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fujet) l'attention de fes Auditeurs : en un mot, perfonne n'avoit connu jusqu'à lui, le talent propre à l'Orateur, le grand art de captiver les efprits, & d'exciter à fon gré la colère, l'indignation, les larmes & la pitié des Juges (1)

C'est par ce fonds immenfe de richeffes que Cicéron s'eft affuré l'empire de

(1) Nihil de me dicam, dicam de cæteris, quorum nemo erat, qui videretur exquifitiùs, quàm vulgus hominum, ftuduisse literis, quibus fons perfectæ cloquentiæ continetur: nemo, qui philofophiam complexus effet, matrem omnium bene factorum, benèque di&orum: nemo, qui jus civile didiciffet, rem ad privatas caufas, & ad oratoris prudentiam maximè neceffariam: nemo, qui memoriam rerum Romanarum teneret, ex quâ, fi quando opus effet, ab inferis locupletiffimos testes excitaret: nemo, qui breviter, argutèque, inclufo adverfario, laxaret judicum animos, atque à severitate paulifper ad hilaritatem, rifumque traduceret: nemo, qui dilatare poffet, atque à propria ac definíta difputatione hominis, ac temporis, ad communem quæftionem univerfi generis orationem traduceret: nemo, qui delectandi gratiâ digredi parumper à caufa : nemo, qui ad íracundiam magnopere judicem : nemo, qui ad fletum poffet adducere: nemo, qui animum ejus (quod unum est Oratoris maximè proprium) quocunque res poftularet, impel

l'Eloquence Latine. Son génie, avide de favoir, avoit embraffé, dès fa jeuneffe, l'étude de toutes les Sciences qui pouvoient contribuer à perfectionner fon talent; & l'on remarque aisément dans fes harangues & dans fes plaidoyers, l'ufage heureux qu'il en a fait. Par-tout on y voit briller la force & la véhémence de Démosthène (1), la merveilleufe fécondité de Platon, la douceur & les grâces d'Ifocrate : il s'étoit formé fur ces grands modèles, & paroît n'avoir point eu d'autres Maîtres. Oferonsnous le dire? Il leur eft fupérieur par les beautés naturelles dont il brille, & par la délicateffe & la riche abondance des penfées. Mais combien cet illuftre Orateur n'a-t-il pas ajouté à fa gloire par les admirables traités qu'il nous a laiffés? Que fa Philofophie eft douce &

(1) Nam mihi videtur M. Tullius cum fe totum ad imitationem Græcorum contuliffet, effinxiffe vim Demofthenis, copiam Platonis, jucunditatem Ifocratis QUINTIL. Inft. Orat, Lib. X, Cap. I, pag. 751.

confolante! Tout y refpire l'honnêteté, la candeur & la fenfibilité d'une belle ame. Eft-il un fyftême de morale naturelle plus parfait, que fon admirable (1) Traité des Offices, où il trace à l'homme & au citoyen, avec toute la force de la raifon & toutes les lumières de la fageffe, la manière de remplir les devoirs de la vie civile? Où trouver une réfutation plus folide & plus intéressante de la doctrine d'Epicure, de Zénon & des Stoïciens, que dans fes Entretiens (2) fur le fouverain bien & fur les vrais maux ? Avec quelle réserve, avec quel refpect il parle de la divinité (3)! Quelle force il donne aux noeuds de l'amitié (4), qui ne peut être ni fincère, ni durable, si la vertu ne les a pas formés! Quelle fublime confolation il (5) offre à la

(1) De Officiis.

(2) De Finibus bonorum & malorum. (3) De Naturâ Deorum.

(4) Lælius, five de Amicitiâ.

vieilleffe! comme il affoiblit fes regrets, par l'efpérance d'une autre vie! Si de la Philofophie & de la Morale, il paffe à la Littérature, à qui convient-il mieux qu'à lui de donner des préceptes, & d'inftruire les Orateurs? Où puifer un goût plus fin, plus délicat, plus sûr, des leçons plus excellentes & plus folides pour conduire à la véritable éloquence, que dans fon Traité de l'Orateur? En un mot tous les ouvrages de ce grand Homme font marqués au coin du vrai & du beau. Ils font écrits avec une élégance foutenue, une pureté de ftyle & d'expreffion, & une harmonie qu'on chercheroit vainement dans les autres Ecrivains. Il eft vrai, ( & Cicéron en convient lui-même, quand il dit (1), qu'il s'exerçoit particulièrement à compofer en Grec, parce que cette langue

(1) Idque faciebam multùm etiam Latinè, sed Græcè fæpius: vel quod Græca oratio plura ornamenta fuppeditans, confuetudinem fimiliter Latinè dicendi afferebat, CIC. de Clar. Qrat, no 90.

fui fourniffoit des beautés dont il enrichiffoit la fienne); il est vrai, dis-je, qu'il doit aux Grecs toute la perfec tion, toute la fupériorité qu'il avoit acquifes dans ce grand Art; mais c'est en homme de génie qu'il en a profité. Il n'a pas fervilement marché fur leurs traces; il les a fuivi d'un pas égal; & c'eft à ce mouvement libre & majef tueux qu'on reconnoît le génie. Cet Orateur qui avoit fans ceffe devant les yeux Démosthène, eft devenu par un travail opiniâtre, par de longues veilles, par la méditation continuelle des bons Auteurs Grecs, te plus parfait des Orateurs Latins, & un modèle accompli d'éloquence; on ne fauroit donc trop exhorter la jeuneffe à faire fa principale étude & fa méditation particulière des écrits de cet admirable Orateur fur-tout quand on peut dire aujourd'hui de l'Eloquence, ce qu'il en difoit à la mort d'Hortenfius, qu'elle eft orphe

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