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h! quand il proteftoit que fa main liberale Rendroit ma destinée à fon pouvoir égale; Croi qu'alors, en fongeant que je devois regner, Mon cœur fentit des coups dont il a dû faigner. Combien de fois plaignant fa crédule espérance, Me fuis-je reproché mon barbare filence! Interdit, déchiré, prêt à le détromper, La vérité cent fois a pensé m'échapper. Mais j'efperois toujours que devenu propice A ses rares vertus le Ciel rendroit justice, Ou que la mort enfin laffe de fuir mes pas, En dégageant David, ferviroit Jonathas. ABIATHAR.

Vain 'efpoir! Samuel, & le fouverain Maître Qui vous font notre Roi, vous ordonnent de l'être, Soyez-le.

DAVID.

Samuel a peut-être éclatté.

Dieu que dira Saül? que ta fidélité

Cache au moins pour un tems ce inystère funefte Le Ciel & l'amitié décideront du refte.

Ah! voici Jonathas.

SCENE IT.

JONATHAS, PHINE'ES, Les mêmes,

PHINEES à Fonathas en entrant.

LE fait eft vrai, Seigneur,

Samuel a parlé; fortez enfin d'erreur
Vous blamiez mes foupçons, David les justifie.
Au defir de regner l'ingrat vous facrifie.
JONATHA S.

N'importe; il faut garder un filence profond.
pong'i shart: DAVID à part.

Que fa préfence, ô Dieu, m'agite & me confond}

JONATHAS s'avançant vers David.

Je vous cherchois, Seigneur,

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Puis-je être fi longtems fans revoir ce que j'aime? Mais d'où vient ce filence & cet étonnement... Seigneur ?

DAVID..

Ce titre feul en eft le fondement.

Quoi Jonathas l'emploie, & c'eft moi qu'il appelle! JONATHA S.

Ce titre ne dément mon amour ni mon zèle,

Sans ceffer d'être ami, je traite ainfi mon Roi,
DAVID effrayé.

Où fuis-je ? ah Samuel, où me réduis-tu ?

JONATHAS.

Que dites-vous ?

Quoi

DAVID.

Cher Prince, il n'eft plus tems de feindre; A quel cruel aveu venez-vous me contraindre? Quel mot de votre bouche, helas vient d'échapper, PHINE'ES à Jonathas.

Je ne puis plus me taire: il faut vous détromper! David eft criminel; fon trouble le décéle:

ABIATHAR.

Jamais on ne le vit plus grand ni plus fidéle.
DAVID donnant à Fonathas le bandeau royal.
Cher Prince, recevez ce bandeau de ma main,
Et fouffrez que Saül finiffe mon destin.
Mais pour vous dévoiler mon ame toute nue
Daignez lire ces mots, la main vous eft connue
Après cela jugez entre le Ciel & moi,
Et votre arrêt fera ma fouveraine loi.
JONATHAS lit.

Samuel mourant: à David Oinct du Seigneur vdu Roi d'Ifraël.

5, Au nom du grand Dieu de vos Peres 5, Souvenez-vous du rang où je vous élevai, ,, Regnez après Saul, le Ciel l'a reprouvé. ,, Les vertus de fon fils au Très-Haut font bien cheres banc

Mais pour David le Sceptre eft réfervé:

Sur cet ordre du Ciel, qu'un Prophète m'an

nonce,

Que voulez-vous, David, que Jonathas pro nonce?

DAVID.

Ma mort. Gardez ce don que j'ofe vous offrir
Plaignez un tel rival, & laiffez-le mourir,
JONATHAS.

Que je laiffe mourir mon rival, que je regne, Qu'en vous facrifiant je vous aime & vous plaigne ;

Qu'à ce prix je fois ceint de ce bandeau royal!
Eft-ce ainfi que David m'avoûroit pour rival?
Cruel, m'avez-vous cru fi peu digne de l'être,
Qu'il fallût par ces traits à vos yeux le paroître?
M'avez-vous donc jugé moins genereux que vous ?
De ma gloire à mon tour fuis-je fi peu jaloux,
Que tout l'éclat d'un rang promis à ma naissance,
Avec mon amitié puiffe entrer en balance ?
Mon cœur (vous le fçavez, je vous l'ai dit cent
fois,)

Eût-il en fon pouvoir vingt fceptres à fon choix;
Malgré l'ambition, malgré toute la flamme

Dont la foif de regner peut embrafer une ame、
Content d'aimer David, & de le couronner,
Ne les accepteroit que pour vous les donner. !
Si Dieu m'ôte le feul qui fût en ma puiffance,
Il ne fait que remplir mes défirs par avance.
David me rend mes droits, foyons donc concurrensa
Vous me cedez le thrône, & moi je vous le rends;

Ami, fi je me plains d'une amitié fi chere,
C'eft d'avoir craint pour moi cette épreuve légere
Comme fi Jonathas fans honte & fans chagrin,
dans un ami chérir un Souverain.

N'eût pu

DAVID.

Ne me reprochez point un fi cruel office,
Je gardois un fecret qui m'étoit un fupplice.
Par ma confufion n'êtes-vous pas vengé?
Du cœur de Jonathas David a mieux jugé ;
J'ai pu lui confier cet odieux mystère :
Mais il est des fecrets que l'amitié doit taire.
J'ai craint, je l'avourai, ces genereux refus,
J'ai craint ce que je vois, ma honte & vos vertus;
Et mon unique efpoir fut celui qui me reste,
D'emporter chez les morts un préfent fi funefte.
Ne me retenez plus : le thrône eft votre bien
Reprenez-le, Seigneur, & laiffez-moi le mien.
C'est en mourant, grand Dieu, que je te justifie
Si je ne puis armer Saül contre ma vie,
Je vais aux Philiftins abandonner mon fort.

JONATHA S.

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Cher David, arrêtez, que parlez-vous de mort? Ah! fi pour que l'un regne, il faut que l'autre

meure,

Ordonnez, Dieu puiffant, que j'expire fur l'heure,
Mais un vil intérêt doit-il nous féparer ?
Dois-je rougir de voir mon ami profpérer ?
Sommes-nous donc, ô Ciel, de ces Princes vul
: gaires,

Qui ne connoiffent plus amis, parens, ni freres

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