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le travail ne l'imitera jamais, dont les Grâces elles-mêmes femblent avoir formé le langage, & fur les lèvres duquel repofe la Déeffe de la perfuafion, eft le premier Philofophe qui fe foit livré à ce genre de travail. Quand on penfe en fage, on écrit en fage. Xénophon, l'un des plus illuftres difciples de Socrate, ne fit usage de la Philofophie que pour infpirer la crainte des Dieux, & pour faire briller davantage l'honneur & la vertu, que pinceau religieux & pur fait encore embellir de nouveaux charmes. On voit que c'eft-là fon feul but. Il n'écrit point l'Hiftoire pour s'ériger en réformateur: il n'affecte point d'y donner des leçons aux Rois, ni des préceptes au genre humain c'est plus par les chofes, que par le coloris enchanteur de fon ftyle, qu'il veut nous attacher: en un mot, fidèle & févère obfervateur des devoirs impofés à tout Historien, il ne cherche pas à flatter la malignité des Lecteurs

révoltant; mais à contenter & à nourrir les bons efprits, qui préfèrent au clinquant du menfonge le folide éclat de la vérité.

La gloire dont un Hiftorien doit paroître le plus jaloux, eft celle d'être utile & d'inftruire; d'élever ou d'entretenir le courage, par la manière de préfenter les actions héroïques; de faire aimer la vertu, en infpirant l'horreur du vice; d'encourager les bonnes mœurs, comme étant la force & le falut des Empires; de peindre avec énergie la foibleffe & l'aviliffement dans lefquels tombent les Nations dont les moeurs font dépravées; de former des Hommes d'État, des Miniftres, de grands Capitaines, & c'eft fur-tout en quoi Xénophon eft admirable. Scipion l'Africain ne pouvoit fe laffer de lire (1) fes ouvrages; & c'eft dans fon excellente hif

(1) Semper Africanus Socraticum Xenophontem in manibus habebat. CIC. TUSCUL. 2, no 25.

toire de la Retraite des Dix-mille (2), que Lucullus apprit le fecret de vaincre Mithridate.

Xénophon étoit à la fois grand Capi

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(1) Nous avons deux traductions françoises de l'Expédition de Cyrus, ou la Retraite des Dix mille; l'une de M. Lar cher, de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles Lettres, & de celle de Dijon. (Paris, 1778, 2 vol. in-12, chez les Frères de Bure). La feconde de M. le Comte de la Luzerne, Maréchal des Camps & Armées du Roi (nouvelle édition, Paris, 1778, 2 vol. in-12, chez Cellot & Jombert le jeune, rue Dauphine). Ces deux excellentes traductions nous ont paru rendre toutes les beautés & toute l'élégance de l'original. Elles font utiles & néceffaires à tout Militaire, qui ne pouvant lire Xénophon dans le texte, eft curieux de s'inftruire de la Tactique des anciens. Elles font auffi accompagnées de notes inftructives pour l'intelligence du texte On ne fauroit être trop reconnoiffant envers des hommes d'un favoir auffi rare, & d'un mérite aussi distingué que M. Larcher & M. le Comte de la Luzerne, de l'utile emploi qu'ils font de leurs veilles. Il appartenoit également au Savant & au Militaire de traduire Xénophon. Mais quel ufage plus glorieux, plus digne d'éloge & d'estime, un homme de qualité très-inftruit, poffédant parfaitement la Langue Grecque, peut-il faire de fes talens? Que l'exemple de M. de la Luzerne est bien fait pour infpirer l'amour du favoir, quand on le con

taine, grand Philofophe & grand Hiftorien; le furnom de Mufe & d'Abeille Athénienne, qu'il reçut de fes Conten porains, prouve que la Philofophie de ces temps reculés n'étouffoit point le génie, ne corrompoit point le goût, ne refroidiffoit point l'imagination: qu'elle animoit tout du coloris de la Poéfie, qu'elle favoit répandre des fleurs fur les fujets les plus arides, & adoucir fon austérité, en s'abandonnant aux douces infpirations des Mufes: que loin d'être fombre, froide & compaffée, elle avoit tout l'élan du génie, & tout le feu d'une imagination vive & brillante. Auffi Xénophon emprunta-t-il le pinceau d'Hérodote nouvel hommage rendu à Homère.

Cette heureuse union de la Philofophie & de la Poéfie, eft encore plus fenfible dans les écrits de Platon. Né avec un génie profond, accompagné de la plus belle imagination, la Poéfic, la Peinture & la Mufique furent les pre

miers jeux de fa jeuneffe: mais bientôt entraîné par l'attrait de la Philofophie, il s'y livra tout entier, & devint le plus éloquent des Philofophes. A la manière divine dont il s'exprime, dans laquelle on fent l'étude qu'il avoit faite d'Homère, on croit entendre un Dieu parler, & non un fimple mortel (1). Il recueillit avec foin les différens fyftêmes des ariciens Philofophes, ce qu'il avoit pu apprendre des Disciples de Pythagore, & principalement les leçons qu'il avoit reçues de Socrate: il en forma un ouvrage complet, & s'abandonnant au feu de fon imagination, il fit parler à la Philofophie le langage d'Homère. Son ftyle harmonieux, plein d'images & de

(1) Philofophorum ex quibus plurimum fe traxiffe eloquentia M. Tullius confitetur, quis dubitet Platonem effe precipuum, five acumine differendi, five eloquendi facultate divinâ quadam & homericâ ? Multum enim fupra profam orationem, & quam pedeftrem Græci vocant, furgit: ut mihi non hominis ingenio, fed quodam delphico videatur oraculo inftinctus. QUINTIL.

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