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comme il avoit la réputation d'être riche, ils fe flatterent d'y trouver dequoi contenter leur avarice. Mais la précaution qu'il avoit prife, trompa leur efperance, & ils en fortirent les mains vuides.

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Delà ils allerent dans nôtre Eglife, où ils trouverent encore des ornemens, & des images qu'on n'avoit pas eu le loifir de mettre à couvert. Ils les tranfporterent dans la maison voifine d'un bon Chrétien nommé Luc Thu, qui eut le bonheur dans la fuite de donner sa vie pour J. C. Comme on le prit pour un des prédicateurs de la loy Chrétienne, on le maltraita cruellement, & on l'enferma dans une rude prison. Ils continuerent leur pillage dans l'Eglife des RR.PP. Dominicains, & dans les autres maifons des

Chrétiens qu'ils avoient emprifonnez.

Etant retournez à la chambre du Confeil où l'on avoit arrêté les fix Chrétiens, ils leur mirent les fers aux pieds, & les firent traîner dans les prifons. Trois jours après ils fe retirerent de Kefat, & conduifirent à la Cour les fix prifonniers. On laiffe à juger quelle fut la défolation des Chrétiens, de voir la profanation de leurs Eglifes, le faccagement de leurs maisons, & les cruels traitemens qu'on venoit d'exercer fur une troupe de Néophytes, qui n'avoient d'autre crime que leur attachement à la foy.

Dès qu'ils furent arrivés à la Cour, les prifonniers furent préfentez au Tribunal. On étala à leurs yeux des chaines d'une pefanteur énorme, & tous les inf

trumens de leur fupplice. Le Mandarin jetta par terre un Crucifix, & leur déclara que le feul moïen de fauver leur vie, & leur liberté, étoit de le fouler aux pieds. Trois Néophytes effraiez par ce fpectacle de terreur, racheterent leur vie par une lâche & criminelle obéïffance aux ordres du Mandarin. Les autres plus fermes dans la foy, fremirent à cette propofition impie, & s'offrirent généreufement aux tortures & à la mort. Auffi-tôt on leur attacha des chaînes de fer au col, aux, pieds, & aux mains, & on les, emprisonna. De-là les Mandarins allerent faire leur rapport au Regent de l'expédition de Kefat, & lui préfenterent tout ce qu'ils y avoient trouvé qui fervoit au culte Divin.

A cette vûë le Regent entra

en une espece de rage, & dans ce premier accez de fureur, il ordonna à un de fes Eunuques, & à un Mandarin de confiance, d'aller à Kelat, & d'y faire de nouvelles recherches de tous les meubles confacrez au fervice des Autels

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- Ces deux Officiers exécuterent ponctuellement les ordres du Regent, mais ils ne trouverent prefque rien dans les Eglifes, ni dans les maisons parce qu'on avoit eu le loisir de cacher fûrement tout ce qui avoit échapé à l'avidité du foldat. Ils fe contenterent de mener prifonnier à la Cour un Néophyte qui étoit au fervice des Miffionnaires.

En rendant compte de leur commiffion au Regent, ils lui firent une description exacte de la forme & de la grandeur des

Eglifes où les fideles s'affembloient. Ce barbare depêcha fur l'heure d'autres Mandarins à Kefat, pour y dreffer le plan de ces Eglifes, & le lui apporter. Ce fut à cette occafion que les foldats fe croïant autorisez, n'épargnerent ni les infultes, ni les violences ni les mauvais traitemens. Ils fe répandirent dans toutes les maifons comme des furies, & ils y pillerent tout ce qui tomba fous leurs mains, frappant à droite & à gauche ceux qui fe rencontroient fur leur paffage.

Toute la Bourgade fut confternée à un point, qu'une fem→ me faifie de fraïeur accoucha avant terme, & qu'une autre de crainte & de defefpoir fe donna la mort à elle-même. Tout le peuple en mouvement vint porter fes plaintes aux Manda

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