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pule d'altérer, de renverfer les faits, pour les faire cadrer avec fa façon de voir & de penfer.

à tout propos, & vers & profe; quel Lecteur pourra supporter tant d'ennui ? Est-ce ainsi que le excellens Hiftoriens Grecs & Latins écrivoient l'Histoire? M. Gaillard le prétend & l'affirme ( pag. 7). Qu'il ouvre Quintilien (Lib. X, Cap. I) & qu'il life l'éloge que ce Restau rateur du bon goût fait d'Hérodote, de Thucydide, de Xénophon, de Sallufte, de Tite Live & de Tacite ; y trouvera-t il un mot qui fafse soupçonner que ces grands Hiftoriens ont raisonné l'Hiftoire, à la manière & comme l'entend M. Gaillard? Il prétend encore (pag, 12) qu'il faut réfuter les mauvais jugemens de l'Hiftoire, & fi on fui objecte que cette réfutation (pag. 13) eft plus d'un Avocat que d'un Hiftorien; que c'eft plaider plus qu'écrire P'Hiftoire : il s'échauffe & s'écrie: Oui, oui, c'eft plaider LA CAUSE DE L'HUMANITÉ contre les Oppreffeurs & les Efclaves. Les Avocats de l'humanité doivent être bien occupés ; car ils ne voient par tout que des Tyrans, des Oppreffeurs & des Efclaves, comme Dom Quichotte ne voyoit dans des moulins à vent, que des Géans à combattre. Comment M. Gaillard avec autant d'efprit, d'érudition, de connoiffances, de mémoire & de talent qu'il en montre dans tous ses écrits, peut-il plaider pour une chimère ? Car quels font ces Oppreffeurs, ces Efclaves? Où font ils? Sous quel ciel habitent ils? En vérité les Philofophes devroient bien s'expliquer plus clairement; mais ils n'ofent. Ils veulent qu'on les devine.

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Les bons Historiens de l'Antiquité, Grecs & Latins, ne connoiffoient point cette méthode, que le Bel-Efprit de nos jours s'efforce d'accréditer. Ils différoient entr'eux, il eft vrai, dans la manière d'écrire'; mais ils se réunissoient tous en un point: la fidélité. Celui qui 'mérite à cet égard, après Tite-Live, la plus haute eftime, c'eft Tacite. Jamais Hiftorien n'a porté plus loin l'amour de la vérité, n'a mieux peint les hommes, n'a pénétré plus avant dans les replis du cœur n'a parlé de la vertu avec plus de chaleur & de fentiment. Il laiffe dans l'ame du Lecteur, une impreffion vive & profonde, qui ne peut s'effacer fon ftyle eft ferré & concis: il dit moins, pour laiffer davantage à penfer. Ennemi des digreffions & des épifodes, il est tout entier à fon fujet, qu'il ne laiffe jamais pérdre de vue, & il a mieux aimé imiter l'ingé nieuse briéveté de Sallufte, que l'abondance de Tite-Live. Le plus beau, le

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plus précieux ouvrage qui nous refte complet de Tacite, eft la vie d'Agricola, fon beau-père. En vain l'Empereur Tacite qui fe faifoit honneur de defcendre de la famille de l'Historien, avoitil ordonné que l'on fît tous les ans, aux dépens du tréfor public, dix copies des ouvrages de Tacite, afin que les multipliant ainfi ils fuffent plus à l'abri des ravages du temps; cette fage précaution ne les a pas garantis des outrages & du temps & de l'ignorance, & ils ne nous font parvenus que mutilés & imparfaits. Nous devons cependant aujourd'hui, en regretant la perte de ceux qui nous manquent, nous eftimer trop heureux qu'un Savant (1), digne

(1) M. l'Abbé BROTIER, de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles Lettres, Savant plein d'érudition & de goût, dont la modeftie eft auffi grande que le favoir, a suppléé à ce qui manque aux précieux reftes, tant de l'Hiftoire des Empereurs que des Annales. Familiarifé avec la Langue qu'on parloit à la Cour des Céfars, il a faifi également & le ftyle & l'esprit de Tacite, au point qu'on croit lire l'original. Il a donné une superbe

des plus beaux jours de la Littérature Latine, ait confacré ses veilles, à réparer ce qui nous refte de tant de morceaux précieux.

Nous ne nous arrêterons pas davantage fur les Hiftoriens Latins, quoiqu'il en ait encore plufieurs qui ont mérité les regards. de la postérité, tels que

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édition de cet Hiftorien, en quatre vol. in 4o, enrichie de plufieurs differtations, de notes curieufes & inftructives, fous ce titre: C. Cornelii Taciti Opera recognovit, emendavit, Supplementis explevit, Notis, Differtationibus, Tabulis Geographicis illuftravit GABRIEL BROTIER, Parifiis, ex Typographiâ Ludovici-Francifci DE LA TOUR, 1771. Cette Édition, de la plus grande beauté, eft devenue très rare. Elle fait le plus grand honneur à M. de la Tour, qui très inftruit lui même, ne l'a entreprise que pour la gloire des Lettres, qu'il cultive & qu'il aime. Il en a donné une nouvelle Édition également belle, en fept vol. in-12, avec ce titre : C. Cornelii Taciti Opera Supplementis, Notis & Differtationibus illuftravit GABRIEL BROTIER. Parifiis, ex Typographiâ L. F. de la Tour, 1776. M. l'Abbé BROTIER l'a enrichie de l'Hiftoire du beau régne de Trajan ; d'un Supplément au Dialogue des Ora& d'un corps de Maximes politiques, qu'il a tirées de tous les ouvrages de Tacite. Nous pouvons affurer, fans être foupçonné de flatterie, que ces morceaux curieux & intéreffants du TACITE moderne, feroient avoués de l'ancien.

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Velléius Paterculus & Quinte-Curce. Mais le vil flatteur de Tibère & de Séjan, le Panégyrifte de deux monftres pareils, malgré les grâces de fon style, malgré l'art qu'il a de peindre d'un trait fes personnages, ne peut être proposé pour modèle, l'Hiftoire rejettant également, comme indignes de la vérité & de l'honnêteté qui font fa base, la fatire & la baffe flatterie. Quinte-Curce, en peignant fon héros, voit toujours l'homme dans Alexandre, & jamais le Dieu. On doit lui favoir gré de ce mérite: mais de la manière dont il s'explique fur les paffions du vainqueur de l'Inde, fa morale eft auffi corrompue que dangereufe. Son style noble, élégant & pur, eft beaucoup trop fleuri. Ses harangues, indépen damment de leur longueur, n'ont point le caractère de vérité, & le ton mâle de la véritable éloquence, qu'on admire dans celles de Tite-Live. On n'y trouve que la foibleffe, l'affectation & le clinquant du Bel-Efprit. Or c'est l'inftruction,

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