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rement d'airs fimples & faciles, qui annonçoient fon caractère & fon antique origine. Il a fait long-temps les délices des Sociétés particulières, où la Jeuneffe fe plaifoit à égayer l'ennui de fes vieux Parens, & où elle n'eft plus occupée aujourd'hui, qu'à les plonger dans les idées les plus noires, en leur donnant pour les divertir le fpectacle du Comte de Cominges (1), de Mélanie & d'autres Drames auffi lugubres, auxquels le célébre COLLÉ a ajouté gaiement le Vaudeville qui leur manquoit, fur l'air du Dies ira. Mais on a beau s'élever contre cette pitoyable manie; on a beau la couvrir de ridicule, le coup fatal eft porté. On a cherché à détruire

(1) Nous ne parlons ici que du genre. Pour la conduite, l'intérêt, l'action & les vers de ce Drame, il feroit à fouhaiter que tous les Drames fussent auffi-bien écrits que le Comte de Cominges de M. d'Arnaud. Mais il faut toujours convenir que ce genre eft bien noir. Quant à Mélanie, le fujet n'en eft pas fi fombre, mais il n'en eft pas plus gar.

le goût de la Nation; & on n'y a malheureusement que trop bien réuffi.

On doit favoir gré aux Auteurs (1) qui ont voulu ramener le Vaudeville fur la Scène où naturellement il devroit régner, puisqu'il n'a plus d'autre asyle; mais leurs efforts ont été inutiles. Quoique l'on ait applaudi à leurs rians tableaux, on n'en a pas moins couru en foule à la Brouette du Vinaigrier. Quelque louable que foit le deffein de ces estimables Auteurs, de faire revivre la gaieté françoife, peut-être les moyens de l'exécuter leur ont-ils manqué: peutêtre n'ont-ils pas affez étudié l'Art du Vaudeville, plus difficile qu'on ne pense. Le Vaudeville doit voler de bouche en bouche fans le moindre effort de mémoire c'eft à la facilité de le retenir qu'on reconnoît fon léger badinage & fa fimplicité. Il doit être fin & fpirituel, fans prétention, & malin fans méchan

ces fuperbes décorations qui s'élevoient autrefois à la voix de Servandoni. Il est vrai que les fujets qu'on expofe aujourd'hui fur la Scène lyrique, font dignes tout au plus des Trétaux de la Foire, & par conféquent peu faits pour échauffer l'imagination du Décorateur. Mais combien l'Art n'y perd-t-il pas? Qu'il étoit impofant, quand, animé par la Féerie & la Mythologie, il déployoit toutes les richeffes de l'Architecture, fous les formes les plus belles & les plus élégantes? Quand il trompoit, étonnoit la vue par la plus favante perspective, & qu'il nous tranfportoit tout-à-coup dans le palais brillant des Dieux du paganisme? Le Spectateur le plus indifférent admiroit; mais l'Artiste satisfait, enchanté, fentoit fes idées s'aggrandir & fon imagination s'allumer à la vue des magiques effets de l'Art, & prenoit des leçons du Génie. Les bons Artistes ne se forment que fur de bons modèles. On reconnoît l'école qui les a formés; &

l'œil

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T'oeil le moins exercé à comparer & a juger, voit bien que les Pouffin, les le Sueur, les le Brun ne fortent pas de l'École' de Téniers. Or fi l'Art n'eft employé qu'à représenter des objets bruts & groffiers; s'il eft avili, dégradé par le goût pour les magots & les figures bizarres, que deviendra le talent de l'Artiste, dès qu'il fera forcé de le facrifier au caprice du fiécle? Il femble qu'on ait pris à tâche de confondre & de dénaturer tous genres. On tranfporte aujourd'hui sur le Théâtre de l'Opéra tous les fujets qui appartiennent de droit aux Trétaux de Nicolet (1) & des Variétés amufantes: mais il faut avouer auffi que ces Poëmes prétendus lyriques, quoique mis en mufique par de grands Maîtres, ne valent pas souvent pour les paroles, ceux que l'on chante aux Boulevards.

les

On doit tous ces changemens bizarres à l'introduction de la nouvelle Mufique

(1) Spectacles des Boulevards.

en France. Nous étions la feule Nation qui eût une Mufique qui lui fût propre. Ce font des Étrangers qui font venus nous dire que nous n'en avions point, & ce font des François, qui l'ont répété, qui l'ont écrit, foutenu, perfuadé. Il y a plus ce font des Étrangers que nous avons accueillis, careffés, applaudis, qui, ajoutant l'infulte au mépris, fe font moqués publiquement de nous fur la Scène, en y faisant triompher leur Mufique après avoir couvert d'un ridicule outré la Mufique Françoife, à laquelle Midas adjuge le prix (1). Eft-il poffible

(1) Voyez le Jugement de Midas, Opéra comique joué aux Italiens, dont les paroles font de Hell, Anglois, & la Mufique du célèbre M.Grétry. C'eft une Allégorie aisée à deviner. Un Pâtre groffier difpute le prix du chant à Apollon, & fe met à fredonner de la Mufique Françoise de' la plus mauvaise grâce, de la manière la plus ridicule, la plus traînante & la plus outrée, accompagnée de cadences qui ne finiffent point. Apollon à fon tour s'égofille pour faire valoir du mieux qu'il peut, les grâces & la légèreté de la Mufique nouvelle, & il s'en faut que l'air qu'il a choifi foit excellent. Tous les deux font jugés par Midas, qui couronne le Pâtre. Oreilles d'Ane auffi-tôt

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