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du grand Offat, ne pouvoit être rempli que de zéle pour Dieu, & de refpect pour fon Souverain, comme il en donna d'illuftres marques pendant le malheureux temps de la ligue.

Le zéle ardent pour le fervice de Dieu, lui infpira le deffein de remettre dans l'Abbaye de Feüillans le premier efprit de l'Ordre de Citeaux; & ce grand Dieu lui fit connoître dans la priere, qu'il devoit être l'inftrument dont fa providence vouloit fe fervir pour l'accompliffement de cette œuvre fi importante, dans la baffeffe & la defolation où fe trouvoit pour lors l'état Religieux. Il eft vrai qu'il fe prefenta des obftacles bien difficiles à furmonter, & fans un grand zéle & un courage à l'épreuve de tout, il ne fut jamais venu à bout de fes entreprises. Aprés qu'il eût fait profeffion dans la réforme il revint dans fon Abbaye pour être à fes Religieux le modéle d'une régularité parfaite dans l'obfervance de la régle du Patriarche Saint Benoift; mais quatre ans s'écoulerent fans qu'un fi bel exemple pût attirer des imitateurs, les fréquentes exhortations ne furent pas plus efficaces que fa douceur ou fà févérité. Cependant fi ce faint Abbé n'eût pas la confola

de voir fes Religieux-fuivre entiere, ment fon exemple, il eût néanmoins le pouvoir de retrancher les abus les plus importans, & les fautes les plus groffieres de fon Monaftere, & d'empêcher de faire de grands maux, ceux qui n'avoient pas le courage d'entreprendre un bien qui étoit au-deffus de leurs pratiques ordinaires : Pour lui il nous donne une idée de fa conduite dans une Lettre qu'il écrivit alors à l'Abbé de Citeaux fon Supérieur.,, Quatre ans fe font paffez, dit-il, que,, je n'use ni de chair, ni de vin, priant, le jour & la nuit en continuelles pleurs & larmes, dormant fouvent,, fur le carreau de la cellule, ou fur la,, terre de l'Eglife, afin d'obtenir de,, Dieu la grace que cette Abbaye fe,, porte à la fainte obfervance de fa ré-,, gle.,, Dieu benit fes faintes intentions, & le fuccés furpaffa de beaucoup fes efperances, puifque non-feulement il mit la réforme dans fon Abbaye, mais qu'il eût encore l'avantage d'établir une célébre Congrégation dans l'Eglife, qui a été féconde en grands hommes.

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Sa vie & celle de fes premiers Religieux, fut une fuite continuelle de pénitences & de mortifications extraordinaires, jufques-là même qu'on ne

Tome III.

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ils

fait nulle difficulté de les mettre en paralelle avec celles des premiers Anachorettes. Dans les jours de jeûne ordonnez par la régle, ils ne mangeoient qu'une fois le jour, aprés avoir chanté l'Office de None, c'est-à-dire, environ les deux heures aprés midi; & pour réparer & foûtenir leurs forces épuifées par une longue pfalmodie, & par un pénible travail des mains trouvoient fur leur table du pain fait de pure farine, fans la paffer ni cribler, des herbes cuites à l'eau, fans fel & fans huile, & ce qui eft de plus rude, fans aucun difcernement des fauvages d'avec celles qui font deftinées à l'usage des hommes; ce repas étoit accompagné d'eau pure, & afin que le fommeil même ne fut pas exempt de fouffrances, la terre nue ou couverte d'ais, leur fervoit de lit de repos, & pour chevet ils n'avoient qu'une piece de bois, ou quelque groffe pierre, On auroit peine à croire de fi prodigieufes aufteritez, fi la proximité des temps ne nous en avoit confervé des preuves évidentes. Il eft vrai qu'elles n'ont duré que dix-huit ans dans cette rigueur infuportable; c'est-à-dire, depuis l'an 1577. que commença la réfor me, jufqu'en l'an 1595. auquel le Pape

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DES ORDRES RELIGIEUX. Clement VIII. les modéra, fur le rapport qu'on lui fit qu'elles furpaffoient les forces ordinaires des hommes, & que dans une femaine quatorze Religieux étoient morts dans leur Maison de Rome faute de nourriture. Le Pape dans le Chapitre Général qui fe tint à Rome cette année 1595. fit dreffer les Conftitutions que les Feüillans obfervent maintenant laiffant néanmoins au Pere Abbé la liberté de continuër dans ces aufteritez aufquelles Dieu l'appelloit, & qu'il pratiqua fidellement jufqu'à la mort.

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Dés le commencement de la réforme, ce digne Abbé avoit envoyé à Rome deux de fes Religieux pour expofer au Pape toute l'aufterité dont ils faifoient profeffion, & le fupplier de prononcer fur ce genre de vie. Dieu difpofoit ainfi les chofes, afin que la ville capitale du monde Chrêti n ne fut pas privée de l'édification qu'elle devoit tirer d'un tel exemple. Sixte V. étoit pour lors fur le faint Siége, & convaincu des grands biens que pouvoit produire une fi fainte Congrégation, il approuva toutes les coûtumes & les aufteritez qui fe pratiquoient à Feüillans, & pour ne pas ôter à la ville de Rome un modéle fi rare de vertu,

il retint ces deux Religieux, & leur commanda d'en faire venir un plus grand nombre. Il en établit une Communauté dans l'ancienne & vénérable Eglife de Sainte Pudentiane, l'Abbé les pût envoyer fans affoiblir la régularité de fa Maifon, puifque dans le même temps il en conduifit foixante à Paris par ordre du Roy Henry III. & qu'il en laiffa encore quatre-vingt dans fon Monaftere.

La multiplication & l'heureufe fécondité que Dieu donna à cette réforme naiffante, rendit le nom de l'Abbé extrêmement vénérable à la Cour de Rome; la fainteté des enfans pubiioit celle du Pere qui les avoit inftruits, & lui attiroit fouvent des Lertres des Cardinaux qui lui écrivoient avec des paroles affectueufes & pleines d'eftime & d'admiration. Sa réputation ne fut pas moins bien établie auprés du Roy Henry III. qui lui manda de le venit frouver par une Lettre écrite de fa main, où il marque expreffément l'envie qu'il avoit de le voir. Le vertueux Abbé obéit aux Ordres du Roy, & arrivant à Paris, il fut acceüilli par Sa Majefté avec des témoignages d'eftime & de confiance, capables de flater un cœur moins folidement établi dans la

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