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rendit toujours un grand fervice à la langue, lorfqu'il entreprit de l'adoucir & de lui procurer plus de nobleffe. Il eft le premier (1) qui ait fait jouer fur un Théâtre, les Pièces qu'il avoit imitées, ou entiérement copiées du Théâtre Grec. Les fragmens qui nous en restent, nous font connoître (2) l'usage ancien de certains termes, & les formes ufitées du temps d'Andronicus; mais ils ne peuvent nous donner aucune idée de fon génie, ni de fon talent pour la Poéfie tragique ou épique. Cependant quoique le style d'Andronicus fe fente de la barbarie de fon fiécle, ce Poëte n'en a pas moins le mérite d'être le créateur de la Tragédie Latine, & on peut lui appliquer ce que dit Cicéron,

(1) Atque hic Livius, qui primus fabulam, C. Clodio Caci filio & M. Tuditano confulibus, docuit, anno ipfo antequam natus eft Ennius. Cic. de Clar. Orat. no 18. Ennius eft né vers l'an 15 de Rome, 239 ans avant l'Ere chrétienne.

(2) Voyez fragmenta veterum Poetarum Latin. pag. 1456

que rien n'eft inventé & perfectionné en même-temps (1).

Les Poëtes qui fuivirent L. Andronicus, furent Nevius, Poëte tragique & comique, & Auteur du Poëme de la guerre de Carthage, qui plaît à-peu-près, dit Cicéron, comme plairoit aujourd'hui (2) une ftatue de Myron (3); Ennius, doué d'un génie fertile, heureux & plein de feu, qui introduifit le premier l'usage des vers héroïques & enrichit la langue de nouveaux mots; Accius & Pacuvius, diftingués & eftimés parmi les anciens Tragiques Latins, pour la folidité des penfées (4), la force des expreffions &

(1) Nihil eft enim fimul & inventum, & perfectum.

Id. Ibid.

(2) Les Statues de Myron, Sculpteur d'Athènes, manquoient de vérité dans l'expreffion, ce qui n'empêchoit pas de les trouver belles.

(3) Tamen illius, quem in vatibus & Faunis enumerat Ennius, bellum Punicum, quafi Myronis, opus, delectat. Cic. de Clar. Crat. n° 19.

(4) Tragœdiæ Scriptores Accius atque Pacuius clariffimi, gravitate sententiarum, verborum pondere, & autoritate perfonarum. QUINTIL. Inft. Orat. Lib. X, Cap. I pag. 749.

la dignité des caractères; enfin Cecilius, excellent Poëte comique; mais aucun de ces Poëtes ne fut affez heureux, pour ne pas conferver quelque refte de la barbarie de fon fiécle. Le temps feul devoit amener par degrés cette élégance, cette urbanité qu'ils cherchoient vainement.

L'intervalle qui s'écoula depuis L. Andronicus jufqu'à Térence, eft environ de foixante-dix ans. Plaute parut à-peuprès vers le milieu de cette époque; & c'eft à lui que la Langue Latine doit fon. premier degré de perfection. Il imita les Grecs,à l'exemple des Poëtes qui l'avoient précédé, mais beaucoup plus heureusement qu'eux. Il paroît qu'à l'imitation des Poëtes de l'ancienne Comédie Grecque, il a plus cherché à amufer la multitude, qu'à plaire aux Grands, qu'il flatte peu, & aux dépens defquels, il faifoit rire le peuple. La vivacité, l'élégance, l'urbanité & le pittorefque de fon

loient parler latin, elles emprunteroient fon langage. Cependant il s'en faut qu'il foit auffi pur, auffi châtié que celui de

Térence.

Ce Poëte, le plus parfait des Poëtes comiques Latins, mérita d'être admis très-jeune dans la meilleure compagnie de Rome. Il ne fit qué copier Ménandre, qu'il choifit de préférence pour fon modèle. Son ftyle eft d'une fimplicité fi noble, d'une élégance & d'une pureté fi parfaite, qu'on attribua fes ouvrages aux Grands de Rome, qui parloient le mieux leur langue, à Scipion l'Africain & à Lelius dont il étoit l'ami particulier. Si l'on compare Plaute à Térence (1), on trouvera que Plaute pofféde plus la force comique que Térence: que fes perfonnages parlent moins qu'ils n'agiffent; que fes caractères font foutenus & que par la variété des incidens, il fait toujours ménager une furprise agréable.

(1) Voyez les deux Préfaces de Madame Dacier à la tête de fes traductions de Plaute & de Térence.

Ces qualités manquent à Térence. Mais il est admirable & bien fupérieur à Plaute, dans la peinture des mœurs, qu'il rend avec affez de vérité, pour perfuader que c'eft le langage de la nature. Il n'excite pás, il est vrai, ce rire éclatant, qui n'eft qu'un mouvement convulfif; mais ce rire délicat & doux de la raison, qui procure à l'ame une fenfation délicieuse. Plus on lit fes Comédies, plus on veut les lire, & l'on y revient encore avec un plaifir toujours nouveau. La morale en est si pure, les maximes dont elles font remplies, conviennent fi bien à toutes les actions de la vie, qu'elles peuvent être mifes entre les mains de toutes fortes de perfonnes. Elles font un modèle achevé de ftyle: c'eft-là que la jeuneffe peut puiser fans danger le goût de la belle Latinité.

Toutes les Pièces des Poëtes que nous venons de nommer, étoient moins leur propre ouvrage, qu'une copie de celles

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