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Que la comteffe fe trouvoit coupable lorfqu'elle entendoit fon père attribuer fa douleur à l'absence de son mari ! O mon père, s'écrioit - elle livrée à la folitude, je vous trompe aufi! qu'une paffion infenfée entraîne de fautes! je trahis tout ce qui m'environne. Je blesse la confiance, l'amitié, l'amour paternel ! je ne me connais plus. Et j'oferai m'offrir aux regards du comte de Salisbury! mon malheur, mon crime font tracés fur mon front! j'ai le cœur trop plein de ce malheureux amour, pour qu'il n'éclate pas; mon époux tout l'univers fçaura que je fuis dévorée d'un feu qui ne peut que me rendre à la fois malheureuse & méprisable.

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Edouard, de retour dans fa capitale, entouré de l'éclat des grandeurs, rappellé à tous les plaisirs,ne pouvoit oublier la comteffe de Salisbury; il la revoyoit dans tout ce qui fe préfentoit à fes yeux; fon cœur fans cefle revoloit vers elle; il éprouvoit que le pouvoir fouverain ne remplit point le vuide de l'ame, & qu'elle a d'autres befoins que ceux de l'ambition. C'eft en vain que l'art des courtisans, & furtout de Truffel, cherchoit à imaginer des amusements: ils ne pouvoient arracher le monarque à la profonde tristesse qui le confumoit. Tous ces divertissements, toutes

Tome. I.

C

ces voluptés dont, en quelque forte, on l'accabloit, n'étoient point capables d'affaiblir un feul trait de l'image de la comteffe; un regard de cette femme charmante eût fait goûter à Edouard une yvresse qui rarement eft attachée aux plaifirs de la cour.

Mylord Varuccy entre un matin dans l'appartement de fa fille : Je reçois des lettres du roi: il m'apprend que votre mari arrive inceffamment à Londres, & il m'ordonne de vous y conduire. Ces mots frappent la comteffe; elle demeure interdite; elle tâche de diffimuler fon trouble, & prenant la parole: - Le roi m'appelle à la cour? — Vous attendrez le lord Salisbury.-Eh! mon père, mon mari ne viendra-t-il point en ces lieux ? pourquoi m'arracher à cette retraite ? Ma fille, les moindres volontés des fouverains font des ordres fuprêmes. Notre maître vous donne une marque de bonté: vous devriez y répondre avec plus d'empressement.

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- Mylord, fi vous fçaviez... je ferai étrangère dans ce nouveau féjour où vous voulez m'entraî◄ ner. N'y a-t-il pas des dangers pour une perfonne de mon sèxe à s'expofer au grand jour ? Votre fageffe, l'éducation que vous avez reçue, les éxemples de vertu que vous avez puifés dans le fein de votre famille: Alix, voilà bien des garants qui

m'affurent que vous fçaurez réfifter aux féductions qui pourraient chercher à vous furprendre. Encore une fois, ma fille, votre père & votre roi l'ordonnent: vous me fuivrez à Londres.

La comteffe fe précipite aux genoux de Varuccy; elle alloit lui déclarer l'aveu que lui avoit fait le monarque, révéler fa propre faibleffe: un lord de la connaiffance de fon père, étoit entré avec précipitation pour lui demander un fervice important; la comteffe les quitte, & va retrouver en pleurant son amie : --- Tu n'auras plus de reproches à me faire, Maly:vante-moi ma glorieuse victoire:mon père a reçu des ordres du roi de m'amener à la cour pour me trouver à l'arrivée du comte. Le croirois-tu ? j'ai eu la force de me combattre ; j'ai dompté le defir qui m'étoit le plus cher. Voir Edouard ! ce plaifir eût-il été un crime ? la vertu ne permet-elle pas ces faibles dédommagements de tout ce qu'elle nous refufe? La présence du roi, un feul de ses regards m'eût fait fupporter les peines fecrétes que j'éprouve ; cette légère fatisfaction n'auroit point offenfé un de voir qui, fans doute, eft trop rigoureux ; mon cœur n'eût pas formé le moindre fentiment ... ah ! ma chère amie, je

m'égare,je t'en impofe ; je m'en impofe à moi-même ; & comment toute mon ame n'auroit-elle pas été remplie du bonheur de voir un prince... Je fuis aimée... ne crains rien , je fçaurai réfifter à mon père, à mes propres defirs; je n'irai point à Londres ; je refterai dans ce féjour... je ne puis plus foutenir tant d'orages oppofés. Maly,j'ai été fur le point de découvrir tout à mylord; l'arrivée d'un de fes amis m'a arrachée à cette cruelle extrêmité; fois inftruite feule de tout ce qui déchire mon cœur ; j'ai befoin que l'amitié vienne m'appuyer. L'amour, quel mot j'ai prononcé

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me cause bien des tourments! Aidée de tes conseils, de ta fermeté, je triompherai. Ah! que je redoute la vûe de Salisbury! qu'un cœur qui aime la vertu, en lui étant infidèle, a de la peine à ne pas fe trahir! Qu'on eft heureux, lorfqu'on ne s'eft point écarté de fon devoir ! je l'ai perdu,ce bonheur ! jamais je ne le goûterai !

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Varuccy fait des préparatifs pour retourner à Londres; la comteffe déterminée par fon amie à der le filence, & à ne point s'expofer aux regards du monarque, prétexte une indifpofition; fon père s'en fépare, en lui commandant expreffément de venir le joindre à la cour, auffitôt qu'elle fera rétablie ; fa

fille le voit partir avec quelque regret ; il y a des momens où elle accufe fa fageffe de trop de févérité. Elle s'interroge fur ce qu'elle defire, fur ce qu'elle veut rejetter; elle voudroit conferver fa vertu; elle pleure fur fon facrifice. La comteffe de Salisbury adore Edouard, & elle fent tout l'excès de fon égarement: quel fort déplorable! que de femmes retrouveront dans ce tableau l'image de leur fituation!

Ce n'étoit point affez que madame de Salisbury eût foutenu les preffantes follicitations de fon père il falloit qu'elle repoufsât des affauts encore plus redoutables. Au moment qu'elle pleuroît dans le fein de fon amie, qu'elle fuccomboit fous tant de combats différents, on annonce un inconnu qui demande un entretien fecret : la comteffe éloigne tout ce qui l'entoure, & demeure feule. L'inconnu entre, & présente une lettre :- -Voici, madame, ce que le roi m'a ordonné de vous rendre à vous-même. Le roi, dit madame de Salisbury ! elle ne peut cacher fon trouble;elle ouvre la lettre d'une main tremblante, & lit ces mots :» Vous faut-il, madame, des ordres

abfolus pour vous appeller à la cour? Jama's la » voix du maître ne fe fera entendre;ce fera celle de » l'homme qui vous eft le plus foumis. Belle Salis

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