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ISAC,

TRAGEDIE.

**************

ACTE PREMIER

SCENE PREMIER E.

ISMAEL, NACHOR.

ISMAEL à quelqu'un de fa fuite. PRELLEZ de nos Dieux l'Interpréte ordinaire;

Je veux le confulter dans ce bois folitaire.

(à Nachor.)

Demeure ici, Nachor, toi qui connois mon cœur,
Souffre que dans ton fein je verse ma douleur.
Témoin de mon exil, rappelle en ta memoire
D'Ifmaël fugitif la douloureuse hiftoire :
Tu fçais qu'encore enfant, contre Ifac animé,
Je fouffrois du bonheur d'un frere trop

aimé ;

Des fils d'un autre hymen une mere envieufe
Supporte rarement fa rivale odieufe,

Sara fiere d'un fil

fi longtems fouhaité, Ne put fouffrir d'Agar l'humble félicité: Abraham féconda cette orgueilleufe mere, Et chaffa pour toujours le fils de l'étrangere. Ce titre est tout mon crime, & déplorable aîné, L'on a puni dans moi le malheur d'être né.

NACHOR.

Banniffez loin de vous cette idée importune, Seigneur, & ne fongez qu'aux biens dont la for

tune

A daigné dès l'enfance ici vous prévenir.

IS MAEL.

Et comment de mes maux perdre le fouvenir,
Si la nuit & le jour une funeste image
Me retrace fans ceffe un fi sanglant outräge,
Si toujours interdit, épouvanté, confus,
Je pense qui je fuis, quel autrefois je fus ?

NACHOR.

Vous futes un profcrit, & vous ceffez de l'être : Cheri dans nos hameaux, vous commandez en maître;

Tout prévient vos. défirs, & tout céde à vos loix: Tel eft votre deftin, quel fut-il autrefois!

ISMAEL.

Tu m'entends peu, Nachor; la fortune propice,
De mon fort, il eft vrai, repare l'injustice;
Mais lorfque tout ici semble rire à mes vœux
Si mon cœur fouffre encore, en fuis-je plus heu
reux ?

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Nachor, je te l'avoue, une rage fecrette,
Qui répand fon venin dans mon ame inquiete,
Par ce fatal poifon corrompt tout mon bonheur,
Et ne me permet pas d'en goûter la douceur.
Du Dieu que j'ai quitté j'éprouve la vengeance.
NACHOR.

D'autres Dieux plus humains prennent votre dé-
fense:

Par un honteux retour, adorateur foumis,
Oublierez-vous l'état où fon bras vous a mis?
Voulez-vous encenfer...

ISMAEL.

Apprends à me connoître Innocent jufqu'ici, je me laffe de l'être ; Puifque ce Dieu s'obstine à me perfécuter, Son courroux eft injufte, il faut le meriter. Quoi, je pourrois benir une main qui m'opprime! Non, non; pour la braver n'épargnons pas le

crime,

Préfentons notre encens aux favorables Dieux
Qui m'offrirent jadis un afyle en ces lieux.
Je vais interroger leur fidelle miniftre:
Puiffe-t-il diffiper un présage finiftre,
Et rappeller dans moi le repos qui me fuit!
NACHOR.

Mais, Seigneur, quel remords fi longtems vous "poursuit ?

Quand le foleil commence & finit fa carriere,
Errant dans les forêts vous fuyez la lumiere ;

Comme un timide cerf des chaffeurs menacé

Et qui porte par-tout le trait qui l'a bleffé.

ISMAEL.

Ami, je t'ouvre un cœur que le dépit dévore:
Abraham, quoiqu'abfent, me perfecute encore:
A peine le fommeil vient-il fermer mes yeux,
Que l'efprit occupé de fonges odieux,

Je le vois, je l'entends, d'une voix menaçante,
Me préfenter d'Ifac la fortune naissante,
Me reprocher le ciel & fon Dieu negligé.
Cette nuit, le dirai-je? il l'a même vengé :
Meurs, m'a dit Abraham, frémissant de colere,
Meurs pour venger le Dieu d'Ifac & de fon pere,
Qu'ainfi puiffent périr tous fes fiers ennemis !
Il frappe, il difparoit ; je doute fi je vis:
A mon reveil l'horreur d'un fi trifte préfage,
Me laiffe beaucoup moins de frayeur que de rage.
Quy, je fuivrai des Dieux la fouveraine loi;
Si le Ciel me pourfuit, l'Enfer fera pour moi.
NACHOR.

Effrayé comme vou de ce terrible fonge,
J'entre dans les foucis où votre ame se plonge :
Commandez, j'obéis ; Zaël vient... le voici,
Du fort qui vous attend vous ferez éclairci.

ISMAEL.

Va préparer, Nachor, un pompeux facrifice.
NACHOR.

J'y vole, & je réponds d'un destin plus propice.

T

SCENE II.

ZAEL, ISMAEL.

.ZA EL.

Ous mes enchantemens ont été fuperflus, Seigneur, tout eft changé; nos Dieux n parlent plus.

ne

A mes yeux étonnés leurs faveurs falutaires
Ont toujours dévoilé les plus fombres myfteres;
Aujourd'hui vainement interrogés cent fois,
Ces Dieux muets & fourds n'entendent plus ma

voix.

I-S MAEL.

Quoi-donc tout me trahit! invoquons-les encore. Répondez, juftes Dieux, Ifmaël vous implore, Parlez.

ZAEL.

Toi que jamais je n'invoquois en vain, Defcends, divin Génie, aujourd'hui dans mon fein ISMAEL.

De ce fonge fatal que faut-il que je penfe?
ZA EL.

Dieux, que dois-je augurer de cet affreux filence!
ISMA EL.

Si je vous ai payé des vœux qui vous font dûs,

ZA EL.

Si je l'ai mérité par mes foins affidus;

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