pas moins dans le choix des mots & la pureté du langage, que dans l'élévation des pensées.

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Quoi qu'il en foit, la Langue vulgaire s'enrichit des beautés de la Langue poétique. Elle acquit infenfiblement plus de force & de grâce, plus de justesse & de folidité plus 'd'abondance & de nobleffe, plus de correction & de pureté; enforte qu'on fe trouva pourvu d'une affez grande abondance de mots nobles & de belles expreffions, pour traiter, en profe, toutes fortes de fujets. Dèsfors la Philofophie, l'Eloquence, l'Hiftoire, les Arts & les Sciences devinrent fon partage.

Sans autre guide que fon génie, Hérodote créa l'Hiftoire (1), & l'écrivit

(1) Hérodote eft appellé le Père de l'Hiftoire, parce qu'il eft le premier qui l'ait écrite avec art: Qui Princeps genus hoc ornavit, dit Cicéron, de Oratore, Lib. 2, 13. Cependant il a été précédé par des Hiftoriens célèbres, dont il n'existe plus que la mémoire. Les prin

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d'un ftyle qui charme & entraîne le Lecteur. Quel triomphe pour lui, que ces applaudiffemens univerfels dont fut fuivie la lecture qu'il fit de fes HiftoiTes (1), en présence de toute la Grèce assemblée aux Jeux Olympiques! On crut entendre les Mufes elles-mêmes s'expri

cipaux font Aristée, de Proconnèse; Hécatée, de Milet ; Hellanicus, de Lesbos ; Phérécyde, de Léros; & Charon, de Lampfaque. Quelques-uns de ces Hiftoriens, fuivant. l'ufage de toute l'Antiquité, avoient écrit en vers. On ne peut affez regretter la perte de la Phoronide d'Hellanicus, dont les Grammairiens & les Critiques nous ont confervé quelques fragmens. Ses vers ont la facilité, l'élégance & le nombre de ceux d'Homère. Cet Ouvrage comprenoit les origines du Péloponnèfe, & étoit intitulé du nom de Phoronée, le premier habitant, & par conféquent le premier Roi d'Argos. Hécatée, de Milet paffe pour être le premier qui ait écrit l'Histoire en profe. Hérodote, fuivant le témoignage des Anciens, a beaucoup profité de fes ouvrages. On comprend à quel point ils ont dû lui être utiles, quand on fait qu'Hécatée avoit écrit une hiftoire générale de l'Afie & de l'Europe, fous. le titre de Defcription géographique de ces deux parties. de la terre..

(1) Hérodote a écrit l'histoire de la guerre des Perfes contre les Grecs, depuis le régne de Cyrus jufqu'à celni de Xerxès, & l'hiftoire générale de prefque tous les Peur ples chez lefquels il avoit voyagé..

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mer par fa bouche; & le plaifir qu'il caufa fut fi général & fi vif, qu'on donna à chacun des neuf livres qui compofoient cette histoire, le nom des Neuf Muses.

On n'accufera pas fans doute Hérodote d'avoir mendié les glorieux fuffrages qu'il obtint dans cette brillante journée. La Grèce n'avoit point de cercles établis, de protecteurs déclarés, de prôneurs en titre, de caillettes-philofophes & beaux-efprits, décidant fouverainement de la bonté & de la deftinée d'un ouvrage, du mérite & de la réputation d'un Auteur. Ce fut donc à lui feul, à l'excellence de fon ouvrage, qu'Hérodote dut fon triomphe; mais il eft important de remarquer ici qu'Homère avoit grande part à ce triomphe. Hérodote l'avoit pris pour modèle ; & il étoit difficile qu'un peuple le plus fpirituel, le plus délicat, le plus fenfible aux vraies beautés, le feul digne d'apprécier & de couronner le génie, ne s'apperçut pas des moyens que l'Hifto

rien avoit employés pour le charmer.

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En effet, à la fimplicité de l'expofition, à la précision & à la clarté des faits, à la rapidité de la narration, au choix & à la beauté des images, Hérodote joint une douceur, une harmonie de ftyle, une élégance, une nobleffe & une pureté d'expreffion qu'il avoit puifées dans Homère. Il est à cet égard le plus parfait des Hiftoriens, & doit être leur modèle. On lui reproche d'avoir mêlé beaucoup de fables aux vérités hiftoriques. Mais ces fables les a-t-il inventées à plaifir, ou les a-t-il trouvées. établies? Avoit-il befoin de recourir au merveilleux quand il poffédoit d'ailleurs au plus haut degré l'art d'intéreffer & de plaire? On doit donc préfumer que ces fables étoient des traditions accréditées & reçues chez les différentes Nations dont il donne l'hiftoire, & qu'il les y avoit inférées, non en Historien impofteur qui veut fe jouer de la crédulité de fes Lecteurs; mais

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en narrateur fidèle des opinions univerfellement adoptées. Il n'a pas cru devoir les paffer fons filence, parce qu'elles lui étoient abfolument néceffaires, pour mieux peindre le caractère & l'efprit des Peuples dont il avoit obfervé les mœurs. Tel étoit le but de fes voyages. L'Art de la critique, pour affurer la fidélité des faits, n'étoit pas encore né, & Hérodote, accoutumé aux Traditions fabuleufes de la Grèce même, ne devoit pas être révolté de celles des Étrangers. Loin donc de nous plaindre de ces fables, plaignons - nous au contraire de n'en avoir pas davantage; nous en connoîtrions mieux les premières fociétés, & la route de l'esprit humain dans fes progrès.

Eh! quel eft après tout le danger de ces fables, fi l'Hiftorien les raconte avec cette candeur & cette naïveté qui char ment le Lecteur, fans donner atteinte à fes mœurs, à fon goût & à fon jugement? Qu'Hérodote dife que Xerxès a

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