a le talent de la parole. Il fut choifi par le Mandarin du lieu pour expliquer ce livre Impérial au Peuple. Comme il ne l'avoit point leu, & qu'il cherchoit s'affranchir de l'état d'indigence où il fe trouvoit, il accepta volontiers un emploi qui le mettoit à l'aife, & qui lui fournissoit le moyen d'entretenir fa famille. Il eut d'abord à essuyer des contradictions dans ce nouvel emploi: un Concurrent idolâtre l'accufa d'être Chrétien : mais le Mandarin dont il s'étoit at. tiré l'eftime, ne fit point de cas de l'accufation, & foutint fon choix. Les premiers difcours du Néo phyte furent applaudis. Animé par ce fuccés, il continua en particulier la lecture du livre pour en préparer de nouveaux : mais il fut étrangement furpris d'y voir des blafphémes contre la Religion Chrétienne, & il comprit l'embarras où il alloit fe trouver. Son Dieu & fa Religion d'une part; de l'autre fon emploi & toute fa refource. Il se mit genereusement au-deffus d'une tentation fidélicate. Ayant eu occafion d'aller à Peking, it alla trouver un de nos Peres afin de fe fortifier par ses confeils, par la participation des Sacremens. Après quoi il retourna à fon pofte. t Enfin arriva le jour critique où il devoit nécessairement parler de la Loy Chrétienne. L'Affemblée qui fut beaucoup plus nombreuse qu'à l'ordinaire, étoit très attentive, et se préparoit à bien pefer toutes fes paroles. Le Néophyte parut plus hardi que jamais : après un court exorde il expliqua les Commandemens de Dieu avec une netteté &une force qui étonna fes Auditeurs. Voilà, leur dit il, ce que tout Chrétien doit prati"quer: telle eft la doctrine céleste qu'on nous enfeigne ; peut-elle ne pas plaire à tout efprit raifon»nable ?Puis il ajoûta de grands. éloges des Miffionnaires, difant que leur vertu & leur fcience leur avoit ouvert la porte de la Chine, les y maintenoit en& core. Enfin finiffant fon difcours par les propres paroles de l'Em pereur, ce font-là, dit-il, des chofes que vous ne devez pas ignorer. Les ennemis du nom Chrétien qui étoient accourus en foule à ce Difcours, auroient infailliblement éclaté, s'ils n'avoient pas été retenus par la préfence des Mandarins. Mais dès le jour même ils porterent leurs plaintes au Mandarin qui l'avoit chargé de cette commiffion, & qui bien qu'il fût fon protecteur, fe vit obligé de l'en priver. Le Néophyte avoit pris fon parti; il renvoya le Livre Imperial, content de vivre pauvre, pourvû qu'il vecût Сhré tien. Sa Dieu ne fut pas long tems fans récompenfer la fidelité de fon Serviteur. On mit en place un Lettré d'un médiocre mérite: il fit bien-tôt regretter fon prédeceffeur, le mécontentement étant général, le Man darin rétablit peu après le Néo phyte dans fes premieres fonctions, qu'il exerce encore aujour d'hui avec un applaudissement univerfel. Au regard des Miffionnaires, ceux qui demeurent à Peking, |