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s'il tombe quelquefois, c'eft en éclatant comme la foudre. On peut dire de ce grand homme, ce que l'Antiquité a dit de Périclès qu'il tonne & foudroie, plutôt qu'il ne parle. Ses écrits pafferont à la postérité la plus reculée, & fon nom, cher à la religion, vivra plus. glorieufement encore dans les faftes de F'Églife.

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Auffi éloquent, moins fublime que Boffuet, mais plus égal, plus tempéré, plus tendre, Fénelon parle plus directe-ment au cœur, & fait une douce violence à l'efprit. Son éloquence infinuante, perfuafive, pleine d'onction, respire une fenfibilité exquife: la lumièrequ'elle répand, eft celle d'un jour doux, elle ne fatigue ni n'éblouit. Un style harmonieux & pur, une élocution riche, abondante & facile, une admirable fim- . plicité que le travail ne peut imiter, font le charme de fes écrits. Où voit-on briller davantage l'élévation du génie, la force de la raifon, la beauté des fen

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timens, l'excellence & la pureté du goût antique, que dans le poëme divin de Télémaque ? Fénelon le compofa pour l'inftruction de fon auguste Élève, & fut en même-temps le rendre utile à tous les âges, à tous les états & à toutes les conditions. C'eft la Sageffe elle-même qui donne des leçons aux Rois & aux Peuples, non avec cette morgue, cet apprêt ridicule ce verbe fuffifant & orgueilleux fi fort en ufage aujourd'hui, mais avec un ton fimple & modeste, accompagné du charme de la vérité: elle enfeigne aux Rois les moyens de faire fleurir leurs Empires, de foutenir l'éclat du Trône d'augmenter leur gloire, fans les tromper ni les éblouir par des projets chimériques, par des fyftêmes destructeurs, par des économies imaginaires : elle leur montre la fource de l'abondance & du bonheur public, dans l'encouragement de l'Agriculture, dans la protection active & vigilante du Commerce, dans l'aboli

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tion du Luxe, en renfermant chaque individu dans fon état, par de fages Loix. Loin de faire retentir fans ceffe, aux oreilles des Peuples, ce cri turbulent & inquiet d'ÉGALITÉ, de LIBERTÉ; elle leur dit: vous êtes nés fous l'empire des Loix, vous avez des Maîtres, la Patrie vous porte dans fon fein: foyez foumis aux Loix, obéiffez à vos Maîtres, foyez fujets fidèles, aimez votre Patrie, & fongez que la Religion, l'honneur votre intérêt perfonnel font des chaînes facrées qui vous lient à l'État, & que les rompre eft un crime. C'est ainfi que dans Télémaque la Sageffe parle, inftruit, éclaire. Cet admirable ouvrage [offre par-tout la morale la plus faine & la plus pure: par-tout il inspire l'amour de l'humanité, fans affectation, fans élans concertés; on n'y trouve point cette féchereffe rebutante des productions glaciales de nos prétendus Philosophes; en lifant Télémaque, on lit, on descend

fon ame tout entière à découvert; elle eft embrâfée de ce feu divin, que la charité feule allume. Voilà le lien (1)

(1) L'Esprit du Christianisme eft auffi éloigné de la Tolérance, que de l'Intolérance; la Religion chrétienne combat l'erreur avec force & fermeté; mais traite celui qui s'eft égaré avec indulgence & douceur, & cherche à le ramener par la Charité. Cette vertu, toute céleste, n'eft point connue fans doute des Philosophes, puisqu'il lui ont fubftitué, la Bienfaisance, l'Humanité, la Tolé rance, vertus purement humaines; par conféquent fragiles, fujettes au caprice, dépendantes d'une sensibilité phyfique, qu'un amour propre, qu'un orgueil fecret, voilés du bien que l'exemple peut opérer, se plaisent à publier, à afficher, & dont la récompense n'eft que pour ce monde : vertus qui n'étouffent d'ailleurs ni les haines, ni les jaloufies, ni l'envie; qui ne commandent point le pardon des injures, ni d'aimer fes ennemis. La CHARITÉ, au contraire, née dans le fein de Dieu, n'a pour témoin de fes œuvres que le Ciel; elle porte également tous les hommes dans fon cœur, fans aucune acception; les foulage dans le fecret; cache la main qui répand ses bienfaits; va chercher comme un Ange confolateur, ceux qui fouffrent, prie fans ceffe pour eux, n'attend d'autres récompenfes que celles qui lui font promises par fon divin Auteur. Il étoit réservé à la Philofophie de notre fiécle, d'aller chercher, dans le premier ordre des Miniftres de l'Églife, un Évêque pour Apôtre de la Tolérance; & quel Évêque encore! Fénelon à la vérité le plus doux des hommes! Ce n'es

qui l'attachoit à tous les hommes, & non cette Tolérance, dont on veut injustement aujourd'hui qu'il ait été l'Apôtre : Tolérance qui ne peut être préconifée, prêchée, foutenue, que par une froide & méprifante indifférence pour toutes les Religions, par les paffions que le frein le plus léger irrite, & par un efprit d'orgueil qui veut tout foumettre à fes foibles lumières.

A la folidité des principes & de l'inf truction, cet excellent ouvrage réunit encore tous les agrémens que le goût peut defirer. L'imagination la plus brillante l'a femé de tableaux rians, agréables, intéreffans; la vérité en a peint les caractères; les fentimens y font l'expreffion de la Nature; la grandeur des

pas fans deffein qu'elle en a ordonné l'éloge: elle avoit fes raisons : c'étoit pour en impofer fur fa douceur, & la convertir en Tolérance. Voyez fi, depuis qu'elle s'eft avifée de faire louer tous ceux qui pouvoient favorifer fon fyftême, elle a ofé jufqu'à préfent prendre

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