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occupe aujourd'hui au Temple de Mé

moire.

Une des plus belles prérogatives de l'Eloquence, eft de convaincre & de perfuader. Elle n'a pas toujours befoin d'ornemens, de penfées fublimes, de traits ingénieux & piquants: il fuffit qu'elle foit fimple, austère & lumineuse pour annoncer la vérité. Mais combien eft précieux le talent de l'Orateur qui fait, fans nuire à la fimplicité, la parer de fleurs, unir les grâces à l'austérité, joindre la plus grande lumière aux raifonnemens les plus profonds, éclairer également tous les Efprits: c'eft le talent qu'on admire dans BOURDAloue. Tantôt élevé, tantôt fimple, toujours noble & jamais familier, il fe met à la portée de l'efprit de tous les hommes: fes idées fe développent, fe fuccèdent rapidement & avec netteté: d'une vérité qu'il établit, naiffent mille autres vérités nouvelles, qui fe foutiennent & fe

rarement à ces grands mouvemens qui furprennent, agitent & remuent l'Auditeur concis & ferré, fans féchereffe, profond fans obscurité, il raisonne, il difcute, il prouve : comme c'eft l'efprit qu'il veut fubjuguer, il l'attaque, le com- » bat, le fuit dans tous fes détours, faifit fes fubtilités, détruit fes fophifmes & fes erreurs, le preffe, le force enfin à fe rendre à l'évidence. Nourri de la lecture des Pères de l'Eglife, on voit que fon goût naturel, plus que la néceffité, l'a porté à s'enrichir de leurs tréfors: fon éloquence eft celle des Chryfoftôme, des Auguftin; il en a l'ame, le génie, l'abondance; fon ftyle févère n'a rien de recherché, ni d'affecté; il eft nerveux & plein de force; les ornemens, les fleurs, les grâces du langage s'y trouvent placés naturellement. Bourdaloue, en un mot, eft de tous les Orateurs facrés le modèle le plus accompli, & le créateur de l'Eloquence de la Chaire.

Il n'est pour le génie d'autre modèle que la nature; il fuit l'impulfion qu'elle lui donne: MASSILLON en eft un exemple. Il ne marcha fur aucunes traces connues. Il fe fit un genre d'éloquence particulier, dans lequel il a excellé, fans qu'aucun Orateur ait encore pu jufqu'à préfent l'égaler. Il a lu dans le cœur de l'homme; il en a fondé les replis : obfervateur fidèle, éclairé, il a débrouillé le chaos des paffions qui l'agitent, le tourmentent & l'affiègent; & des connoiffances qu'il en a tirées, il en a formé fes éloquentes instructions. De-là ces peintures fi vraies, fi naturelles des mœurs, qui appartiennent à tous les âges, à . toutes les conditions, à tous les temps: de-là cet art inconnu aujourd'hui, d'intéreffer le cœur, d'y faire naître une émotion vive, durable & falutaire, & de porter dans l'ame l'heureuse perfuafion, la tendre fenfibilité, la confolante

fillon n'est point appuyée sur le frêle échaffaudage de l'efprit, elle part du cœur. L'efprit a beau cacher fon aridité fous des fleurs, on s'apperçoit qu'il s'épuife aifément : le fentiment au contraire ne s'épuife jamais. C'est le reffort dont s'eft habilement fervi Maffillon. Une imagination fertile, vive, mais réglée; un ton fimple, noble & touchant; un choix d'expreffions brillantes & pittorefques; un ftyle pur, harmonieux & correct; une élégance foutenue; élans tendres, animés, affectueux. d'une ame vraiment pénétrée, idées grandes & fublimes; coloris enchanteur; voilà les vraies beautés qui le caractérisent. On ne trouve pas dans fes Oraifons funèbres les mêmes agrémens, le même mérite que dans fes Sermons. Son génie fans doute n'étoit pas propre à ce genre d'éloquence; fans doute encore que cherchant à s'écarter de cette fimplicité, de cette fenfibilité qui lui étoient naturelles, accoutumé

à

à un effor doux & tranquille, il avoit excédé fes forces, en voulant étaler toutes les richeffes & toute la pompe de l'art. Mais quelque foit la caufe de la différence qui fe trouve entre fes Oraifons funèbres & fes Sermons, fans qu'elle nuife jamais à la gloire de cet illuftre Orateur, ce fera toujours un exemple qui doit confondre l'orgueil de ceux, qui fans le moindre talent, ofent courir une carrière, où il faut des BOSSUET & des FLÉCHIER (1), & où MASSILLON a échoué.

(1) M. DE BEAUVAIS, ancien Évêque de Senez, eft le feul Orateur digne de fuccéder à ces grands Hommes. Il pofféde fur-tout au plus haut degré l'éloquence du cœur. Son Oraifon funèbre de M. de BROGLIE, Évêque de Noyon, eft un chef d'œuvre en ce genre. On eft attendri jufqu'aux larmes en la lifant. La Religion, l'amitié, la reconnoiffance ont également inspiré l'Orateur, & la vérité a tracé le tableau des vertus du Pontife dont il déplore la perte. Cette Oraison funèbre, celle du Curé de S. André-des Arcs, affurent l'immortalité aux illustres morts qui y font célébrés, & feront vivre à jamais le nom de l'éloquent & pieux Pané

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