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ché de voir des perfonnes de ce rang éloignées de leur patrie, dans un délaiffement general, fans amis, fans fupport. Comme il n'étoit pas leur Domeftique; il crut pouvoir fans aucun rifque faire le voïage de Pekin, & procurer quelque affistance à ces Princes abandonnés.

L'Empereur qui a par tout des efpions, fut bien-tôt informé, & du plaifir que le Licentié avoit fait à Sourniama en lui vendant fa maison, & de fon arrivée à Pekin. Il y eut ordre de l'arrêter. On le mit en prison, on l'appliqua à la question, & la violence des tourmens tira de lui les Lettres adreffées aux Princes amis de Sourniama, dont il étoit le porteur. On mit auffitôt la main fur ces Princes, & on les conduifit en prifon avec l'Intendant de Sourniama, Do

meftique de fa porte, qu'il avoit laiffé à Pekin pour veiller au foin de fes affaires, & lui fournir peu à peu l'argent qui lui étoit néceflaire.

Les réponses que firent les prifonniers dans les interrogatoires qu'ils fubirent, impliquerent plufieurs autres perfonnes dans la même affaire. On les emprisonna fur le champ, & on donna ordre au General de Fourdane de fe rendre inceffament à la Cour.

Cet ordre auquel il n'étoit pas naturel de s'attendre, & les emprisonnemens qui le precederent, effraïerent les Domeftiques de Sourniama. Plufieurs d'entre eux renoncerent au foin de fes affaires pour ne penfer qu'à leur propre fûreté; d'autres s'enrichirent aux dépens de leurs Maîtres qui les avoient comblez

de bienfaits, & qui les honoroient encore de leur confiance; tels furent quelques Domeftiques de la porte, qui chargés de percevoir les revenus des Terres & des Maifons de ces Seigneurs, refuferent de s'en deffaifir fous le fpécieux prétexte que ces biens feroient infailliblement confifqués ; qu'on leur demanderoit compte des fonds & des rentes échües depuis le départ de Sourniama; & qu'après ce compte rendu, on les feroit Domestiques d'une autre Maifon.

Cependant le General de Fourdane arriva à Pekin. Il étoit créature de Sourniama, & c'étoit à fa protection qu'il devoit fa fortune; auffi eut-il pour fon bienfaiteur tous les égards que le devoir de fa Charge, & la fidelité à fon Prince lui permi

rent. Dès qu'il parut à la Cour, l'Empereur le fit venir en fa prefence, & eut avec lui de longs entretiens, dont on n'auroit rien appris, file tems n'en eût découvert une partie.

Il fut bien-tôt renvoïé à fon pofte. Quand il approcha du Fourdane, tous les Officiers de la place vinrent au-devant de lui felon la coûtume: Sourniama s'y trouva auffi, mais le General fit femblant de ne le pas appercevoir, & affecta de détourner la tête. Ce fut pour le vieillard un trifte augure des nouveaux malheurs dont il étoit menacé. En effet le lendemain il lui vint de la part du General un ordre qui lui prescrivoit de fortir de la Ville, lui, fa famille, & tous fes gens, & d'aller demeurer au milieu d'une campagne qu'il lui affigna à deux

lieuës de la place, avec défense d'y remettre le pied.

Cette nouvelle que nous n'apprîmes que d'une maniere confufe, nous affligea fenfiblement, & nous commençâmes à croire, comme beaucoup d'autres, que le deffein étoit de laiffer languir ces Princes, & fe confum er peu à peu dans ce défert; tout ce que nous pûmes faire dans de fi triftes conjonctures, fut de redoubler auprès de Dieu nos prieres, afin de leur obtenir la force de fuporter patiemment de fi rudes épreuves.

Je cherchois inutilement le moyen de faire paffer quelques mots de confolation à ces illuftres affligés; tous les paffages m'étoient fermés. Si quelque Domeftique fidele fe hazardoit de venir à Pekin, il le faifoit trèsfecretement,& nous n'en avions

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