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Poésie, ajoute encore un prix à fes ou vrages admirés des Grecs, dont à cet égard la postérité n'a point démenti la jufte admiration.

Les Arts & les Sciences trouvèrent également de grands Hommes qui leur confacrèrent leurs veilles ; & fi nous avons fu depuis perfectionner les uns, fi nous avons plus approfondi les autres, il refte toujours aux Grecs la gloire de l'invention. Nous fommes trop heureux que le temps ait refpecté une partie de ces monumens immortels d'Architecture & de Sculpture qu'ils nous ont laiffés: la vétufté n'en a pas altéré la beauté, le génie de l'Artifte femble y refpirer encore, & on ne peut les contempler qu'avec ce raviffement, cette extafe que les miracles de l'art infpirent. Ne le diffimulons point, nous ferons toujours forcés de convenir que c'eft du centre de la Grèce que font partis tous les rayons de lumière qui ont éclairé jufqu'à préfent, dans tous les genres,

les

les Sciences & les Arts. Mais fi nous n'avons qu'une ftérile admiration pour ces Chefs-d'œuvre du génie; fi nous ne brûlons pas du feu qui les a produits, fi le defir de nous immortalifer eft éteint dans nos cœurs, ces Chefs-d'œuvre font pour nous, comme s'ils n'avoient jamais exifté,

Le Génie, les Talens ne demandent qu'à naître: ils languiffent & meurent s'ils ne font protégés. C'est donc à ceux qui ont le pouvoir en main, s'ils chériffent la véritable gloire, à les aimer, à les protéger, à les faire éclore. Qu'ils donnent au génie des aîles, en applau diffant à fes efforts, & en le comblant d'honneurs; qu'ils rendent par-là l'ému¬ lation générale, elle fera alors auffi glorienfe qu'utile à la chose publique. Telle fut la conduite de Périclès lorfqu'il étoit à la tête de la République. Jamais Athènes ne fut plus floriffante que fous fon adminiftration. Les magnifiques Monumens de toute espèce dont

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il l'embellit le nombre immenfe de ftatues dont il la décora, en firent une ville fuperbe, & la plus impofante de la Grèce. Quelle haute idée, tant de magnificence & de grandeur ne devoientelles pas donner aux étrangers de la puiffance & du bonheur des Athéniens? Tous ces édifices, élevés à la fois, fembloient demander des fiécles & des travaux infinis pour être achevés; & ils le furent dans un très-court espace de temps (1), avec toute la beauté, toute la perfection, toute la folidité dignes de ces fuperbes Monumens, deftinés à être à jamais les modèles des Temples futurs, des Edifices publics, des Palais des Rois; & à faire l'étonnement & l'admiration de l'avenir. Mais cette étonnante & merveilleufe activité avoit pour foutien les foins éclairés de Périclès les encouragemens & les récompenfes avec lefquels il fut l'exciter & l'entretenir.

(1) Plut. in Pericle, pag. 159.

Voilà la véritable époque de la grandeur d'Athènes. Tous les Arts, tous les grands Hommes y fleurirent à la fois. C'est dans ces beaux jours que Sophocle remporta le prix fur Efchyle, aux jeux inftitués par le peuple, lorfqu'après une glorieufe campagne, Cimon revint à Athènes, avec les triftes reftes de Théfée qu'il avoit recueillis. Ces jeux où le génie difputoit la victoire au génie; où les talens fupérieurs fe livroient à l'envi des combats; où il étoit glorieux de vaincre, parce que les Juges en écartoient le manége & l'intrigue; où la palme defirée n'étoit accordée au vainqueur, qu'au bruit flatteur des acclamations & des applaudiffemens publics; ces jeux, dis-je, élevoient l'ame, enflammoient le génie, excitoient, entretenoient dans tous les efprits une noble émulation, & hâtèrent le progrès & la perfection des Arts & des Sciences. C'est dans ces jeux encore qu'on croyoit voir le marbre refpirer fous le cifeau des

Phidias, & que les Apellés, les Parrhafius & les Zeuxis (1), franchiffant les bornes de leur Art, portèrent l'illufion de leur pinceau magique, jufqu'à tromper égale ment le jugement de l'homme & l'œil des animaux.

Cet état floriffant d'Athènes ne fouf frit aucun changement, tant que Périclès conduifit les affaires de la République. Ce grand homme, par fon courage intrépide, autant que par la force de fon éloquence, par la profondeur & la foupleffe de fa politique, fut manier l'efprit d'un peuple libre, au point de s'en rendre

(1) Zeuxis & Parrhafius difputant entr'eux le prix de la Peinture, le premier expofa fon Tableau représentant une grappe de raifin fi naturelle & fi vraie, que les oifeaux vinrent la becqueter. Fier de ce fuffrage, Zeuxis infultoit déja à Parrhafius, & le preffoit de lever le rideau, dont il croyoit que fon rival avoit couvert fon Tableau: mais quelle fut sa surprise, lorsqu'il s'apperçut qu'il étoit trompé lui-même, & que ce rideau étoit peint? Il céda la palme à son vainqueur, en aveuant que celui qui favoit tromper les Maîtres mêmes de l'Art, étoit bien fupérieur à celui qui ne favoit tromper que

les oifeaux.

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