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croyez-vous que votre fille pût balancer? plutôt expirer cent fois... Varuccy fe lève avec transport, & fe jettant dans les bras de madame de Salisbury: Embraffe-moi, Alix, ma fille, ma chère fille ! tu es donc digne de ton père !.-Qu'ai-je entendu tomber?. ô ciel ! un poignard, mon père ... échappé de votre fein ! C'étoit pour te frapper, pour m'immoler moi-même fur ton corps palpitant, fi je n'euffe retrouvé ma chère Alix,'une fille qui fera. ma confolation, l'honneur de ma vieilleffe; eh! que tu as bien connu ton père, quand tu n'as pû imaginer qu'il fût capable de fe démentir! Alix, je n'ai donc rien à craindre; mon deffein a été de t'éprouver, de te donner une idée des fentiments, & des entretiens de ce monde corrompu ; fi ma fille eût hélité, je te le répéte: je devenois fon meurtrier, & ma mort fuivoit la fienne : mais je puis me reposer sur ta vertu. Apprends donc le plus grand des malheurs pour nous, pour l'état : le roi alloit. épouser la princeffe de Haynaut, & tu lui as inspiré une paffion ... tu pâlis !

Madame de Salisbury se précipite aux genoux de Varuccy: Mylord, connaissez votre fille, tous les tourments qui l'accablent ; lifez dans ce cœur qui

vole au devant de vos coups ; hélas ! c'est vous montrer mon bienfaiteur, mon père, que de m'arracher la vie. Sçachez que je n'ignore point l'amour du roi, qu'il m'a écrit, qu'il m'a parlé, que mon ame...

Tu aurois pour ton maître d'autres fentiments que ceux du refpect & de la reconnaissance ? La tendreffe la plus vive, mon père, reprend la comteffe, en verfant un torrent de larmes. Que dis-tu, malheureuse? - Oui, mon père, oui mylord, l'amour le plus violent me déchire; il eft né avec moi, cet amour qui fait mon fupplice !mon cœur avoit prévenu l'aveu de notre monarque... vous me regardez d'un cil d'indignation? fufpendez votre colère ; j'ai pû avoir une faibleffe: je l'ai étouffée dans mon sein ; je me fuis toujours montrée votre fille ; j'ai repouffé j'ai rejetté les vœux du roi ; il n'a furpris aucun de mes fentiments. Voilà ce qui me faifoit embraffer la retraite... voilà ce qui caufera ma mort... Edouard eft mon maître : je le fens à l'empire qu'il a fur ma raison même ; mon père, cette raison ne me foutient plus, elle m'abandonne; je fuis toute à la douleur : mais, encore une fois, foyez affuré que vous n'aurez point à rougir de m'avoir donné la vie, que jamais Edouard ... tous les ferments, mon père, vous

oui,

pouvez les éxiger ; cet amour dont je fuis la proye; ne triomphera point. Que dis-je ? faut-il montrer au roi de la haine...Quelle expreffion vous échappe, Alix! non, ce n'eft point par des fentiments de haine que vous devez combattre un penchant qu'il ne vous appartient pas de faire naitre, & d'entretenir : c'eft par une conduite noble, foutenue & modefte, que vous rappellerez le prince à fes devoirs, & que vous remplirez les vôtres ; je ne veux point entrer dans les détails de cette paffion qui ne peut qu'être infenfée & criminelle ; j'ai votre parole ferez toujours digne de moi ; je compte fur vous, comme fur moi-même ; c'eft tout vous dire ; adieu. Le roi va fçavoir ce qu'il doit attendre de nous deux.

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que vous

La comtesse envoye chercher Maly, qui la trouve mourante, & noyée dans les pleurs : --- O ma feule amie ! viens recevoir mes derniers foupirs; mon père fçait tout, qu'Edouard m'aime, qu'il eft aimé, que jamais je ne trahirai ma vertu... que je me meurs, Maly; eh! le moyen de résister à ces assauts! mon père eft allé chez le roi ; quels nouveaux malheurs réfulteront de cette entrevûe!

Varuccy fe préfente devant Edouard qui fait retirer les courtifans: Varuccy, on ne vous a len

caché que dois-je espérer de votre complaisance ... de votre amitié pour moi ? votre fille... - Sire, je viens d'avoir avec elle une converfation où elle m'a développé fon cœur.-Elle me hait? Alix rend avec plaifir à votre majesté tous les hommages qui lui font dûs; elle difpute même de foumiffion & de zèle avec tous vos fujets : mais ma fille, la comtefle de Salisbury, n'est point faite pour être la rivale de la princeffe de Haynaut, & tout autre rang que celui de votre épouse... Je viens apporter à vos pieds, la tête d'un vieux ferviteur qui a fçu vous aider de fon courage, de fes confeils ... & qui fçaura mourir... - Qu'ai-je entendu? La vérité, fire, la vérité qu'on s'obstine à vous cacher, & qui vous parle par ma bouche... ah! prince, ah ! mon maître, vous éxigeriez...

Que vous foyez puni, ingrat, d'avoir offense votre bienfaiteur... Non, fire, je ne vous ai point offenfé: mais je dois vous ouvrir les yeux fur l'excès de votre égarement, & j'aime affez votre gloire pour vous empêcher de la compromettre,en vous livrant à un amour ... qui nous deshonoreroit tous deux, fire; je puis vous facrifier ma vie, mais mon honneur... Perfide, fans doute, c'est vous qui encouragez votre fille dans ces mépris... Sire, ma fille n'apprit

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jamais de moi qu'à vous refpecter ; il eft vrai, je l'ai instruite à ne pas écouter un aveu qu'elle ne doit point recevoir. Puisque je fuis coupable aux yeux de votre majefté, que toute l'étendue de mon crime lui foit dévoilée je n'ai pas eu besoin d'infpirer à madame de Salisbury le parti qu'elle devoit prendre ; elle est assez forte de sa vertu, fans que fon père la foutienne ; je l'ai interrogée ; j'ai fondé les replis de fon ame ; fi j'y avois furpris un fentiment indigne de fa naiffance, je faifois mon devoir, fire: le fer étoit prêt je l'enfonçois dans fon cœur, dans le mien. Téméraire, vous viendriez me braver! toute ma fureur... Sire, je l'ai dit à votre majesté, voilà ma tête. J'ai rempli ma carrière ; je ferai bientôt hors d'état de vous fervir : que m'importent le peu de jours qui me restent à vivre? Dumoins je mourrai avec l'assurance que ma fille ne ceffera d'aimer fon père,& fon honneur. Disposez de mon fort: n'êtes-vous pas mon maître? — Oui, je le fuis, barbare ... je voulois être ton protecteur...

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ton ami... tu me forces à te montrer le fouverain... ch bien ! il va paraître : qu'à l'inftant tu commandes à ta fille de s'offrir à ma vûe, ou qu'on te traîne à la Tour. A la Tour, fire; je m'y rends, moi-même

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