Imágenes de páginas
PDF
EPUB

voit qu'un feul Chrétien à Arian coupan, il en a aujourd'huy près de quatre cens, & de grand s efperances de gagner bien-tôt à Jefus Chrift plufieurs familles confiderables par leurs caftes.

Je voudrois pouvoir vous décrire ici les faints éxercices quife pratiquent dans le lieu que je viens de nommer, qui n'eft qu'à une petite lieue de Pondicheri, & où nous avons une belle Eglife confacrée à Jesus - Chrift fous l'invocation de fa fainte Mere. On ne peut parler de ce faint édifice, Monfieur, ni y répandre devant Dieu fon cœur, & fes voeux, fans fe fouvenir de vos foins obligeans, & des bontez de votre Compagnie. Le P. Orry ne les a pas laiffé ignorer. Pendant toute l'année il ya dans cette Eglife un concours édifiant de Fideles qui y viennent rem

plir les devoirs folides du Chriftianisme, mais ce concours devient prefque immenfe pendant les huit jours qui précedent la Fête de la Nativité de la fainte Vierge. J'ai eû le bonheur cette année de coopérer de mon mieux au falut de ce grand nombre de Fideles François & Malabares, & je vous affure que les exemples touchans de pieté, dont j'ai été témoin, m'ont fouvent attendri jufqu'aux l'armes.

La veille de la Fête qui termine toûjours la neuvaine, la jeuneffe Malabare a representé cette année-ci dans une Tragedie le Martyre de fainte Agnès. On a dans ces climats une fureur extrême pour le Theâtre. Les bons Poëtes font en grande vénération chez ces Peuples, qui n'ont rien de barbare. La Poëfie joüit dans l'Inde de la faveur

des Grands. Ils accordent à fes nourriffons le Palanquin, dif tinction très-honorable.

Le Theâtre dreffé dans une plaine près de notre Eglife, étoit vafte. Je n'y allai d'abord que dans le deffein de n'y refter qu'un moment Mais les Acteurs fçûrent m'attacher je ne fçai comment, & j'y demeurai jufqu'à la fin de la piéce avec mon Intêrprête. Sûrement je n'y vis pas nos Regles ni d'Horace, ni de Boileau, mifes en œuvre, mais je fus agréablement furpris d'y remarquer des Actes diftingués, & variés par des intermedes des Scenes bien liées, de l'invention dans les Machines, beaucoup d'art dans la conduite de la pièce, du goût, & de la bienféance dans les habillemens, de la jufteffe dans les danfes, & une Mufique fort har

monieufe, quoiqu'un peu bizarre. Les Acteurs faifoient pa roître une grande liberté, & beaucoup de dignité dans leur déclamation. Auffi avoient-ils, été tirez d'une cafte fupérieure.. Leur Memoire fut fidele, il n'y avoit point là de fouffleurs. Ce qui m'édifia le plus, c'eft que la Piéce commença par une profeffion autentique du Chriftianifme, & que dans toute la fuite, les dérifions, & les invectives les plus fanglantes contre les Divinités du Payïs, ne furent point épargnées. On en ufe de la forte dans les Tragédies Chrétiennes,qu'on opofe ici aux Tragédies prophanes des Idolâtres, & elles font pour cette raifon un excellent moyen de converfion.

L'auditoire étoit au moins de vingt mille ames, qui écoutoient

dans un filence profond. On a mis au jour le Theatre François, le Theatre Anglois, le Theatre Italien, le Theatre Efpagnol. Je ne defefpere pas que quelqu'un n'y mette auffi le Theatre Indien. Le caractere qui diftingue le plus ce dernier, c'est l'action vive & perpetuelle qui y regne, & le foin qu'on y a d'éviter dans les rôles les longueurs non entrecoupées.

Je me tiens actuellement à Ariancoupan parmi nos Neophytes qui m'apprennent à begayer leur langue. Je m'y accoutumé peu à peu au genre de vie que les Miffionnaires font obligez de fuivre dans les terres, pour fe rendre utiles au falut des ames. Que la moiffon feroit grande, Monfieur, s'il y avoit beaucoup d'ouvriers! Plus on s'éloigne des côtes, plus on trou

« AnteriorContinuar »