Imágenes de páginas
PDF
EPUB

il

ques Opéras, bien inférieurs, en tout, à ceux de Quinault, par de petits Madrigaux, par des Églogues pleines d'afféterie & d'une galanterie fade écrites d'un ftyle précieux & guindé, dénuées de ces tableaux champêtres & de la charmante fimplicité qui enchantent dans Théocrite & dans Virgile. Il s'en falloit donc beaucoup que ce début annonçât de grands talens, & y auroit long-temps, s'il en fût resté là, que Fontenelle feroit oublié : mais fes Mondes lui firent une réputation brillante. La nouveauté du fujet, le fpectacle du Ciel, objet raviffant par lui-même, & fi intéreffant, la galanterie qui y régne, la teinte philosophique qu'il a fù y répandre, la clarté avec laquelle il est écrit, tout a contribuéà faire naître un goût pour les hautes Sciences, dont jufques-lä, on ne s'étoit pas encore occupé. Malheureusement le systême des Mondes n'eft fondé

".

Tourbillons de Descartes: ainfi cet ouvrage est entièrement inutile, & n'eft. plus qu'un fleuron, fans éclat, à la couronne de Fontenelle. Son Hiftoire de l'Académie, au contraire, uniquement à l'usage des Savans, & fes Éloges des Académiciens, font les principaux foutiens de fa gloire. C'eft fur - tout dans ces Éloges, qu'il déploie toute la coquetterie du Bel-Efprit. Ses Portraits font tracés avec art, & quoique flattés ils confervent néanmoins un certain air de reffemblance qui les fait reconnoître. Il n'approfondit rien, effleure tout, paroît fe jouer de fon fujet, ne donne point à penfer au Lecteur cherche feulement à l'amufer, le furprend même quelquefois par des traits ingénieux & fins; par-tout on apperçoit le manége d'une coquette, dont le fard fait tous les charmes. Son ftyle, toujours familier, n'en eft pas moins maniéré. Il femble ignorer ce que Cicéron dit de l'Orateur vraiment élo

[ocr errors]

quent: que (1) c'est celui qui fait prendre le ton convenable de fon fujet qui dit les petites chofes d'un ftyle fimple, mais ingénieux, les moins élevées d'un ftyle tempéré, & les grandes d'un styleimpofant & majeftueux. Fontenelle au contraire fe plaît à exprimer avec emphase les petites chofes, & les grandes. avec une froide fimplicité. Il n'a jamais connu la Nature, & il eft le premier qui a corrompu le goût. Ses imitateurs n'ont pas fenti, qu'en le prenant pour modèle, il falloit avoir autant d'efprit : que fa manière lui étoit proque lui pre, & qu'elle tenoit à la trempe de fon caractère naturellement froid & infenfible; caractère qui lui facilitoit les moyens de couvrir tranquillement & fans le favoir, d'un vernis trompeur, fes défauts & fon mauvais goût.. Comme la manie du Bel-Esprit eft d'af

(1) Is erit igitur eloquens, (ut idem illud iteremus) qui poterit parva fummifsè, modica temperatè, magna

[ocr errors]

pirer à l'universalité des talens, Fontenelle s'eft exercé dans tous les genres; mais comme il eft fans invention, il eft prefque nul dans tous. Son imagination, auffi froide que fon cœur, ne connoît que la régle, le compas & l'équerre. Il a fait éclore, en effet, dans les efprits les premières idées philofophiques; femblable à ces nuages obfcurs qui précédent l'orage, il a jeté quelques éclairs, à la lueur defquels on a apperçu moins de vérités que d'erreurs d'ailleurs il n'a rien créé : de plus hardis Philofophes, les Bacon, les Leibnitz, les Locke, les Newton & quelques autres génies créateurs, avoient long-temps, avant lui, établi l'empire de la faine Phyfique & de la bonne Philofophie: trop timide pour heurter de front les préjugés reçus, ou pour mieux dire, plus circonfpect, qu'on ne l'eft aujourd'hui, parce qu'alors on refpectoit encore les anciens principes utiles. à la Religion, aux Moeurs, au Gou

1

vernement, & qu'il auroit été dangereux de s'en écarter, l'Auteur des Mondes n'ofoit ouvertement expliquer sa pensée; mais il fe doutoit qu'on devineroit un jour le mot de l'énigme : il femoit, avec un air d'indifférence, fes opinions, fachant bien qu'elles germeroient tôt ou tard, fans qu'il fût besoin de rompre des lances pour les foutenir & les propager. Ainfi on ne doit point lui favoir gré de fa modération, parce que c'étoit abfolument, pour lui, une affaire de calcul. On ne doit point être étonné des hommages qu'il obtint & de l'efpèce d'empire qu'il exerça pendant quelque temps fur les efprits. Il étoit né au milieu du fiécle de Louis XIV: la génération qui l'avoit vu naître, étoit presque éteinte ; il fe trouva feul à la tête d'une génération nouvelle, dont l'éducation & les principes n'étoient plus les mêmes : il fut l'éblouir, parce que la nouveauté

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »