De ces monftres fortis du gouffre des enfers; Qui pour dominer feuls renverfent l'Univers? Fils de Roi je fens trop tout ce que vaut un thrône, C'est en voyant fon prix que mon cœur vous le donne.
Dois-je donc en rougir? qu'en peut dire la Cour Elle m'a cru Héros ; je le fuis en ce jour. J'ai gagné fous fes yeux de fanglantes batailles, Et fait aux Philiftins pleurer des funerailles. J'ai prodigué mon fang: je fais plus aujourd'hui ; Je donne à tout l'Etat un plus fidéle appui. C'est une amitié fainte à qui je rends hommage. Qu'Ifrael foit heureux m'en faut-il davantage Loin de me condamner, l'équitable avenir Ne ceffera fans doute un jour de me benir. Jonathas, dira-t-on, des amis le modéle Préfera.même au fceptre une amitié fi belle. David en fut plus digne, & le Ciel en fait foi; Mais Jonathas fans thrône en devint plus que
O Prince digne, helas, d'un pere moins barbare! DAVID.
Dieu, vit-on jamais une vertu plus rare Quel doit être le cœur des Rois que tu chéris; Si Jonathas entr'eux ne peut être compris ! Je le vois, Dieu vengeur, je perce le mystère ; Ta main en m'élevant voulut punir le pere, Et faire voir au fils que perdant tous les droits Il devra moins le fceptre à fon fang qu'à ton choix,
Content d'humilier un Roi que tu reprouves, Tu cheris Jonathas, pour un tems tu l'éprouves, Et certain déformais de fa fidélité >
Tu veux lui rendre un don qu'il a trop mérité. JONATHA S.
Je ne m'aveugle point; & Dieu dans fa colere, Punit fouvent le fils des forfaits de fon pere. Mals eft-ce me punir que de te faire Roi?
Ah! Dieu jufte, à ce prix puni-moi, venge-toi, Mon cœur trop fatisfait, für de fon innocence, En déteftant le crime en aime la vengeance. Mais il ne s'agit plus, David, de balancer. Différer d'obéir à Dieu, c'eft l'offenfer. Recevez ce bandeau qu'il veut que je vous rende; C'est moi qui vous en prie, & lui qui le com- mande
Et fi ce n'eft affez du Dieu que vous craignez, Comme ami, comme Roi, je l'ordonne, regnez. PHINEES on w
Ciel de ces deux riyaux couronnez la conftance.
(Il apperçoit Saul,) füllte; Ah! Princes, le Roi vient; évitons fa préfence; Doeg fuit, c'en eft fait, & Saül eft inftruit. (Ils fe retirent.)
Je l'avois trop prévu : les ingrats vous trahiffent; D'accord avec le Ciel contre vous ils s'uniffent Et Jonathas livrant la couronne à David
S'arme de vos bienfaits, se perd & vous punit. Allez; ne craignez plus qu'un vain ferment vous
Et facrifiez tout quand on vous facrifie.
Impitoyable Dieu, puifqu'en vain je te fers; Puifque tu me trahis, j'ai recours aux enfers ( à Doëg.)
La Pythoniffe enfin te fait-elle connoître Qu'à mes yeux Samuel doive bientôt paroître
Je vois un vieillard dont l'afpec
Et le port plus qu'humain infpirent le respect. Il s'éveille. Ses yeux lancent des regards fombre
Dieu! c'eft Samuel qui fort du fein des Ombres
Les mêmes, SAMUEL couver d'un crêpe noir.
L'OMBRE à Saül.
ALHEUREUX, quel coupable ra mords
Te force de troubler mon repos chez les morts?
Helas! mille malheurs ont menacé ma tête, Dieu fe tait; & je viens conjurer la tempête.
Pourquoi m'interroger? hé que pourrois-je moi¿ Puifque le Tout-Puiffant s'eft retiré de toi ? Rappelle en ton efprit cette pitié maudite Qui te fit épargner le fang Amalécite, Peuples par le Très-Haut à perir condamnés, Tandis que par tes mains des sujets confternés, Miniftres du Seigneur, enfans, vieillards & fem
En protégeant David, ont vu trancher leurs trames, Tu vas voir s'accomplir ton deftin & le fien ; Le fceptre eft fon partage, & la mort est le tien Pour perdre ce rival & prévenir ta chute, Ta jaloufe fureur en vain le perfécute;
Un invifible bras le protége, & te fuit, Demain je te verrai dans l'éternelle nuit. Victime des fleaux que le Seigneur t'envoye, Ton camp, des Philiftins, va devenir la proye Jonathas tombera dans le fein paternel :
Dieu lui réserve un fceptre en fon regne éternel. Enfin, ce fier Doeg miniftre de ta haine, Par une mort trop douce en recevra la peine. Adieu. (Saül tremblant tombe fur Doëg.) DOE G.
Vous frémiffez! parons ce coup fatal, Ét du moins baignons-nous dans le fang d'un rival. SAUL.
SAUL continue.
Er toi, farouche haine
Vien rompre mon destin, ou couronner ma peine Inonde tout de fang. Thrône, fi je te perds, Puiffe-tu dans ma chute entraîner l'Univers !
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