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vons dire aujourd'hui, ce que Cicéron difoit à la mort d'Hortenfius, que l'Éloquence eft orpheline. Mais qui lui fervira de tuteur? Qui la défendra, la protégera quand tout confpire à fa perte? Quand le Bel-Efprit, ennemi du naturel & du vrai, lui fait parler un langage ridicule, amphigourique & barbare? Quand, en un mot, on ne couronne que les Ecrivains & les Orateurs, guindés & bourfoufflés?

Cet exemple eft trop contagieux & trop général, pour qu'il n'influe pas fur le goût de la Jeuneffe ; & il est bien difficile d'en arrêter le cours. L'Éloquence du Barreau, qui brilloit autrefois d'un fi bel éclat, eft fi peu connue de cette Jeuneffe préfomptueufe, qu'elle ofe prononcer hardiment contre le mé rite & les talens des grands Orateurs qui en foutenoient la fplendeur & la gloire elle a la témérité de vouloir régler leurs rangs, avec le ton avantageux & tranchant de l'ignorance; & de blâmer le style de leurs écrits, quand

elle ne produit elle-même que des écrits. qui fourmillent de fautes contre la Langue, & ne préfentent que des idées obfcures & des raifonnemens vagues. On en croit à peine fes yeux, quand on lit le jugement que porte un de ces jeunes (1) Novateurs, fur le mérite

(1) Voyez la NOTICE fur M. LE GOUVÉ, Avocat au Parlement, inférée dans le Mercure de France, du Samedi 27 Avril 1782, pag. 157, 158, 159, 160. M. de la Cretelle, Auteur de cette Notice, dont le motif eft louable, a cru que, pour relever les talens de feu M. le Gouvé, fon ami, il falloit rabaiffer les talens fupérieurs des grands Hommes qui l'avoient précédé, & qui ont été Fes lumières & la gloire du Barreau de leur temps. Mais Ja reconnoiffance envers fon bienfaiteur devoit-elle le rendre injufte envers le Démosthène François ? Nous avons connu feu M. le Gouvé. C'étoit un Avocat tout au plus du fecond rang, un affez bon Jurifconfulte, un parfaitement honnête homme ; mais un très-médiocre Orateur & un Écrivain très-ordinaire. M. de la Cretelle a fuivi l'ufage de ce fiécle, qui renverfe de deffus leur piedestal les statues des grands Hommes, pour y placer des Nains. Mais comment a-t-il pu, lui, qui, de fon aveu, n'a connu aucuns des Avocats célébres dont it parle dans fa Notice, hazarder fur COCHIN un jugement auffi faux,auffi injufte, aufli ridicule? Comment a-t-il ofé attaquer une réputation auffi glorieuse & auffi bien méritée, que celle de ce célébre Avocat? M. de la Cretelle

du célèbre COCHIN, & de l'illuftre & favant Chancelier d'AGUESSEAU. « Le » nom de COCHIN, dit-il, eft au nom»bre des noms les plus fameux........ En »le lifant on cherche les caufes d'une » fi belle gloire, & on eft forcé, pour » l'expliquer, de croire que le Cochin » de l'Audience étoit un autre homme » que celui que nous retrouvons dans fes écrits.... J'avoue qu'il falloit avoir une grande envie d'établir un mo» dèle dans l'Éloquence du Barreau, » pour lui déférer cet honneur. Cochin

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feroit-il affez vain,pour croire que fon opinion l'emportera fur le fuffrage univerfel de la France? Nous avons été témoins de la gloire de ce grand Orateur, hélas! pendant trop peu de temps, & fur le déclin des beaux jours. de l'Éloquence du Barreau! Nous cherchions alors à Dous inftruire; à nous former fur fon modèle. Que M. de la Cretelle n'a-t-il été affez heureux pour en trouver un pareil! Il feroit plus réservé, auroit moins de prétentions & plus de modestie. Il est vrai qu'il avoue que c'eft® d'après des converfations avec plufieurs de fes Confrères: qu'il a rédigé fa Notice: mais ces converfations ne reffem. bloient elles pas un peu à celles de ces fauffes dévotes, qui fe plaifent à dire du mal de leur prochain ≥

doit certainement refter un des pre» miers Avocats; mais il n'eft NI UN » GRAND JURISCONSULTE, NI UN "GRAND ORATEUR. Lifez fes plus » beaux Mémoires; vous y verrez une » difcuffion nette & précife, jamais ni » de vaftes développemens, ni de grands » principes créés, ni d'erreurs & de PRÉ» JUGÉS détruits.... Il n'élève jamais ni » l'ame ni l'efprit: il a fi peu le talent » du ftyle, que toutes les fois qu'il » veut ou animer fa pensée ou colorer »fon expreffion, il approche du mau» vais goût..... Je fuis d'autant plus » étonné qu'on ait voulu l'ériger en » modèle, qu'on a mieux fait avant » & APRÈS LUI: qu'il n'a rien corrigé, »rien ajouté dans fon art & qu'il pa» roît plutôt s'être propofé d'en rétrécir » l'enceinte, que d'en reculer les bornes. » Je le répète, c'eft un Avocat d'un » grand mérite; mais, j'OSE LE DIRE, c'est un talent du fecond ordre..

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» tous les hommes fupérieurs qui ont » illuftré cette époque de l'Hiftoire du » Barreau, je placerois bien au-deffus » d'eux tous, le Chancelier d'AGUESSEAU. Je fais que SA PHILOSOPHIE fut timide & SON ÉLOQUENCE fans » ORIGINALITÉ..... Ses plaidoyers me

paroiffent en général mieux écrits, » que fes difcours & fes mercuriales. » Son élégance y eft plus fage & plus » noble.... Mais elle s'y montre dans » un trop grand repos ; car le calme même » de la fagefle & de la puissance doit » être animé. IL N'ÉTOIT PAS né pour » RÉFORMER notre Jurifprudence, mais » pour l'éclairer ».

O D'AGUESSEAU, O COCHIN, noms illuftres, & juftement célébres, que l'injustice de ce jugement ne trouble point la gloire immortelle dont vous jouiffez! Vous occuperez à jamais le - premier rang au Temple de Mémoire : votre éloquence fimple, naturelle & fublime fervira toujours de modèle à

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