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aux outrages du temps, & à ceux de l'ignorance & de la barbarie. Malgré le Bel-Efprit qui femble les dédaigner trop aujourd hui, & chercher à fe frayer des routes nouvelles, ils feront toujours les feuls & vrais modèles à fuivre & à confulter.

Les Grecs n'avoient plus rien à défirer de la Poéfie. Les Mufes les avoient enrichis de chefs-d'oeuvre dans tous les genres, & les époques brillantes de leurs triomphes s'étoient fuccédées affez rapidement, jufqu'à celle de la création de la Tragédie & de la Comédie; tandis que l'Éloquence, qui, à la vérité, avoit déja fait entendre fa voix tonnante, &

ne permettent pas de douter, qu'il ne rétablisse dans fa pureté primitive, tout ce qui nous refte du Théâtre d'Athènes. Quels éloges ne mérite pas un pareil travail! Mais pour juger du fervice important que M. Brunck rend à la République des Lettres, il faut lire la Lettre que M. Larcher a adreffée à MM. les Auteurs du Journal des Savans au fujet de la nouvelle Edition de Sophocle de M. Brunck. Voyez Journal des Savans, fecond vol. de Décembre 1783.

déployé quelques-uns de fes refforts admirables, n'avoit point laiffé de monumens de fon ancienne splendeur. La République ne connoiffoit d'autres Orateurs que ceux qui la gouvernoient. Elle dépofoit dans leurs mains fes plus grands intérêts. S'agiffoit-il de la gloire ou du falut de la patrie, de la guerre ou de la paix, d'abolir d'anciennes loix ou d'en établir de nouvelles, d'ériger des monumens publics, de décerner la pompe triomphale aux vainqueurs, d'honorer la mémoire des brayes Citoyens, morts les armes à la main, pour la défense de l'État? C'étoit alors que les Thémistocle, les Cimon, les Périclès, les Alcibiade

montoient à la Tribune, & que leur éloquence faifoit paffer dans l'ame de tout un peuple, les mouvemens fubits. & les fentimens divers dont ils étoient eux-mêmes agités. C'eft-là, à proprement parler, le premier âge de l'Éloquence.

Tant que la fortunne favorifa les Athéniens, qu'une longue fuite de victoires

entretint leur profpérité, que leur puiffance les rendit les arbitres des autres villes de la Grèce, & qu'ils difposèrent à leur gré des deniers du tréfor public, il falloit à ce peuple ingénieux & frivole des fpectacles pour amufer fes loisirs. Auffi de tous les Arts, dont il étoit l'inventeur, aima-t-il toujours de préférence celui de la Poéfie; & ce fut auffi celui qu'il cultiva avec plus de paffion, de perfévérance & de fuccès. Les Poëtes publioient leurs ouvrages, & en multiplioient les copies. Par ce moyen ils étoient entre les mains de tout le monde. On les lifoit, on les chantoit, on les apprenoit par cœur, & chacun pouvoit les comparer & les juger. Les Orateurs, au contraire, pouvoient bien, à la vérité, préparer, méditer, écrire leurs harangues, avant que de parler en public: mais à peine les avoient-ils prononcées, à peine étoient ils defcendus de la Tribune, qu'il n'en reftoit que le plaifir de les avoir entendus. Il paroît

qu'ils n'écrivoient pas leurs difcours, puifque leurs contemporains, & les Écrivains, qui depuis ont recueilli foigneufement les précieux reftes de l'antiquité, n'en ont pas même rapporté quelques fragmens. L'Éloquencen'avoit donc point de modèles à offrir aux Orateurs qui devoient briller après ceux qui les avoient précédés. Elle avoit, à la vérité, de la force & de la véhémence; mais l'art étoit dénué de grâces & d'ornemens. Il falloit que les Athéniens endormis au sein des plaifirs & du repos, & qui ne reffembloient plus alors aux héros de Marathon, de Salamine & de Platée, fuffent réveillés des fecouffes violentes & un danger bien preffant, pour qu'il parût un homme doué d'un génie extraordinaire, animé de l'amour du bien public, brûlant d'un zèle incorruptible pour fa patrie, prévoyant les malheurs prêts à fondre fur fon pays, & capable par fon éloquence de relever le courage abattu de fes Concitoyens. C'est au moment où Philippe,

par

après avoir trompé la République par de vaines & flatteufes promeffes, tente de fubjuguer la Grèce, & de s'emparer d'Athènes, que Démosthène se montre, & qu'il s'oppofe aux entreprises de l'ennemi: c'est à cette époque, que la Tribune aux harangues fervit, pour la première fois, à déployer tous les refforts de l'art admirable de la parole. Jamais elle n'avoit retenti pour des intérêts auffi grands; & jamais elle n'avoit été occupée par un fi grand Orateur que Démofthène. Mais combien de peines & de travaux né lui en coûta-t-il pas, pour devenir le plus parfait des Orateurs ? Comme il n'exiftoit aucun modèle qui pût lui fervir de guide, après avoir pris fous fée des leçons d'éloquence, il fe forma fur les harangues de Thucydide, dont il avoit copié huit fois l'histoire, & fur les écrits de Platon, dont il fit une étude particulière. Telle eft la différence du génie & du Bel-Esprit: celuici a l'orgueil de penfer qu'il peut fe fuf

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