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couvert encore de la pouffiere « du voyage, vouloit se faire ra- « fer les cheveux C.omme ce Prin- « ce eft populaire, il fit diverfes « questions au Barbier tandis qu'il « le rafoit; il lui demanda d'abord C6 s'il étoit de Fourdane, & com- «< ment il n'alloit pas à Pekin, où ડ des gens de fa profession trou- « voient bien plus à gagner, que « dans un lieu auffi miférable « que Fourdane. Il répondit qu'il « étoit de la Province de Chen- « fi, qu'il avoit demeuré quel- « ques années à Pekin, mais qu'il « n'y faifoit pas fortune à caufe de «< la quantité de gens de fa profef- « fion qu'on y trouve. Et en quel « quartier demeuriez-vous, dit le « Prince, qu'y avez vous trouvé « de remarquable? Je demeurois, dit le Barbier, près de la porte « de Chun Tchi men, & j'y ay vû «< avec plaifir une Eglife bâtie à «

ce

» l'Europeanne qui eft proch ede cette porte. Eftes- vous entré » dans cette Eglife, reprit le Prin»ce, & connoiffez-vous ceux qui "y logent? Que font-ils-là? J'y » fuis entré plufieurs fois, répondit le Barbier, ce font des Eu» ropéans qui y réfident, & qui

prêchent la Loi de Dieu; » mais repliqua le Prince, quel » étoit votre deffein? Vouliez-vous » vous faire Chrêtien? Je le fuis » dès ma jeunesse, dit le Barbier. A cette parole le Prince fe leva, » & l'embraffant tendrement, hé! » que ne vous expliquiez - vous » plûtôt, lui dit-il, je fuis Chrêtien » comme vous, Paul eft mon nom » de Baptême. Il s'informa enfuite » de tous ceux qui étoient Chrêtiens dans ce lieu-là, & de moi » en particulier qu'ils regardent » comme leur chef; il me fit don

ner quelques inftructions, &

ajoûta que je pouvois m'adreffer « à François Tcheou Domestique « de la porte du Prince Jean. Je le « fis, & je rendis fecrettement à « ces illuftres Exilés tous les fer- « vices dont j'étois capable.

Tout fut affez paisible jus- « qu'au retour du Général qui ap- « porta l'ordre de les chaffer de la « Ville, & de les confiner dans un « défert; on leur affigna une plaine «< de fable appellée Sin pou tse, 66 c'est-à-dire,nouvel hameau, par- « ce que fur un petit tertre qui s'y « trouve, de pauvres gens venus «< d'affez loin y ont bâti fept ou «< huit cabanes,pour cultiver quel- « ques morceaux de terre qui font « au de-là du fable.

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Ce fut un spectacle bien tou- « chant de voir la trifte fituation « de ces Princes. Les pluïes con- « tinuelles avoient ruiné leur équi- « page: les uns avoient été forcés «

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» de payer d'avance pour un an »le loyer de leurs maifons, par» ce que l'on en ufe ainfi avec les » exilés ; les autres avoient pref » que achevé d'en bâtir à leurs » propres dépens, & cependant on » les obligeoit de tout abandon»ner. Il leur fallut fortir brufque»ment, les uns à pied, les autres ,, à cheval, les femmes & les en» fans fur de méchantes charettes, » pour se transporter dans un dé» fert, où l'on ne trouvoit ni pâ» turages pour les beftiaux, ni bois pour le chauffage: tout infertile, » & fablonneux qu'étoit ce terroir, » les propriétaires leur vendirent très-cher l'emplacement nécef›› faire pour y conftruire des cabanes: car on ne peut gueres appeller autrement des maifonsfaites de bois & de terre, & cou» vertes de chaume: encore fal» lut-il faire venir ces materiaux

d'ailleurs, & ces nouveaux frais ແ abforberent le peu d'argent qui «‹ leur reftoit.

Pendant que ceux qui étoient « témoins d'un traitement fi dur, « murmuroient hautement, les « Princes étoient les feuls qui ne« laiffoient échaper aucune plain- « te; ils paroiffoient auffi tranquil- « les que s'ils euffent été dans l'a- « bondance; je parle des Chrê- « tiens, car je n'avois aucun com- « merce avec les autres.

Pour moi j'étois vivement « touché de me voir gêné dans « les fervices que je voulois leur « rendre: Le Général du Fourdane «‹ avoit fait afficher des placards à « toutes les portes de la Ville, qui « portoient défense à tous les Mant. « cheoux, Mongous & Chinois « Tartarifés d'aller à Sin pout fe," fous peine d'être livrés au Tri- « bunal des crimes à Pekin, & d'ê- «

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